La sécurité est loin d’être de retour au Nord-Mali. Elle demeure un horizon sans cesse fuyant à mesure que l’on avance dans le temps.
En effet, la tentative d’attentat kamikaze déjouée récemment à Ménaka à l’Est de Gao, prouve si besoin en était encore, que cette partie du territoire malien demeure un endroit à hauts risques. Cette attaque que s’apprêtaient à perpétrer des éléments non encore identifiés et qui aura fait une victime dans les rangs des assaillants, est comme une piqûre de rappel aux troupes française, nigérienne et malienne qui se trouvent dans ce camp, et au-delà, à la communauté internationale.
Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ne manque aucune occasion de rappeler ses ambitions sécessionnistes et l’armée malienne ne fait pas non plus mystère de son envie d’en découdre avec les rebelles touaregs
La situation au Nord-Mali mérite plus d’attention. Et comme pour signifier que les choses échappent vraiment aux militaires déployés sur place, les sept autres membres du commando de kamikazes, à la suite de l’explosion d’un des leurs, ont réussi à s’évanouir dans le désert sans que l’on puisse mettre la main sur l’un d’entre eux. C’est une lapalissade de dire que cette situation digne d’un film hollywoodien, n’est guère rassurante.
Les forces françaises, après avoir déjoué l’attentat, n’ont-elles pas pu ou n’ont-elles pas voulu poursuivre ces individus ? Mystère et boule de gomme. On se rend en tout cas compte que les islamistes sont encore capables de frapper à n’importe quel moment et de disparaître comme par enchantement. Et une telle capacité de nuisance ne peut prospérer sans quelques complicités qu’il convient de travailler à déceler.
Cette tentative d’attentat-suicide intervient dans une situation de ni paix ni guerre au Nord-Mali. C’est la « guerre froide » entre Bamako et Kidal. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ne manque aucune occasion de rappeler ses ambitions sécessionnistes et l’armée malienne ne fait pas non plus mystère de son envie d’en découdre avec les rebelles touaregs. Ce climat tendu constitue un terreau fertile pour les activités des extrémistes. Pendant que l’armée malienne et le MNLA s’emploient à se défier, les islamistes ont tout le loisir d’échafauder leurs plans machiavéliques.
Le MNLA, par son entêtement à faire de Kidal une sorte d’enclave au sein de l’Etat malien, rend service aux islamistes. Il y a même une sorte de vases communicants entre ce mouvement et les mouvements islamistes comme Ansar dine. Par moments, ils n’hésitent pas à se serrer les coudes pour combattre l’armée malienne. Mais le MNLA ne doit pas perdre de vue le fait qu’une sagesse de chez nous dit en substance que le bébé qui se décide à troubler le sommeil de sa mère ne saurait lui-même avoir le sommeil tranquille.
En mettant Bamako en difficulté, le MNLA s’attire aussi des ennuis. On se souvient qu’après avoir pactisé avec les islamistes, les mêmes rebelles touaregs avaient été boutés hors de leur fief. La leçon semble n’avoir pas été suffisamment retenue. Aussi, le MNLA porte-t-il d’une certaine manière, la responsabilité de tous les problèmes sécuritaires dans la zone et cela est de nature à lui faire perdre bien des sympathies.
Alors que ce mouvement rebelle reste dans sa logique guerrière d’imposer, au besoin par les armes, l’indépendance de son « Azawad » à Bamako, les autorités maliennes, non plus, ne semblent pas enclines au dialogue.
Il urge de mettre un terme au bazar qui prévaut à Kidal où l’autorité de l’Etat est absente et où on ne sait plus qui fait quoi ni qui est responsable de qui ou de quoi
Le peu d’empressement à appliquer intégralement les accords de Ouagadougou et la volonté manifeste des militaires maliens de croiser le fer avec les rebelles touaregs, laissent penser que c’est l’option militaire qui est privilégiée par Bamako comme solution à cette crise. Du moins pour l’heure. Le procès de Sanogo s’inscrit peut-être dans la volonté du président IBK de faire le ménage au sein de l’armée en vue d’en assurer une plus grande cohésion, avant d’aller à l’assaut de Kidal l’insoumise. Le pari est risqué et il n’est pas évident que c’est le moment idéal pour faire ce « nettoyage » dans la Grande muette malienne. Il faut souhaiter que même lorsque l’armée malienne aura réuni toutes les conditions pour porter l’estocade au MNLA, la raison prévale et que le dialogue puisse demeurer la voie privilégiée pour une résolution durable de cette crise.
En tout état de cause, l’attitude de défiance du MNLA vis-à-vis de la République malienne est la conséquence des soutiens tacites et plus ou moins occultes dont il bénéficie tant de la France que de certains Etats de la sous-région ouest-africaine. Pourtant, ces soutiens devraient se convaincre d’une chose : cette guerre larvée qui fait le lit de l’insécurité dans le septentrion malien, n’arrange personne. Le douloureux souvenir de l’enlèvement suivi de l’exécution des journalistes de Radio France International récemment à Kidal, ne laisse aucune place au doute : il urge de mettre un terme au bazar qui prévaut à Kidal où l’autorité de l’Etat est absente et où on ne sait plus qui fait quoi ni qui est responsable de qui ou de quoi.
Il faudra, d’une manière ou d’une autre, crever l’abcès. La France notamment doit clarifier sa position sur la question de l’intégrité du territoire malien et raisonner ses protégés. Kidal ne saurait continuer à être un Etat dans l’Etat. L’ancienne métropole, qui a volé au secours du Mali lorsque les hordes islamistes fonçaient sur Bamako, ne doit pas négliger le fait que ce clair-obscur sape son propre travail et tous les efforts internationaux dans la restauration de l’Etat malien. Elle devra tenir un discours clair et se départir de cette complicité avec les rebelles touaregs, qui se révèle d’une manière ou d’une autre, une complaisance à l’égard des acolytes de circonstance du MNLA que sont les islamistes.
En ce qui les concerne, les autorités maliennes devraient, tout en réactivant les canaux de la médiation, mettre un point d’honneur à redéployer l’Administration dans la région, de sorte à assurer aux populations les services nécessaires. Il leur appartient également de combattre par des investissements appropriés, la misère qui rend ces populations vulnérables et en fait des cibles faciles à recruter et à endoctriner par les extrémistes de tout poil qui écument la bande sahélo-saharienne.