Le jeune Béninois s’est lancé dans une dénégation maladroite qui ne l’a pas sauvé.
Les jurés de la cour d’assises de Bamako ont consacré la journée du mercredi dernier à « éplucher » trois dossiers. Parmi lesquels celui portant le N° 44. Il concernait un jeune homme de nationalité béninoise installé au Mali depuis quelques mois seulement. Il se nomme Alassane « Sadam » César, et âgé de 22 ans et se trouve accusé de vol à main armée en bande et de détention d’arme à feu. Les faits reprochés à ce jeune homme d’apparence calme remontent à courant 2011 et se sont déroulés dans l’enceinte des Halles de Bamako à la Cité UNICEF.
Etant donné que ce procès concernait le citoyen d’un pays autre que le nôtre, les juges de la cour présidée par Yaya Togola ont eu le souci de demander à l’accusé les raisons qui l’ont poussé à émigrer au Mali. Après avoir décliné son identité conformément à la loi, ce dernier s’est donc plié de bonne grâce à cet exercice et expliqua aux jurés le pourquoi de sa présence sur le territoire malien. D’une voix calme, et s’efforçant d’exprimer de manière très ordonnée ses idées, César dira qu’il avait été attiré par notre pays pour des raisons purement sportives. Il avait quitté son Bénin natal avec en tête le projet d’intégrer un club malien et d’essayer de vivre de son football, chose qu’il n’était pas parvenu à faire chez lui.
Mais à côté de ce plan « A », César avait un plan « B », comme il l’expliqua à la barre. Au cas où la chance ne lui aurait pas souri au Mali, il avait en projet de tenter sa chance en Guinée Conakry. Notre pays pouvait donc être considéré comme une étape où il se trouvait en transit avant de tenterv sa chance ailleurs.
Ces explications de l’accusé ont été jugées très peu convaincantes par la Cour. Un des assesseurs a fait très justement remarquer qu’il est difficilement compréhensible qu’un jeune homme qui aspire à faire du football son gagne-pain et qui est allé pour ce faire jusqu’à choisir l’exil, puisse se retrouver sans crier gare au milieu d’une bande de voleurs et se voit pris la main dans le sac, armé d’un pistolet et dans une tentative de dépouiller avec violence un honnête citoyen de ses biens. D’où cette question de la cour. « Alors pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes retrouvé ici à la barre ? ». Le jeune César a tenté de donner sa version des faits. Celle-ci (qui de l’entendement de l’accusé devait lui permettre de se tirer d’affaire) est à maints égards totalement à l’opposé de ce qui ressort du dossier de l’accusation.
UN PISTOLET SUR LA TÊTE. Selon cet acte, ce jour aux environs de 17 heures, dans les Halles de Bamako à la Cité UNICEF, la foule pourchassait un jeune homme qui sera plus tard identifié comme Alassane «Sadam » César. En compagnie de trois complices, tous de nationalité camerounaise, il venait d’agresser un certain Diallo dont le bureau se trouve au milieu de la structure. La victime possédait en effet un local où il pratiquait le change de devises étrangères. C’est dans le local où opère le cambiste que César a fait irruption, accompagné de ses complices camerounais.
Les quatre malfrats, qui avaient leur plan bien précis en tête, ont expliqué au propriétaire des lieux qu’ils étaient venus pour échanger des euros contre du franc FCFA, comme cela se pratique actuellement en plusieurs endroits de la ville. Les malfaiteurs avaient pris le soin de refermer la porte du local immédiatement après avoir fait leur entrée. Ne s’étant aperçu de rien, Diallo accepta la transaction. Les deux parties s’engagèrent dans un marchandage serré et parvinrent finalement à s’entendre sur un taux de change. Diallo passa alors derrière son comptoir pour prendre la somme nécessaire à l’opération.
Ce fut ce moment que choisit César pour lui pointer un pistolet sur la tête et pôur lui demander d’obéir à tout ce que lui et ses complices lui diraient. De fait, il n’y eut pas de conversation à proprement parler. Le cambiste fut violenté par les quatre malfrats qui ne lui donnèrent même pas le temps comprendre ce qui était entrain de lui arriver. Après avoir été sérieusement secoué, l’homme a été dépossédé de tout son argent estimé à 1,6 millions de FCFA. Les braqueurs essayèrent ensuite de prendre rapidement le large. Mais ils n’iront pas loin. Diallo criera de toutes ses forces pour alerter la foule. Pourchassés, les trois Camerounais du groupe parviendront quand même à prendre la fuite avec l’argent. César n’eut pas cette chance. Lui sera maîtrisé encore en possession de son arme et conduit au 10ème Arrondissement à Niamakoro. La procédure fut alors engagée afin que le jeune homme comparaisse en assises pour vol à main armée en bande et détention d’arme, ainsi que cela ressort de l’acte d’accusation.
FIGÉ DANS SES DÉNÉGATIONS. A la barre, le jeune Béninois s’est agrippé sans discontinuer à une seule stratégie de défense. Celle-ci consistait à rejeter toute l’accusation sur ses complices, selon le sacro-saint principe d’après lequel les absents ont toujours tort. César a donc chargé à fond les autres membres du groupe qui étaient parvenus à échapper à la furie de la foule. Tout juste si le jeune homme a reconnu avoir « seulement » assisté aux faits. Sa responsabilité, selon lui, s’arrêtait à cette présence passive. La preuve de sa non implication, a-t-il estimé, peut facilement être établie à travers le fait qu’on n’a rien trouvé sur lui de la somme dérobée. Le jeune est allé jusqu’à nier un quelconque lien poussé avec ses supposés complices. Il a dit ignorer tout de ce que ces derniers faisaient à Bamako et il a assuré qu’il ne les avait jamais rencontrés auparavant. « Nous n’avons pas tissé un lien d’amitié quelconque », a-t-il juré en évoquant le fameux trio camerounais.
Ces explications n’ont pas convaincu les juges qui ont été obligés de rappeler qu’il ressort du dossier des faits nombreux et précis qui accablent César. Non seulement celui-ci a donné des coups de poings à la victime, mais il s’est impliqué pour que le cambiste soit immobilisé et empêché de donner la moindre alerte. L’accusé, quant lui, est resté figé dans ses dénégations. Il s’est défendu bec et ongles en assurant qu’il payait une faute commise par les autres.
Prenant la parole à son tour, la victime (partie civile) a sans hésitation identifié le jeune home comme son premier agresseur, celui-là même qui lui avait pointé l’arme sur la joue. « Je suis formel, c’était lui qui accompagnait ce jour là les trois autres qui se sont enfuis », a dit Diallo. Malgré toutes ces explications plus ou moins détaillées qui tissaient une toile serrée de faits accablants autour de l’accusé, César n’a en aucun moment reconnu les faits.
RELATIVEMENT CHANCEUX. Le ministère public dans son réquisitoire a tenté de prouver la culpabilité de l’accusé. Djénéba Keïta a balayé d’un revers de main la version donnée par le jeune homme selon laquelle il serait venu dans notre pays pour essayer de percer, balle au pied. « Si tel était le cas, il aurait pu approcher les responsables d’un club du pays. Mais il s’est plutôt associé à une bande de voleurs », explique-t-elle. Pour Djénéba Keïta, le vol a pris le caractère criminel du moment où il a été commis avec violence et armes. Au vu de tout cela, dit-elle, le ministère public requiert de retenir l’accusé dans les liens de la culpabilité.
La défense du jeune homme, elle, a déploré l’absence des autres membres du groupe à la barre, avant de dénoncer certains disfonctionnement constatés dans le dossier depuis l’instruction de cette affaire. Le conseil a surtout plaidé pour que la Cour accorde des circonstances atténuantes à son client, avant de s’en remettre à la sagacité de ceux qui vont émettre un verdict.
Le ministère public est revenu à la charge pour dénoncer la progression des vols perpétrés en plein jour, avec arme au poing. Il faut, selon sa représentante, tout faire pour empêcher ce phénomène de prospérer dans notre pays. « C’était le genre d’agression que l’on ne voyait que dans d’autres pays. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas encourager de telles pratiques chez nous ici », a-t-elle martelé, tout en demandant l’application stricte de la loi pour décourager la montée de telles pratiques au Mali.
La Cour semble avoir suivi le ministère public dans sa logique, mais elle a tout de même accordé des circonstances atténuantes à l’accusé. Après délibération, César a été condamné à sept ans de réclusion et au paiement de la somme volée aux dépens de Diallo.
Le président Yaya Bagayogo a tenu à rappeler à l’accusé que dans ce genre d’affaire, la peine maximale prévue (la peine de mort ou à la perpétuité) est très souvent infligée. César doit donc s’estimer chanceux de la relative clémence du verdict au vu de la gravité de l’infraction commise.