Les agents de santé communautaires (ASC), avec peu de moyens, font des merveilles en matière de prise en charge des enfants et des femmes qui habitent très loin des centres de santé
Notre pays s’est résolument engagé dans la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile. En la matière, d’énormes efforts sont consentis par les autorités et ses partenaires. Plusieurs programmes et activités ont été mis en œuvre. C’est ainsi qu’a été engagée la campagne « Tous et Chacun ». Depuis son lancement par les premières dames d’Afrique en 2011, cette nouvelle approche n’a cessé de confirmer la nécessité d’engager les décideurs et le grand public à entreprendre des actions en faveur de la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile.
Pour mieux sensibiliser les populations surtout rurales et faire l’état des lieux de la situation, la campagne « Tous et Chacun » a initié avec ses partenaires une caravane médiatique. Celle-ci est aussi destinée à mettre en relief les efforts et les défis en matière de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile dans les centres de santé, auprès des communautés et dans les ménages.
Depuis mercredi dernier, la 3è édition de cette caravane médiatique a démarré pour sillonner pendant dix jours les districts sanitaires des régions de Sikasso et Ségou sur le thème : « Pratiques familiales essentielles, des gestes qui sauvent des vies ». Le cercle de Sélingué dans la région de Sikasso a été la première étape des caravaniers. Dans cette localité plusieurs activités ont été menées : causeries éducatives sur la méthode des soins simples aux nouveau-nés et la prévention du paludisme ; rencontre avec les collectivités, la Fédération locale des associations de santé communautaire (FELASCOM), les leaders religieux et les thérapeutes traditionnels sur leur rôle dans la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Lors de ces différentes séances, le public a été sensibilisé sur l’importance de l’utilisation des services de santé notamment pour la planification familiale, les soins pré et post-natals et la nutrition. La caravane a aussi entrepris de mobiliser et sensibiliser les collectivités locales sur l’importance de l’inscription des salaires des agents de santé communautaires (ASC) dans leurs plans de développement PDSEC.
DES ENFANTS CONSTAMMENT MALADES. L’approche ASC a été conçue et mise en œuvre par les pouvoirs publics et leurs partenaires pour lutter efficacement contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile dans notre pays. Les ASC sont au cœur de cette nouvelle stratégie pour donner les soins essentiels dans la communauté. Formés et mis à la disposition des communautés qui ont un accès difficiles aux centres de santé, les agents de santé communautaires, avec peu de moyens, font des merveilles en matière de prise en charge des enfants et des femmes. L’impact de cette stratégie payante est reconnu par tous les acteurs (collectivités, autorités et communautés).
Ce ne sont pas les habitants du village de Balama dans la commune rurale de Tagandoucou qui soutiendront le contraire. En plus de ce village distant du premier CSCOM de 12 km, l’ASC Moriba Sanogo couvre quatre autres villages. A Balama, 514.5 enfants et des milliers des femmes bénéficient des services de l’ASC. Ici, selon l’agent de santé, les enfants souffrent surtout du paludisme, des infections respiratoires aiguës (IRA) ainsi que de malnutrition.
Mme Sidibé Awa se souvient du calvaire des villageois avant l’arrivée de Moriba Sanogo, voilà trois ans. Dans cette zone fortement humide, les enfants sont constamment malades. Il fallait parcourir 12 kilomètres, sinon plus, pour bénéficier des services d’un agent de santé. Les femmes en travail devaient être transportées à dos d’âne pour rallier le Cscom. Du coup, les villageois optaient pour des soins traditionnels. Conséquence : le taux de mortalité surtout infantile était très élevé à Balama. « On ne faisait recours aux médecins qu’à la dernière minute, très généralement l’enfant décédait quelques heures après son admission à l’hôpital », explique Mme Sidibé Awa.
Ces souffrances sont désormais un mauvais souvenir pour les enfants et les femmes de Balama. Depuis son arrivée, Moriba Sanogo peut, au quotidien, prendre en charge une dizaine d’enfants. Le dernier petit patient en date, explique-t-il, a été examiné juste avant l’arrivé des caravaniers. L’enfant qui souffrait d’anémie, a été référé.
Ainsi, rien qu’en novembre, l’ASC a détecté 40 cas de malnutrition dont 5 ont été référés. Balama qui est une zone fortement islamisée fait partie des villages réticents à la planification familiale. Cependant, grâce aux séances de causeries sur les gestes qui sauvent notamment le lavage des mains au savon, Moriba a pu convaincre 60 femmes de Balama d’utiliser un moyen de contraception. Les villageois qui louent les mérites de leur agent de santé souhaitent que son service soit élargi à toute la communauté.
La seule contrainte relevée par Moriba est le manque de TDR (test de diagnostic rapide du paludisme). Quand un patient arrive avec plus de 38° de température, l’ASC se voit contraint de lui administrer un traitement pour le paludisme. Ce qu’il déplore évidemment. « Mais que voulez-vous, je suis obligé de me débrouiller comme je peux tant que cela peut aider à sauver des vies », explique-t-il avant de plaider pour la mise à disposition rapidement des TDR, un outil incontournable pour son travail et pour le bien-être des enfants.
VILLAGE MODELE. Les caravaniers ont ensuite mis le cap sur le district sanitaire de Yanfolila. Ici également, des causeries sur les bonnes pratiques et les gestes qui sauvent ont été initiées. L’un des temps fort de la visite a certainement été la rencontre avec la population du village de Yorotiéna dans la commune rurale de Yorobougoula et le cercle de Yanfolila. Situé à un peu plus de 40 km de Yanfolila, Yorotièna est un village modèle en matière de la promotion de la santé des populations en particulier des femmes enceintes et des enfants.
Yorotiéna est ainsi le seul village à s’acquitter entièrement de sa quote-part dans ce domaine. Ce montant qui s’élève à 570 000 Fcfa par an, en plus des 15000 Fcfa de la FLASCOM, permet aux femmes de ce village de 1500 âmes d’être référées ou évacuées et d’être prises en charge en cas de complication lors de l’accouchement. Aussi, grâce au dévouement du chef du village, Lassine Diallo, les habitants de Yorotiéna fréquentent le CSCOM distant du village de 6 km. Dans cette localité, les gestes et les pratiques qui sauvent comme le lavage des mains au savon, dormir sous la moustiquaire, la vaccination des enfants et les visites prénatales sont strictement respectés. Le seul hic est que les femmes de Yorotiéna continuent d’accoucher à la maison. Tradition oblige !
Le témoignage de cette vieille dame est révélateur. Mme Diallo Awa Diallo raconte que depuis l’instauration des causeries débats initiées par le chef du village et les relais pour davantage sensibiliser la population sur les pratiques familiales essentielles et les gestes qui sauvent, les femmes aussi bien que les enfants ne craignent plus de se rendre au centre de santé ni de faire vacciner les enfants.
Toutes ces initiatives ont permis de réduire considérablement le taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile dans ce village qui a été primé à travers son chef du village lors de la foire de la santé il y a quelques mois.
Les caravaniers ont installé des clubs de soutien à la campagne « Tous et Chacun » à Sélingué ainsi qu’à Yanfolila.
Signalons que les districts sanitaires de Sélingué et Yanfolila sont couverts par le projet de « Santé maternelle, néonatale et infantile (MCHIP) ». Les bénéficiaires directs sont les femmes en âge de procréer et les enfants de moins de 5 ans.