BAMAKO - Le Premier ministre malien, Oumar Tatam Ly, a été contraint jeudi d’annuler une visite à Kidal, après l’intrusion de manifestants hostiles sur l’aéroport de cette ville du nord-est du Mali contrôlée par les rebelles touareg, a appris l’AFP de sources concordantes.
"Tôt ce (jeudi) matin, alors que nous nous apprêtions à recevoir le Premier ministre, quelques centaines de jeunes et de femmes soutenus par des responsables du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad, rébellion touareg) se sont dirigés vers l’aérodrome de Kidal, décidés à empêcher l’avion (du Premier ministre) d’atterrir", a déclaré à l’AFP Ismael Touré, fonctionnaire au gouvernorat de Kidal.
L’information a été confirmée par une source militaire africaine à Kidal, selon laquelle les forces de la Minusma, la force de l’ONU, n’ont pas pu empêcher que les manifestants pénètrent sur la piste d’atterrissage.
"Deux jeunes étaient armés parmi les manifestants qui criaient +Vive l’Azawad, Vive le MNLA+", a ajouté la même source.
L’entourage du Premier ministre a confirmé l’information, précisant que M.
Ly a "pour le moment" annulé sa visite.
Selon son entourage, il se trouvait à Gao, la plus grande ville du nord du
Mali (à 300 kilomètres au sud de Kidal), lorsqu’il a appris que l’aéroport de
Kidal avait été envahi par des manifestants hostiles, et a donc décidé de ne
pas se rendre sur place.
Des manifestants affirment que les militaires maliens ont ouvert le feu sur
les protestataires, blessant trois civils, un homme et deux femmes.
"C’est l’armée malienne qui a tiré sur les trois civils", a affirmé l’un de
ces manifestants, Mohamed Ag Kory. Interrogé par l’AFP, un responsable de
l’état-major de l’armée sur place à Kidal a rejeté ces accusations.
Les trois blessés ont été évacués dans la journée en avion vers Gao.
D’après un communiqué du MNLA, du MAA et du HCUA (des mouvements touareg et
arabe), l’armée malienne a "tiré à balles réelles sur des femmes et des
enfants qui manifestaient pacifiquement", faisant un mort et cinq blessés
(trois femmes et deux enfants).
L’une des femmes est "dans un état critique", assurent les mouvements rebelles, pour lesquels l’armée malienne "une fois de plus" a "donné les preuves de son incapacité et de sa haine".
La Minusma et Serval doivent prendre "toutes les mesures nécessaires" pour "exiger l’arrestation des auteurs de ces actes criminels", exigent le MNLA, le MAA et le HCUA.
Dans un communiqué, le gouvernement malien affirme que les forces armées maliennes ont été prises à partie par des éléments incontrôlés" et "ont notamment essuyé des jets de pierres et des tirs d’armes. Seules face aux manifestants, elles ont procédé à des tirs de sommation pour se dégager".
Le gouvernement "s’étonne de l’absence de mise en place, par la Minusma, d’un dispositif adéquat de sécurisation de l’aéroport et de la ville, en dépit de son information préalable de l’organisation de cette mission dont elle a assuré le transport".
"Ces événements regrettables, moins d’un mois après l’assassinat des deux journalistes français le 2 novembre (à Kidal), indiquent que les efforts doivent être poursuivis en faveur de l’affirmation de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire du Mali, afin de permettre l’instauration d’un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes, de soustraire cette partie du Mali aux actions des groupes terroristes et d’y restaurer une paix durable", ajoute-t-il.
Oumar Tatam Ly devait effectuer jeudi sa première visite à Kidal depuis sa nomination au poste de Premier ministre en septembre.
Cette ville de l’extrême nord-est du Mali est le fief des rebelles du MNLA
qui avait repris pied dans la localité à la faveur de l’intervention militaire française en janvier dans le nord du Mali.