DIAGO (Mali), Un charnier de 21 corps, sans doute des militaires "bérets rouges", proches du président Amadou Toumani Touré renversé
en 2012 au Mali, a été découvert mercredi à Diago, près de Bamako, une semaine après l’arrestation de l’auteur du putsch, Amadou Sanogo.
Des images de ce charnier que devait diffuser dans la soirée la télévision publique malienne et qu’a pu visionner un journaliste de l’AFP montrent des crânes humains bandés, des ossements menottés ou enchaînés, des treillis militaires.
On y voit également deux cartes d’identité, dont celle du lieutenant "Cissé", un "béret rouge" porté disparu depuis fin avril 2012.
Dans l’entourage immédiat du juge d’instruction Yaya Karembé qui a inculpé la semaine dernière Amadou Sanogo, on confie: "Ce sont les aveux de militaires proches de Sanogo qui ont conduit à la découverte de cette fosse commune (...)
nous sommes à la recherche d’autres fosses communes".
Selon un responsable du ministère malien de la Justice, "un charnier de 21 corps, probablement de militaires +bérets rouges+", a été découvert "dans une fosse commune de Diago. Les corps ont été exhumés".
Cette information a été confirmée par une source sécuritaire malienne qui a indiqué "que des cartes d’identité retrouvées dans la fosse commune semblent confirmer qu’il s’agit de militaires +bérets rouges+ disparus".
A 500 mètres de l’endroit où le charnier a été découvert, dans la commune de Diago, non loin de l’ex-quartier général de Sanogo et ses hommes, situé à Kati (15 km de Bamako), les forces de sécurité ont interdit l’accès à la presse et aux curieux, a constaté un journaliste de l’AFP.
Cette découverte n’est pas une surprise pour un proche collaborateur du juge d’instruction Yaya Karembé qui a inculpé le général Amadou Sanogo.
"Nous avions des indices peu avant l’inculpation de Sanogo. L’endroit était connu (...) car depuis trois semaines, les ex-compagnons de Sanogo avaient donné des informations précises sur le charnier", explique ce collaborateur du juge, présent sur place.
"Mais je veux être prudent", ajoute-t-il, "Nous avons besoin de faire des analyses avant de dire qu’il s’agit bien des corps de +bérets rouges+. En l’état actuel de nos moyens, nous ne pouvons pas le prouver et nous demanderons sûrement l’aide de pays comme la France".
"Partie visible de l’iceberg"
Dans un communiqué, Amnesty International, dont une délégation se trouvait la semaine dernière au Mali, a salué "les efforts du gouvernement pour restaurer la justice et l’Etat de droit". Mais, selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, la découverte de ce charnier "n’est que la partie visible de l’iceberg: plus doit être fait pour établir la vérité sur les graves atteintes aux droits de l’Homme commises ces deux dernières années" au Mali.
Cette découverte intervient une semaine après l’arrestation, l’inculpation et l’incarcération d’Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d’Etat du 22 mars 2012 contre le président Touré qui avait plongé le Mali dans le chaos. Son arrestation a été suivie de celle d’une quinzaine de ses proches, essentiellement des militaires.
Selon le gouvernement malien, "pour l’instant, M. Amadou Sanogo est inculpé de complicité d’enlèvement de personnes", mais une source proche du juge Karembé a affirmé à l’AFP qu’il a été inculpé de "meurtres, complicité de meurtres, assassinats, enlèvement de personnes et complicité d’enlèvement".
Le 30 avril 2012, les "bérets rouges" avaient vainement voulu reprendre le pouvoir lors d’une tentative de contre-coup d’Etat sanglante au cours de laquelle une vingtaine d’entre eux avaient été tués par les "bérets verts", les hommes de Sanogo, mais leurs corps n’avaient jamais été retrouvés.
Dans les mois qui ont suivi leur coup d’Etat, Kati a été le lieu de
nombreuses violences commises contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé, ainsi que contre des hommes politiques, des journalistes et des membres de la société civile.
Le coup d’Etat avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, qui ont occupé cette région pendant neuf mois avant d’en être en partie chassés par une intervention militaire internationale lancée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.
Obscur capitaine au moment du putsch, Sanogo avait été bombardé général en août sans jamais avoir combattu les islamistes dans le Nord.
Ce fut l’une des dernières décisions du régime de transition mis en place après le coup d’Etat, mais Sanogo est tombé en disgrâce depuis l’entrée en fonction du nouveau président élu en août, Ibrahim Boubacar Keïta.