Dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, Hitler fit procéder à l’élimination systématique des chefs des SA par les SS. Et ce fut » la nuit des longs couteaux « . Apparemment anodin cet épisode favorisa pourtant l’avènement du pouvoir absolu en Allemagne. Car si les SA (sections d’assaut) étaient opposés à la suprématie du Fürher par contre les SS (police politique) lui étaient dévoués corps et âme. Un peu plus tard, le dictateur décréta » la solution finale » qui consistait en l’extermination massive des Juifs et des Tsiganes dans les fours crématoires de Dachau, Auschwitz et Treblinka. La même politique d’extermination massive fut appliquée aux protestants lors » de la nuit de cristal ».
Pendant ce temps son alter ego russe Joseph Staline » le petit père des peuples s’en donnait lui aussi à cœur joie. En Russie Soviétique on était en plein dans l’archipel du Goulag » tel que décrit par l’écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne. Dans » une journée d’Ivan Denissovitch », il dénonce l’enfer carcéral russe et les atteintes aux droits de l’homme en Union Soviétique.
» Camps de rééducation et camps de travail « , exécutions sommaires, c’était le lot des bagnards et de tous ceux qui ne plaisaient pas au régime. Peu importe la latitude, du cap de bonne Espérance au cap Horn, tous les tyrans se ressemblent et… s’assemblent. Claude Neron l’incendiaire de Rome, Denys l’Ancien de Syracuse, patron de Damoclès, tous étaient des tigres assoiffés de sang. En vérité la goulaguisation du Mali n’a pas commencé sous l’ère Sanogo. Moussa Traoré envoyait même des mouches à Fort Nientao. Tous ceux qui toussent étaient considérés comme des diables avec des cornes.
Tiécoro et Kissima ont eux aussi porté au cou l’ardoise de l’infamie sur laquelle on pouvait lire : » ennemi du peuple, pris pour crime d’enrichissement illicite « . Un chef d’accusation qui cachait mal les purges et les règlements de compte au sein de la secte militaire. On se croirait dans un régime communiste où les dissidents sont accusés de révisionnisme et de déviationnisme.
Amadou Haya Sanogo était là quand après 23 ans de règne sans partage le généralissime, Moussa Traoré fut balayé par une révolution populaire. Mais apparemment l’homme n’a pas appris les leçons de l’histoire. A défaut d’entrer en paradis il avait pourtant tout pour être heureux: palace des mille et une nuits, garde prétorienne, retraite dorée. Mais diantre, qu’est-il venu foutre dans cette galère ? Les Bamanans disent que l’homme ne sait pas qu’il est heureux que quand il devient malheureux.
En dépit de la présomption d’innocence (l’affaire est encore pendante devant la justice) il reste qu’après le charnier de Yopougon, voilà le charnier de Diago. Alors Aya Sanogo, un Gbagbo bis ? Ce n’est pas une excuse mais le second à l’avantage d’être un civil. Mais surtout ce qu’on peut faire en pleine tyrannie même si çà creve les yeux, il est interdit de le faire en pleine démocratie. La guerre entre bérets rouges et bérets verts (exit les bérets noirs) dans un contexte de coup d’Etat sera inscrite à jamais comme l’une des pages sombres de l’histoire du Mali. Parce que tout simplement dans une démocratie on a assisté à des règlements de compte sur fond de purges staliniennes au sein de l’armée. Une méthode qu’on croyait d’une autre époque. Des chefs militaires flanqués de policiers récalcitrants étaient devenus de vulgaires chefs de gang.
Le Mali était devenu le Chicago des années 1930 au temps de la prohibition où chaque gang marquait son territoire en exterminant les gangs rivaux.
Le temps des hors-la loi et des racketteurs. Ici on a vu des voitures de luxe, des valisettes bourrées de sous. Mme Sina Damba est une miraculée de l’arbitraire, les journalistes n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer les politiciens s’en remettaient à Allah, les militaires disparaissaient comme par enchantement. Et ce fut la nuit des longs couteaux à Bamako. Du désordre on est allé à l’anarchie et de l’anarchie à la pagaille. Mais tout a une fin. Bientôt on aura la réponse à l’énigme du Sphinx.
Mamadou Lamine DOUMBIA