Un hôtel de luxe sud-africain offre depuis peu une « expérience bidonville », facturée 4 600 Fcfa la nuit
28,7 %. C’est la proportion de Sud-Africains vivant, selon ONU-Habitat, dans des bidonvilles. Et comme si cela ne suffisait pas, il est désormais possible de faire du « tourisme de la pauvreté » au coeur même du pays, à Bloemfontein. Buks Westraad, entrepreneur délirant et propriétaire du luxueux Emoya Hotel & Spa, propose depuis peu une aventure plutôt déroutante. Son idée : transformer ses clients en « Africains pauvres » pour quelques jours.
À première vue, l’expérience paraît authentique : cabanes en tôle ondulée, lampe à pétrole, pneus-chaises, radios à piles, toilettes extérieures… Mais à première vue seulement. Sur son site web, le lieu, Shanty Town, est vanté comme étant « le seul bidonville au monde disposant d’un chauffage au sol et d’une connexion internet sans fil ». Évidemment critiqué pour son indécence, l’hôtel offre même l’eau courante et l’électricité. Un inconfort tout relatif, donc, et loin d’être à la portée de tous.
Le prix de la nuit, jugé « abordable » par Buks Westraad, est tranquillement fixé à 62 euros. Avec le petit déjeuner et un spectacle musical traditionnel, il grimpe à 85. Le comble du mauvais goût quand on sait que près de 60 % des Noirs Sud-Africains vivent avec moins de 40 euros par mois.
Inauguré il y a plusieurs mois, Shanty Town est sorti de l’anonymat après que le satiriste américain Stephen Colbert en a parlé dans son émission. « Au mieux, on en ressort insensible. Au pire, c’est de la pornographie de la pauvreté », a-t-il notamment commenté. Lynché médiatiquement, Buks Westraad est également loin de faire l’unanimité dans son pays. Pour Zachary Levenson, blogueur influent en Afrique du Sud, son idée est scandaleuse : « Personne ne veut vivre dans une cabane, pas une seule foutue personne ! » Loin d’être déstabilisé par ces attaques, le propriétaire d’Emoya a une curieuse façon de se défendre. « Ces trois minutes chez Colbert nous ont fait une bonne pub », explique-t-il. « Seulement, il ne sait rien de ce qui se passe sur le terrain. Il ne sait pas que nous, les entrepreneurs, nous nous battons pour éradiquer le crime et la pauvreté. J’emploie huit personnes à plein temps et veux offrir à tous une vie plus belle.
Qu’aurait-il dit si j’avais été noir ? » La douzaine de cabanes, de 50 mètres carrés chacune, peut accueillir jusqu’à 52 personnes. Sauvagement lâchés au coeur d’une réserve de chasse fastueuse, « sécurisée et idéale pour les enfants », les clients sont donc invités à se réunir autour de « fantaisistes soirées à thème ». Mais ne vous y méprenez pas, Westraad ne vise pas les riches : « Ils ne représentent que de 1 à 5 % des personnes que nous recevons », assure-t-il : « Shanty Town permet de renforcer les liens entre les membres d’un groupe, d’une entreprise par exemple. » Et le combat contre la pauvreté dans tout ça ? « On espère qu’ici ils s’imagineront dans la misère, entourés par des criminels, à des millions de kilomètres de leurs écrans plats et de leurs chaises longues. » Il n’y a donc plus qu’à espérer !