A la veille du Sommet Afrique-France sur la paix et la sécurité, les 6 et 7 décembre à Paris, deux importantes questions s’imposeront à l’ordre du jour. D’abord, quelle sera la prochaine étape au Mali-Sahel et, en second lieu, quels liens en particulier avec la République centrafricaine où Paris envoie des troupes de même qu’avec les autres points chauds :
Egypte, Libye et Tunisie ?
De manière générale de bons signes d’espoir de sortie de crise existent au Mali. De nombreux observateurs, estiment que le président Ibrahim Boubacar Kéita est convaincu de la nécessité d’une véritable réconciliation nationale. Il a été également noté que, contrairement aux rébellions précédentes, cette fois-ci, d’importantes personnalités touarègues avaient défendu l’unité nationale du Mali et rejeté tout lien avec le trafic de stupéfiants.
Par ailleurs, la Commission nouvellement établie, et dénommée Vérité, dialogue et réconciliation peut bien signifier, avec le mot vérité, que les questions taboues seront à l’ordre du jour. Il s’agit-là d’un signal fort et nécessaire à toute réconciliation. Toutefois, il existe aussi des signes de préoccupations.
Le temps ne joue pas en leur faveur si les Maliens continuent à voir la guerre civile de 2012 comme une simple répétition des crises antérieures et que celle-ci, se réglera comme les précédentes. Comme d’habitude ! Cette approche est la plus dangereuse pour l’avenir du Mali. En effet, en raison d’intérêts divers et souvent contradictoires, publics autant que privés, plus une crise perdure, plus elle se nourrit de ses propres effets, devient plus complexe et bien plus difficile à résoudre.
Les Maliens seraient bien avisés de ne pas ignorer cette leçon et devraient être encouragés à ne point faire table rase de leurs expériences passées de gestion des conflits : Accords de Tamanrasset (janvier 1991) ; Pacte national (avril 1992) ; Accords d’Alger (juillet 2006) et d’Ouagadougou (le 17 juin 2013). Des leçons restent à tirer de ces expériences et, comme la plupart de leurs acteurs sont encore actifs, ils devraient être invités à partager leur expérience et les leçons institutionnelles avec les nouvelles autorités.
Par ailleurs, le gouvernement ne devrait pas oublier son objectif principal : maintenir et renforcer l’intégrité territoriale et l’unité nationale. L’appui des partenaires bilatéraux, régionaux et internationaux, qui ont aidé à libérer le pays, reste encore indispensable. Manquer sa cible, c’est perdre de vue cet objectif et ignorer que, dans la conjoncture actuelle, le pire qui pourrait arriver à leur pays serait l’indifférence internationale.
L’opération Serval, l’intervention militaire française au Mali, est différente de celles de l’ère de la guerre froide, généralement engagées pour soutenir, imposer ou écarter un leader politique. Aujourd’hui, la véritable question est la suivante : la France a-t-elle les capacités financières et logistiques d’agir simultanément sur deux fronts militaires : au Mali et en République centrafricaine ?
Maintenir le cap
La violence accrue, qualifiée de pré génocide, dans une République centrafricaine, RCA, très affaiblie, la poursuite des confrontations armées en Libye, Tunisie et en Egypte pendant que le Soudan reste instable, sont des développements inquiétants. Des développements qui devraient encourager tous les partenaires du Mali à se refocaliser sur ce pays pour en résoudre la crise en toute priorité.
Les interventions militaires sont aujourd’hui plus coûteuses que par le passé mais en sortir n’est pas aussi aisé que d’y aller et un statu quo long et mou est source de doutes et de discrédit pour tous.
L’envoi de troupes françaises et onusiennes en République centrafricaine ne peut plus être considéré comme une simple formalité. Aujourd’hui, les opérations militaires sont devenues financièrement plus coûteuses pour les contribuables nationaux et internationaux, du reste, souvent les mêmes.
Par ailleurs, le terrain en RCA peut s’avérer fort délicat. Non seulement les nombreux chômeurs nationaux trouvent dans la violence armée une source de revenus et de prestige social, mais également la jeunesse des pays voisins s’y presse à la recherche d’occasions de gains et d’actions fortes comme naguère au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire.
Un point assez intéressant est à noter: contrairement à leurs ainés des années 1960, ces jeunes combattants ne sont pas dissuadés par la présence des troupes occidentales. Au contraire, cette présence de soldats européens ou non africains, leur sert d’incitation pour reconfirmer leur « africanité » et, s’ils sont musulmans, réaffirmer leurs engagements religieux. Si elle dure dans le temps, ou est importante militairement, l’intervention en RCA ne manquera pas d’attirer des combattants de toute cette partie d’Afrique centrale y compris le Soudan, l’Ouganda et naturellement le Sahel.
Pour les troupes internationales, un risque supplémentaire existe : la manipulation. En effet, des pays arrivent souvent à manipuler leurs rebelles pour les pousser à combattre en dehors du territoire national. Il y a des raisons crédibles de penser que la RCA est une future destination pour de nombreux rebelles encouragés dans cette direction par nécessité ou par les Services de sécurité de pays voisins.
Au sommet de Paris, ce week-end, l’ordre du jour reste conscrit sur deux points. Mais le choix pour la France et ses partenaires africains ne devrait pas se limiter à se trouver pris entre deux feux le Mali et la Centrafrique.