Le premier, D.H, est un colonel des douanes qui, selon son proche entourage, ne travaillera qu’un jour sur sept, plus précisément le jour où les douaniers se partagent les ristournes liées à leur fonction. Le reste du temps, il le passe volontiers dans les bars, dont celui qu’il fréquente le plus est non loin de son domicile.
Contrairement à la quasi-totalité des officiers de douanes, il est encore en location après plus de vingt ans de service. Pire, il ne parvient même pas à payer son loyer, c’est sa femme, enseignante de son état qui assure cela. En plus, c’est elle qui paye le prix de condiments et se charge de tous les frais domestiques. Notre douanier a donc tout l’argent nécessaire pour boire et se montrer toujours violent envers sa femme et ses enfants. Violence verbale mais surtout physique.
Ce soir, il y a de cela trois semaines, le fameux colonel, qui n’avait pas donné le prix de condiment en sortant le matin, rentre à la maison et réclame à manger. On tarde à le servir. Mais dans un état très avancé d’ivresse, il pique une grosse et noire colère, s’en prend d’abord à sa fille, une adolescente, avant de se mettre à tout casser dans la maison. C’est en brisant tout ce qui est vitrail dans le salon qu’il se blesse à la main. Ayant constaté tout ce sang qui s’écoulait de sa blessure, il prend peur et appelle son petit-frère au secours, accusant sa femme de l’avoir agressé.
Lui, A.D.H, c’est le deuxième, c’est un garde. C’est le benjamin de la famille. Il débarque bientôt avec cinq loubards de ses connaissances. Sans chercher à comprendre, ils se mettent à battre la pauvre dame. Grièvement blessée, par les coups de poings et de rangers, elle tombe évanouie. Ses agresseurs vont alors la laisser pour morte.
Le lendemain, elle se rend à la gendarmerie, en commune VI, pour porter plainte contre son beau-frère pour coups et blessures volontaires. Ces coups et blessures lui ont-ils été infligés avec l’intention manifeste de donner la mort ? Les gendarmes ne tarderont pas, vu l’état lamentable de la dame, de convoquer son agresseur. Celui-ci refuse de se rendre à la gendarmerie malgré de nombreuses convocations. Il sera finalement cueilli par les pandores et amené sous bonne garde.
Au poste, il n’aura de cesse de clamer que lui il est le frère d’un colonel de la douane et d’un chef de cabinet, qu’il est issu d’une famille très puissante de la sixième région. Malgré ses fanfaronnades, il sera déféré devant le parquet du tribunal. Toutefois, puisque c’est un porteur d’uniforme et que les militaires se croient au dessus de la loi, il a été relâché, et se retrouve aujourd’hui dans la nature. Va-t-il encore assouvir ses instincts meurtriers sur d’autres innocentes victimes sans défense ?
Toujours est-il que son autre frère, le troisième, M.D.H, clame sur tous les toits que son frère est intouchable. Il le dit parce qu’il est chef de cabinet dans un ministère, et que les membres des cabinets ministériels se croient au dessus des lois de la République. Il le dit aussi parce que, depuis peu, exactement depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita à la magistrature suprême, ce chef de cabinet a rejoint les rangs du RPM. C’est d’ailleurs sous les couleurs du parti présidentiel qu’il s’est présenté récemment aux législatives, dans une bourgade perdue dans les sables du nord. Il a été éliminé au premier tour, et se consacre désormais à la défense de son petit-frère accusé de coups et blessures volontairement infligés à une pauvre dame sans défense, une pauvre dame dont le seul tort est d’avoir épousé un buveur invétéré, violent, vivant aux crochets d’une enseignante qui ne le supporte que parce qu’elle est soucieuse du respect de la tradition et de la religion.
Mais une femme qui demande justice dans un pays où le président de la République a donné sa parole d’honneur qui luttera sans cesse contre l’injustice et l’impunité. Il a déjà commencé avec un général de l’armée, le plus haut gradé du Mali, qu’il continue avec les menus fretins, ils sont les plus nombreux et les plus nuisibles. Et puis, il est temps de mettre fin aux agissements de cette triste et lamentable famille.