Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Mali    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



Les Echos N° 4173 du 2/12/2013

Voir la Titrologie

  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Société

Spéculations foncières au Mali : Un terreau fertile entretenu par l’Etat
Publié le lundi 2 decembre 2013  |  Les Echos




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

La spéculation foncière a franchi la ligne jaune dans notre pays. Les titres fonciers qui sont en principe inaliénables et inattaquables sont aujourd’hui la proie de spéculateurs fonciers. Ceux-ci sont connus de tous, mais ils se la coulent douce au vu et au su de tous.

Au Mali, les titres de propriété sont classés par ordre décroissant en titre foncier, permis d’occuper et lettre d’attribution. Dans le code domanial et foncier, le titre foncier est le plus haut niveau des titres de propriété, il est inaliénable, inattaquable et inaltérable. Même si l’Etat doit le retirer pour cause d’utilité publique, il ne peut le faire sans en aviser le propriétaire et le dédommager en conséquence.

Les réserves foncières étant épuisées à Bamako et dans ses périphéries, des spéculateurs fonciers, aidés par les techniciens des domaines et du cadastre avec leurs complices tapis dans des mairies, ont jeté leur dévolu sur les titres fonciers de particuliers. Le phénomène, qui a l’allure d’une bombe sociale qui dort, a atteint son paroxysme à Kati avec ses répercussions sur Bamako.

Les héritiers d’Abdoulaye Kéita, propriétaires du TF n°877 de 10 hectares vieux de 30 ans, situé à Diatoula, dans le cercle de Kati l’ont appris à leurs dépens. A la mort de leur père, ils ont convenu de morceler leur propriété. En réponse à une lettre envoyée en septembre 2012 au directeur régional de l’urbanisme et de l’habitat de Koulikoro, ils ont eu l’autorisation de lotir leur titre foncier.

Sur cette base, le morcellement d’une centaine de lots a été fait par le biais d’un cabinet de géomètre. Celui-ci a rencontré de sérieux ennuis à accomplir son travail sur le terrain. Il en a été fréquemment empêché par les populations de Sénou avec à leur tête, la chefferie traditionnelle et des maires de Sénou dont un certain Badian Coulibaly d’accéder à leur terrain.

Ceux-ci empêchaient le géomètre d’effectuer les travaux sous prétexte qu’il n’y a pas de parcelles au nom des héritiers Kéita sur le TF 877. Pourtant, le TF 877 avait été identifié au nom de leur père feu Abdoulaye Kéita, au cours de la vaste enquête foncière menée par l’Etat en 2008 dans le district de Bamako.

Les mêmes parcelles extraites du TF spéculé font l’objet de vente de la part de la chefferie traditionnelle et des élus municipaux de Sénou. Des lettres adressées à la mairie de la Commune VI par les avocats des héritiers Kéita pour ramener les spéculateurs à arrêter leurs actions sont restées sans suite.

A la mairie de la Commune VI où le maire Ténémakan Doumbia vient de prendre les choses en main à la place de Souleymane Dagnon – retenu pour des soins médicaux à Paris – a bien confirmé que les populations de Sénou n’ont aucun droit de toucher aux propriétés d’autrui. Son adjoint Baba Sanou, chargé de l’opération de recasement de Sénou, dit être au courant de cette affaire pour avoir reçu les héritiers Kéita.

Selon lui, « le TF 877 existe bel et bien et ceux qui s’attaquent aux titres d’autrui doivent répondre de leurs actes devant la justice« . Ténémakan Koné qui tient pour responsables des spéculateurs fonciers aidés par des agents véreux des domaines, dit que la mairie même en est victime. A ses dires, « dans l’opération de recasement de Sénou, la Commune VI n’a pu avoir que 198 ha sur un besoin exprimé de 568 ha« .

Les nouveaux riches militaires
Selon des informations, le phénomène a pris de l’ampleur sous la transition où les nouveaux riches militaires voulant acquérir des maisons s’en sont pris aux propriétés d’autrui en violation d’une décision d’arrêt d’attribution de terrains.

Le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales et celui des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières avaient été alertés en vain. Aux dires de Djibril Coulibaly dit Djibi, membre du bureau de l’Association des promoteurs immobiliers du Mali (APIM) la situation perdure. Il pointe un doigt accusateur aux maires, qui selon lui, « établissent sans discernement les notifications et les permis d’occuper aux titres suspects ou volés« .

Diatoula et Sénou ne sont pas les seules zones où règne la spéculation. D’autres localités comme Sangarébougou, Dogobala, Fombabougou, Mounoumounounba, Ouarala, toutes situées dans le cercle de Kati, sont plongées dans la magouille foncière. Des titres fonciers de particuliers sont en train d’être morcelés et vendus. Selon une révélation de notre confrère « L’Express de Bamako« dans sa parution du jeudi 28 novembre 2013, « il existe 400 faux titres fonciers à Sénou« . La plupart sont des TF créés sur d’autres TF et antidatés avec la complicité des agents de l’Etat.

Dans son rapport 2011, le Vérificateur général (Végal) avait épinglé la gestion foncière dans la Commune urbaine et le cercle de Kati, la sous-préfecture de Kalabancoro et la direction régionale de l’urbanisme de Koulikoro. Le rapport 2013 du même Végal et les bulletins d’information 2010 et 2011 de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (Casca) ont pointé du doigt les mêmes spéculations dans ces zones.

Ces terrains volés à leurs propriétaires font l’objet de contentieux interminables devant les tribunaux ordinaires. La loi n°001 du 10 janvier 2012 dite loi Me Amidou Diabaté et portant code domanial et foncier n’est pas appliquée comme il se doit. Le vrai propriétaire foncier continue d’être lésé au profit du spéculateur.

Si des mesures énergiques ne sont pas prises, l’Etat se rendrait complice d’une situation potentiellement explosive. Un acquéreur même de bonne foi, qui paye une propriété qui fait l’objet d’un droit réel, n’est pas à l’abri de contentieux. Il peut en être dépossédé même des dizaines d’années après avoir réalisé des travaux.

Abdrahamane Dicko

 Commentaires