Le mini sommet décidé par la Cédéao s’est tenu comme prévu le samedi 7 juillet à Ouagadougou, sous la férule du médiateur burkinabé accompagné des autres membres du Groupe de contact. Et comme prévu, l’initiative sous-régionale a encore accentué le clivage au sein de la classe politique et de la société civile maliennes autour des questions de savoir s’il fallait aller ou non dans la capitale burkinabé et s’il faudrait ou pas changer l’actuel gouvernement.
Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé,
Leaders du Mali : non à un gouvernement de consensus !
Vendredi matin, avant même le départ des participants pour Ouagadougou II, l’association «Leaders du Mali» rencontre les médias à la Maison de la presse. Au présidium, le président de l’Association, Lassina Diourté, et plusieurs jeunes leaders. Comme invité spécial, Moussa Mara, maire de la commune IV, président du parti Yelema, candidat à l’élection présidentielle avortée du 29 avril.
Les objectifs des «Leaders du Mali» étant de promouvoir la bonne gouvernance en Afrique et de favoriser l’émergence de leadership dans tous les domaines, cette association a décidé de se saisir de la question qui fâche aujourd’hui : Faut-il remplacer l’actuelle équipe gouvernementale ? Lassina Diourté et ses camarades répondent d’emblée : «Non à un gouvernement dit de consensus, non à l’ingérence de la Cédéao dans les affaires publiques du Mali, non au départ de Cheick Modibo Diarra». Comme argumentaire, les jeunes leaders affirment que le «partage de la chose publique» est une pratique de camouflage permettant aux politiciens de mieux profiter des deniers publics sans risque d’assumer une quelconque responsabilité à l’heure du bilan. Le consensus serait ainsi, selon eux, la cause de tous les malheurs dans la gestion de la nation depuis que le processus de démocratisation a commencé.
Et les leaders de se demander si la bonne vieille dictature vécue par leurs parents ne valait pas mieux que cette démocratie dans laquelle l’impunité, la fuite de responsabilité, la dégradation de l’armée, l’occupation du nord et la dégénérescence de l’école ont cours.
Moussa Mara, l’invité des « Leaders du Mali », abondera dans le même sens. Il est acteur politique et chef de parti, certes, mais reconnait qu’un gouvernement d’union nationale est une sorte de partage du gâteau national. «Quand on est dans une phase de transition, une période d’exception, il est préférable que le gouvernement soit neutre ». Or l’ouverture va permettre à certains acteurs de se servir du gouvernement comme moyens d’ascension sociale et politique. Le maire de la commune IV a également révélé que les prises de position de la Cédéao sont alimentées et entretenues par des acteurs politiques de la place, qui activent leurs réseaux de relations.
Ams-Uneem : non au forum de Ouaga !
Le même jour et au même endroit, c’est l’Ams-Uneem (Amicale des anciens militants et sympathisants de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali) qui, également «dénonce vigoureusement la tenue du Forum de Ouaga, le 07 juillet en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale». Pour le conférencier, El Hadj Seydou Patrice Dembélé, secrétaire général adjoint de l’Amicale, et le facilitateur, Boncana Ibrahim Maïga, ce n’est pas à la Cédéao et aux autres de décider « en lieu et place du peuple malien » de la tenue d’assises hors du territoire national. Surtout que le médiateur, par mépris ou dédain, n’a jamais daigné mettre les pieds à Bamako pour écouter les uns et les autres. Alors, les forces vives de la nation (partis politiques, associations et organisations de la société civile) doivent taire et surmonter leurs divergences dans l’intérêt supérieur de la nation, et laver le linge sale en famille. Et du linge sale, il y en a dans le lavoir: mais surtout la reconquête du nord et l’apaisement de la situation politique à Bamako. Des problèmes face auxquels, selon les anciens syndicalistes estudiantins, le gouvernement et la classe politique observent « une inertie totale ». L’équipe de Cheick Modibo Diarra ne lèverait pas le petit doigt alors que la situation se dégrade au nord avec la profanation des tombes, la démolition des lieux de culte, l’assassinat des cadres dont Idrissa Omorou Maïga, directeur d’école et conseiller municipal de la commune de Gao.
Adps : pour un gouvernement inclusif
Dimanche, autre son de cloche au siège de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas Faso Hérè). C’est l’endroit choisi par l’Adps (Alliance des démocrates patriotes pour la sortie de crise) pour faire, au cours d’un point presse, une déclaration relative au sommet de Ouaga. Face aux médias, Soumana Tangara, secrétaire général de la Cnas, Me Abdoulaye Sangaré, du même parti, Mohamed Kéita, du parti FAD (Front africain pour le développement), Ibrahim Timbo, qui lira la déclaration. Tous sont membres du directoire de l’Adps. Et désireux d’expliquer leur position. L’Adps a bien participé au sommet du 7 juillet à Ouaga. Elle l’a fait «conformément à ses valeurs démocratiques, à son devoir patriotique, à sens du respect et de la courtoisie dus aux chefs d’Etat de la Cédéao qui ont bien voulu inviter l’Alliance».
Et conformément à l’objet même de sa création, l’Adps reconnait qu’elle doit continuer de s’impliquer pour une sortie de cette crise institutionnelle, politique et sécuritaire qui n’a que trop duré. c’est à cet effet que son délégué a été chargé de délivrer quelques messages assez clairs au sommet. D’abord, l’Alliance remercie la Cédéao pour sa «constante sollicitude pour le Mali et pour les efforts qu’elle ne cesse de déployer au triple plan régional, continental et international» afin que ce pays surmonte victorieusement les douloureuses épreuves; ensuite elle l’encourage à poursuivre ces efforts. En particulier, d’obtenir la mise en place d’un gouvernement inclusif «bénéficiant de la caution politique et sociale la plus large possible lui permettant de faire face aux choix stratégiques engageant le présent et l’avenir de la Nation».
Toutefois, attachée au «principe sacro-saint de l’appropriation nationale et démocratique de toutes les solutions durables de sortie de crise, l’Adps insiste pour que toutes les questions relatives à la mise en place du gouvernement inclusif soient tranchées à Bamako par la classe politique et la société civile maliennes». Cela est possible parce qu’un « dialogue fructueux s’est déjà engagé entre les cinq grands regroupements politiques et les acteurs de la société civile » Pour renforcer cela, l’Adps «a exhorté » les acteurs politiques à Ouaga à désigner « un porte-parole commun chargé de traduire devant les hautes instances de la Cédéao la volonté de la classe politique malienne de parler d’une seule voix», dans le sens des valeurs démocratiques, de dialogue et de concertation autour des grands enjeux de la Nation.
Mais la Cédéao ne sera pas en reste car elle pourrait dépêcher une équipe de ministres «chargés d’un rôle d’observation pour accompagner les forces vives» pour la constitution d’un gouvernement inclusif. L’organisation pourrait également tenir à Bamako son prochain sommet comme certains chefs d’Etat l’avaient voulu au début de la crise.
Cheick Tandina
Maliens, qu’allons-nous faire à Ouaga,
De quelles sanctions aurions-nous peur lorsque la nation est en péril ?
Quelles représailles aurions-nous à redouter lorsque le pays est au bord de l’effondrement ?
On se rend bien compte que la CEDEAO navigue à vue. Aucune cohérence dans ces décisions en dépit des nombreuses concessions que les autorités maliennes ont consenties pour sortir de la crise.
Chaque jour l’organisation sous-régionale s’enfonce un peu plus dans une fuite en avant.
En allant au delà de ses prérogatives, la Cedeao a mis la vie du Président par intérim en jeu ? Le Président de la Cedeao a oublié que les combines politiques ne marchent pas au Mali.
Les forces vives doivent se réunir à BKO pour s’entendre sur une feuille de route. On ne doit pas accepter une intrusion des dirigeants de quelque organisation que ce soit dans le choix de nos dirigeants. Si le gouvernement du Mali est formé à l’extérieur, que nous restera-t’il de souveraineté ? D’amour propre, de fierté ?
On a l’impression que la CEDEAO désavoue ceux qu’elle met en mission comme Cheick Modibo Diarra.
SO. N
Boycott du mini sommet de la Cédéao sur le Mali
Que veulent enfin la Copam et ses alliés ?
A l’initiative du groupe de contact de la Cédéao sur la crise malienne, le gouvernement du Mali, la classe politique et la société civile étaient invités à Ouagadougou, au Burkina, pour échanger sur les modalités de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Ce déplacement n’a pas été du goût de certains groupements politiques et de la société civile. Il s’agit notamment de la Copam, de la Csm et du mouvement Ibk 2012.
Décidemment, certains Maliens se sentent à l’aise dans le statuquo chaotique qui ronge notre chère patrie. Ils s’opposent à toute initiative visant à sortir le pays de l’ornière. A chaque fois que les voisins et amis du Mali prennent des décisions, ils s’y opposent. Motif : une soi-disant souveraineté nationale.
On se pose la question de savoir si ces gens ne trouvent pas un cynique plaisir dans la misère du citoyen lambda. Pourtant, l’on se rappelle que ce sont ces mêmes Maliens qui ont tout concocté pour que les chefs d’Etats de la Cédéao ne foulent pas le sol malien en occupant le tarmac de l’aéroport de Bamako Sénou. l’avion du président ivoirien, Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao, était obligé de faire demi tour en plein vol. Ce qui avait amené la Cédéao à tenir toutes les rencontres concernant le Mali, en dehors de notre territoire. Dans cet élan, comment comprendre qu’ils se fâchent lorsque ces chefs d’Etats les invitent à aller discuter à Ouaga? Il faut savoir ce que l’on veut.
Selon les communiqués pondus partout, la plupart de ces groupements qui ont boycotté cette rencontre sont favorables à la composition d’un gouvernement d’union nationale. Leur seule objection serait d’aller discuter de la question sur un sol étranger. Tandis que les Maliens n’arrivent pas à s’entendre sur quoi que ce soit depuis plus trois mois. Alors, que veulent-ils enfin ces gens-là ? À ce rythme, sans risque de se tromper, nous allons passer des années sans trouver un gouvernement consensuel.
Aller discuter de la crise du pays dans un autre pays est-il une violation de notre souveraineté nationale ? Répondons par le négatif car nous avons reçu chez nous les protagonistes de la crise ivoirienne pour les aider à trouver un terrain d’entente. Ils ont été aussi à Ouaga à plusieurs reprises. Les belligérants ivoiriens ont été à Marcoussis en France, à Accra au Ghana et au Pretoria en Afrique du Sud. Ils ont fait le tour du monde à la Recherche d’une solution définitive à leur problème.
Un autre exemple, au cas où ils auraient oublié, c’est la présidence de la Commission électorale nationale indépendante de la Guinée Conakry qui a été assurée par un Malien, en l’occurrence le général Siaka Sangaré.
En outre, à la recherche de solution de sortie de leur crise, les politiciens malgaches ont été aussi conviés en Afrique du sud. A cela s’ajoute l’implication du malien Tiéblé Dramé dans la gestion de cette crise. D’aucuns me diront que comparaison n’est pas raison. Certes ! Mais les Maliens seraient-ils seuls à être fiers de leur souveraineté ? En d’autres termes, le mali serait-il plus souverain que tous ces pays ? Pareils comportements ne nous grandissent pas si nous savons que l’Ecole internationale de maintien de la paix implantée dans notre pays, porte le nom d’un grand Malien, Alioune Blondin Bèye qui, rappelons-le, a perdu la vie dans un accident tragique d’avion, pendant qu’il accomplissait une mission de l’Onu dans la gestion de la crise angolaise.
Oumar KONATE