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L’Essor N° 17576 du 11/12/2013

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Le président IBK au Parlement européen : réflexions partagées sur le Mali et la coopération avec l’Europe
Publié le mercredi 11 decembre 2013  |  L’Essor


© aBamako.com par Dia
Réconciliation Nationale: Cérémonie d`Ouverture des Assises Nationales sur le Nord
Bamako, du 1er au 02 Novembre 2013. Dans le cadre de Faire connaître et de partager les préoccupations et les attentes du peuple malien sur la voie de la recherche d`une paix durable, juste et inclusive à travers le pays; SEM. Ibrahima Boubacar Keita, Président de la République du Mali a initié les « Assises Nationales sur le Nord ». Il a présidé leur ouverture ce matin au CICB, sous l`égide du Ministère de la Réconciliation Nationale et du Développement des Régions du Nord, M. Cheick Oumar DIARRAH . Photo: SEM. Ibrahim Boubacar Keita, Président de la République du Mali


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Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, poursuit son périple européen entamé le 2 décembre à Paris. Après la capitale française et la capitale belge, Bruxelles, le chef de l’Etat était hier au Parlement européen à Strasbourg dans l’est de la France. Il y a prononcé un discours pour notamment remercier l’Union européenne pour son engagement constant aux côtés de notre pays. Le chef de l’Etat a également exposé aux députés européens, les progrès réalisés par le Mali dans le processus de sortie de crise et la réconciliation nationale et évoqué la situation à Kidal. Nous vous proposons l’intégralité de l’intervention du président de la République.

« Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les présidents des commissions parlementaires

Mesdames et messieurs les commissaires

Mesdames et messieurs les députés

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

Distingués invités,

Le 5 décembre 2013, Nelson Mandela, un géant de l’Afrique, un homme universel, une grande Ame, un dirigeant épris de paix et de justice pour tous les humains, nous a quittés pour entrer dans la Vie éternelle. Je voudrais vous demander de bien vouloir observer une minute de silence pour honorer la mémoire du père de l’Afrique du Sud nouvelle, de la Nation arc-en-ciel dont l’avènement a été l’objet central de son combat.

Puisse le Seigneur Tout-Puissant l’accueillir en son Royaume, lui accorder sa grâce et sa miséricorde !

Mesdames et messieurs,

C’est un honneur, et, tout un symbole pour moi de m’adresser à vous, au cours de cette séance plénière solennelle, en ce mardi 10 décembre 2013, journée de célébration de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, pour partager avec vous quelques réflexions sur ma vision du devenir du Mali et sur la coopération entre mon pays et l’Europe.

Mesdames et messieurs,

D’emblée, il me plait de vous remercier pour toutes les initiatives que vous avez prises en faveur du redressement du Mali. Cet engagement constant est le témoignage le plus éclatant de l’esprit de solidarité qui innerve les institutions européennes et qui sont la marque distinctive de l’Europe, en tant qu’acteur mondial de premier plan, et en tant que porteuse de valeurs universelles partagées avec l’ensemble des Nations de cette planète.

Ce n’est pas un hasard si l’Union européenne s’est vue décerner le Prix Nobel en 2012. C’est, en quelque sorte, la reconnaissance de son attachement à la paix mondiale, sans laquelle il n’y a pas d’avenir pour l’Homme.

Mesdames et messieurs,

En rendant visite à votre prestigieuse institution, je viens rencontrer l’Europe des peuples que vous représentez.

Mesdames et messieurs,

L’Europe est un partenaire historique unique qui, depuis plus de 40 ans, se trouve aux côtés du Mali. Ce partenariat historique unique doit être renforcé dans tous les domaines afin d’arrimer l’un à l’autre, de manière irréversible, nos deux continents. Les nombreuses réalisations à l’actif du Fonds européen de développement (FED), puis de la Communauté économique européenne (CEE) témoignent de la densité et de la profondeur de la coopération entre mon pays l’Europe.

Avec l’Union européenne, nous avons une coopération multidimensionnelle exceptionnelle qui se traduit par la réalisation de programmes d’infrastructures, de formation, d’appuis institutionnels et budgétaires ; des interventions dans tous les secteurs du développement : éducation, santé, sécurité, environnement, gouvernance, démocratie et droits de l’homme.

Depuis cette année, il existe une coopération forte et utile dans le domaine de la formation de nos soldats dans le cadre de l’EUTM. Cette coopération s’est déjà matérialisée par la formation de trois bataillons des Forces armées maliennes qui sont désormais opérationnels sur le terrain. Ces soldats sont les pionniers de la Nouvelle armée malienne, républicaine, respectueuse des droits de l’homme, animée d’un esprit patriotique supérieur et totalement dédiée à la défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.

Je dois marquer la gratitude de l’ensemble du peuple malien pour tous les efforts déployés par l’Union européenne pour permettre au Mali de renouer avec le processus démocratique. Tous les Maliens ont pu apprécier à sa juste mesure le rôle joué par la Mission des observateurs de l’Union européenne, conduite par un ami de l’Afrique et du Mali, Louis Michel, durant l’élection présidentielle en juillet et aout 2013, et le premier tour de l’élection législative du 24 novembre 2013.

Mesdames et messieurs,

Au cours de la décennie écoulée, le Mali a été le théâtre d’une dégradation structurelle dans tous les domaines de l’activité humaine. Cette détérioration globale s’est traduite par la création dans le nord du pays de sanctuaires, où les groupes djihadistes, terroristes et criminels ont pu mener sans conséquences majeures leurs activités illicites.

Le Mali est devenu l’épicentre de la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel qui s’est lui-même transformé en un océan d’insécurité s’étendant de l’Atlantique à la Mer Rouge, où la criminalité transfrontalière a prospéré sur le terreau de la pauvreté et de l’obscurantisme. La misère économique a entraîné le désespoir chez les jeunes de la région. Ceux-ci sont ainsi devenus des proies faciles pour les terroristes, les djihadistes, qui ont réussi à les embrigader dans des aventures destructrices où la vie humaine n’a plus de valeur, où l’individu devient le principal ennemi de sa propre famille, de sa société. Le Sahel est devenu un marché d’armes à ciel ouvert, où tous les acteurs non étatiques peuvent s’approvisionner librement et facilement. Le sous-développement et la pauvreté constituent le terreau sur lequel prospère l’insécurité.

La criminalité transfrontalière menace la paix et la sécurité des États de la région. Or, sans la paix et la sécurité, il ne peut y avoir de développement. Et vice-versa, il ne peut y avoir de développement sans la paix et la sécurité. Le Sahel est désormais au cœur des préoccupations mondiales. C’est heureux que l’UE ait pris la pleine mesure des enjeux fondamentaux auquel cette zone est confrontée et qu’elle ait adoptée plusieurs initiatives, dont la Stratégie pour le Sahel de l’Union européenne dans laquelle le Mali occupe une place centrale.

Élaborée par le Service européen de l’action extérieure et adoptée par le Conseil des affaires étrangères du 21 mars 2011, cette initiative majeure de l’Union européenne vise à aider mon pays, la Mauritanie et le Niger, tous trois au cœur du Sahel.

Je me félicite de l’existence de cette volonté robuste de l’UE de promouvoir des changements qualitatifs dans les domaines prioritaires de la paix et de la sécurité au Sahel, et en Afrique.

Il est clair que la nature transfrontalière des défis sécuritaires impose à nos États de coopérer étroitement dans le cadre de mécanismes régionaux, pour juguler les fléaux communs à nos fragiles pays. De même, nos pays doivent redoubler d’ardeur pour mobiliser la communauté internationale afin de mener une lutte efficace contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Je dois le dire fortement. Pour faire face aux défis sécuritaires qui se posent aux États sahéliens, nous avons urgemment besoin de reconstruire nos forces armées et de sécurité et de les doter de moyens conséquents. L’expérience récente de mon pays l’atteste clairement : une armée faible, des forces de sécurité délabrées et corrompues ne peuvent affronter avec succès l’hydre du terrorisme et la criminalité organisée.

Mesdames et messieurs,

L’UE s’est portée à notre secours en mobilisant lors de la Conférence de Bruxelles, en mai 2012, 3,2 milliards d’euros afin de financer le Programme de reconstruction et de développement du Mali. Cette conférence a été une étape décisive dans la reprise de la coopération avec les autres partenaires du Mali, qui avaient suspendu leur appui budgétaire et le financement de plusieurs grands projets de développement. Le Mali apprécie positivement la reprise de la coopération, tout en se félicitant de la décision de l’Union européenne de passer de 25 à 50% dans le domaine de l’appui budgétaire.

Mesdames et messieurs les députés,

Le Mali compte sur vous pour faciliter l’allègement des procédures de décaissement et la relance des projets de développement dans mon pays. Le Mali est déterminé à trouver les mécanismes les plus idoines pour assurer une transparence et une efficacité avérée de l’aide internationale. Cette transparence et cette efficacité sont une exigence fondamentale de notre Peuple, qui n’acceptera plus les pratiques ayant conduit à l’effondrement de mars 2012.

Mesdames et Messieurs les députés.

Le Mali est à l’orée d’une nouvelle aventure historique. Nous devons refonder un nouvel État, un nouveau Contrat social qui rétablira les liens distendus entre les Maliens et l’Etat. Mais, surtout, nous devons réconcilier les Maliens avec eux-mêmes, avec leur histoire, avec les valeurs cardinales qui ont jadis, permis à notre Peuple de donner un cachet singulier à l’humanisme soudanien.

Depuis que nous sommes aux affaires, notre démarche s’articule autour de la réconciliation nationale parce que celle-ci constitue le préalable à la refondation de l’État. Nous devons répondre aux aspirations fondamentales de notre Peuple qui a soif de justice, qui réclame une nouvelle gouvernance démocratique fondée sur la responsabilité et l’intégrité de ceux qui sont aux commandes de l’État. Il y a une très forte demande de prise de parole de l’’ensembles des composantes de notre Peuple. Le Mali nouveau se construira grâce à la conjugaison des intelligences de tous les Maliens, car chaque Malien est une force pour le Mali.

En l’espace de quelques semaines, mon gouvernement a organisé les Etats généraux de la décentralisation, du 21 au 23 octobre ; les Assises nationales sur le Nord, du 1er au 3 novembre et le forum local et régional de Gao du 26 novembre au 1er décembre 2013.

Les États généraux sur la décentralisation ont convenu des éléments fondamentaux suivants :

• la mise en place de la régionalisation qui permettra de renforcer les compétences des collectivités décentralisées tout en faisant de la Région le point nodal d’un développement économique conséquent prenant en considération les aspirations fondamentales des populations à la base ;

• l’inclusion des autorités traditionnelles dans le processus décisionnel tant au plan régional, local que national à travers leur participation aux assemblées délibératives ;

• la prise en compte des spécificités culturelles locales et des conditions particulières découlant de l’environnement physique et géographique des régions sahélo-sahariennes.

Les Assises nationales sur le Nord, qui ont réunies l’ensemble des composantes sociales et culturelles de notre Peuple, ont validé les recommandations pertinentes des Etats généraux sur la décentralisation. Mais, surtout, elles ont permis de forger un consensus national robuste, tant sur les réformes institutionnelles envisagées par mon gouvernement pour aboutir à une meilleure gouvernance démocratique, que sur le contenu du Plan de développement accéléré des régions du Nord, qui permettra de corriger les graves déficits en matière de développement dans la partie septentrionale de notre pays.

Enfin, l’organisation du Forum local et régional de Gao participait au processus d’approfondissement du dialogue entre les populations et le gouvernement. Nous avons décidé de multiplier les espaces de débats, de dialogue sur toute l’étendue du territoire national ; car, la démocratie est un va-et-vient constant entre le Peuple et ses dirigeants. La démocratie n’est vivante, vivace, que si elle est irriguée constamment par la prise en considération des aspirations populaires.

Dans les semaines à venir nous multiplierons ces rencontres à la base en organisant dans toutes les régions du pays des fora locaux et régionaux afin de libérer la parole sur toute l’étendue du territoire national. La parole des Maliens sera le guide de l’action gouvernementale.

Mesdames et Messieurs,

Mon gouvernement a pris la pleine mesure de la nécessité de mettre en œuvre une politique de réconciliation nationale comme axe stratégique de la refondation d’un nouvel État. A cet effet, j’ai instruit au gouvernement de mettre en place la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, en lieu et place de la Commission Dialogue et Réconciliation. Cette nouvelle Commission aura un mandat d’interpellation, et des pouvoirs d’investigation afin de faire la lumière sur l’ensemble des crimes commis dans le nord de notre pays.

Elle établira la cartographie des graves violations des droits de l’homme, tout en préparant les conditions idoines pour le retour des réfugiés et des personnes déplacées. Elle organisera des dialogues inter et intra-communautaires afin de renouer les fils distendus entre les populations locales et créer les conditions d’une meilleure entente entre celles-ci. Elle traitera la question touarègue dans la profondeur historique, en connaissance des évènements que le pays a enregistrés depuis 1963.

Enfin, elle sera chargée de répertorier et d’archiver la mémoire nationale afin que l’ensemble de notre peuple soit informé de ce qui s’est passé, et que plus jamais notre pays ne connaisse une tragédie semblable à celle de l’année 2012.

Mesdames et Messieurs,

Le Mali a presque parachevé le retour à une vie constitutionnelle normale après la réussite de l’élection présidentielle de juillet août, et la tenue du premier tour de l’élection législative le 24 novembre 2013. Avec le retour à un ordre constitutionnel démocratique, le Mali pourra désormais s’atteler a la recherche d’une paix globale et inclusive.

Mon gouvernement dispose d’une feuille route s’articulant autour d’une série d’actions à coordonner avec les groupes armés et d’autres parties prenantes à la crise, sur les questions suivantes :

• le cantonnement et le désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion ;
• les réformes institutionnelles que le gouvernement entend mettre en œuvre dans le cadre de la régionalisation ;
• le Plan de développement accéléré des régions du Nord ;
• les modalités de l’insertion des anciens dans les circuits économiques ;
• les arrangements sécuritaires…
Mon gouvernement est prêt pour le démarrage officiel des pourparlers de paix inclusifs.

Mesdames et messieurs,

Le Mali aujourd’hui est héritier de cette longue et puissante tradition historique. Nous devons puiser dans notre histoire, dans nos valeurs de civilisation et rendre vivantes toutes les ressources de notre culture désormais millénaire et créer les bases solides pour la capitalisation des produits du savoir, de l’intelligence, des sciences et techniques telles que révélées par les manuscrits de Tombouctou. La culture nous permettra de disposer des ressources indispensables à notre adaptation à la civilisation de l’Universel.

Mesdames et Messieurs,

Je dois encore une fois de plus mentionner Kidal qui n’est pas encore sous le contrôle du gouvernement. Cette situation, qui n’a que trop duré, doit cesser.

J’invite l’UE à s’engager avec détermination aux côtés du Mali pour l’application pleine et entière de la résolution 2100 du Conseil de Sécurité datée du 25 avril 2013, afin que les groupes armés désarment sans délai. J’exhorte la MINUSMA à devenir plus opérationnelle afin de mieux s’adapter aux objectifs stratégiques de paix, de sécurité et de développement du gouvernement malien.

Mesdames et Messieurs,

Il est temps pour nous de bâtir un avenir euro-africain autour des valeurs communes de respect de la dignité et des droits humains, de solidarité et d’hospitalité. L’Afrique et l’Europe peuvent construire un partenariat gagnant-gagnant qui permettra le décollage économique du continent et la réussite de son insertion positive dans la mondialisation.

En tant que président de la plateforme de Coordination de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, je suis déterminé à promouvoir une action coordonnée et synergique de l’action de la communauté internationale dans cette zone.

Mesdames et messieurs,

Le Mali, à l’instar de l’Europe de l’après-guerre, et avec l’appui de la communauté internationale, se relèvera plus fort de sa guerre contre les forces obscurantistes et constituera, Inch Allah, un modèle de résilience et de combattivité pour les générations à venir.

Vive l’amitié et la coopération entre le Mali et l’Europe ! »

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