Chaque jour qui passe compte au Mali. Et chaque jour voit le pays s`enfoncer un peu plus dans la crise. Cent jours après la sécession du Nord Mali, qu’attendent les États voisins pour intervenir?
Les exactions des islamistes et des rebelles touareg ont provoqué un afflux de 200.000 réfugiés à l’étranger et déplacé 150.000 personnes à l’intérieur du pays. Un début d’épidémie de choléra s’est déclaré et une grave crise humanitaire se profile, faute de nourriture et de médicaments.
Indignation
A quand l’intervention, une menace brandie par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dès le putsch du 22 mars dernier? C`est la question que beaucoup se posent.
«On sait bien que c’est l’Algérie qui pose problème, parce que ça les arrange de ne pas avoir les islamistes chez eux», commente Moussa, un immigré à Paris, Malien d’ethnie songhaï et originaire de Gao.
De plus en plus, cet argument ressassé sonne faux. Car les islamistes d’Aqmi sont bel et bien présents sur le territoire algérien, où ils ont commis une série d’attentats meurtriers, faisant notamment 30 morts et 220 blessés à Alger le 11 avril 2007. Aqmi a aussi tué 11 gendarmes algériens en juillet 2010 lors d’une embuscade à Tamanrasset, dans le sud algérien.
Alors que l’Algérie donne des signes de changement d’attitude, les Maliens ordinaires ont du mal à s’expliquer l’inertie de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
«Ce sont les grandes puissances qui sont derrière les islamistes, assure un chauffeur de taxi parisien originaire du Mali… Quatre hommes de la Croix-Rouge du Qatar sont à Gao et distribuent des vivres sous la protection du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest).
Dites-nous ce que fait le Qatar à Gao? Ça les arrange tous d’avoir du bordel au Nord parce qu’il y a du pétrole!»
Des jeunes prêts à l’autodéfense
L’impatience monte, du côté des jeunes prêts à en découdre avec les islamistes ainsi qu’avec les rebelles touareg. D’autant que l’armée malienne, forte de 33 000 hommes, semble bien décidée à ne rien faire au Nord, depuis qu’elle est partie en débandade, fin mars. A cette époque, elle faisait face à 3.000 hommes, rebelles et islamistes confondus.
Des groupes qui ne cessent d’étoffer leurs rangs depuis, et qui se préparent à la guerre, dans l’attente d’une intervention militaire ouest-africaine qui aurait le soutien logistique de la France et des Etats-Unis. C’est dans cette optique, aussi, qu’il faut analyser les destructions de mausolées à Tombouctou, une démonstration de force avant l’hypothétique bataille.
Paris reste paralysé par la présence de six otages français aux mains d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), et une ancienne colonie qui n’a pas souhaité la présence militaire française, depuis son indépendance. Bientôt, ce sont des villes entières, comme Gao, entourée de mines posées par les islamistes, qui serviront de boucliers humains. Selon des témoignages recueillis par RFI, le Mujao recrute à tour de bras des jeunes, voire des enfants à Gao.
Déjà, au moment de la chute des villes du Nord, des jeunes de Mopti, effrayés par l’arrivée des rebelles touareg et des islamistes, avaient demandé aux militaires en déroute de leur donner des armes pour défendre eux-mêmes leur pays.
La guerre semble incontournable
Aujourd’hui encore, un Collectif des ressortissants du Nord (Coren) avertit sur la mobilisation des jeunes, qui se sont organisés en brigades de surveillance pour empêcher les viols, entre autres. Selon le Coren, ces jeunes sont brimés par les barbus, interdits de se promener le soir, de jouer au football ou de regarder la télévision.
Prêts à intervenir pour empêcher la destruction des mausolées de Tombouctou, des jeunes de cette ville en ont été dissuadés par leurs aînés… Face à la situation dramatique du Nord-Mali, le Coren, qui se revendique comme l’un des groupes les plus représentatifs de la population du Nord-Mali (les Touaregs restant minoritaires), a demandé poliment, le 9 juillet lors du sommet de la Cédéao à Ouagadougou, que cessent les palabres et qu’on passe enfin à l’action.
«Pour nous, la négociation est incontournable pour sortir de la crise. Encore faudrait-il savoir avec qui négocier; négocier quoi; quand négocier? Pour nous, l’intégrité du territoire n’est pas négociable. Pour nous, la forme républicaine n’est pas négociable. Pour nous, la laïcité de la République du Mali n’est pas négociable.
La question de faire la guerre ou pas pour libérer les régions occupées est au centre de la médiation. Nous constatons que, malgré la disponibilité de la Cédéao à appuyer notre pays, à aider notre armée, malheureusement les autorités de la transition ne semblent pas mesurer l’ampleur et l’urgence de la mission.
Sans être des va-t-en-guerre, nous estimons que, quel que soit le bout par lequel on appréhende la crise au Mali, la guerre aux envahisseurs semble une solution incontournable. Ne serait-ce que pour bouter hors de nos frontières les différents groupes terroristes.»
Bamako fait la sourde oreille
Seul problème: l’absence d’un seul interlocuteur solide à Bamako, où la dispute autour du pouvoir préoccupe plus les acteurs politiques et militaires que la situation dans le nord.
«Au moment où nous vous parlons, le gouvernement malien n’a posé aucun acte concret allant dans le sens de la résolution de la crise, poursuit le Coren dans sa déclaration faite à Ouagadougou. Nous avons rencontré le Premier ministre le 7 mai (2012), puis son ministre de la Communication le 29, pour leur apporter les messages de détresse des populations et le sentiment d’abandon.
Nous venons de tenir un sit-in, le mercredi 4 juillet, pour exiger du gouvernement qu’il affiche sa volonté politique de résoudre la crise et qu’il prenne des initiatives sur le terrain militaire. Nous devons vous avouer que nous n’avons pas l’impression d’avoir été entendus dans la mesure où même nos demandes d’audiences sont refusées.»
Les heures de gloire de Cheick Modibo Diarra, actuel Premier ministre, pourraient être comptées. Il est question de former un autre gouvernement d’union nationale, qui mettrait un terme à toutes les querelles autour de l’actuel gouvernement, soumis face aux militaires, peu représentatif des partis politiques et de la société civile.
De même, les heures de Dioncounda Traoré à la présidence intérimaire du Mali pourraient toucher à leur fin. Soigné en France depuis son agression au palais présidentiel de Koulouba le 21 mai, l’ancien président de l’Assemblée nationale n’est pas très pressé de rentrer à Bamako. Il n’a pas non plus daigné faire le déplacement à Ouagadougou, lors du dernier sommet de la Cédéao sur le Mali –malgré l’urgence.