Les chefs des armées des quatre pays membres du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc) se sont retrouvés, hier à Nouakchott, en Mauritanie, pour faire le point sur la situation sécuritaire au Sahel. Et ainsi qu’il fallait s’y attendre, la crise malienne a pris la part du lion lors des discussions.
«Les chefs d’état-major de Mauritanie, d’Algérie, du Mali et du Niger ont examiné les moyens d’aider la République du Mali à recouvrer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire national», a indiqué hier à ce propos l’Agence mauritanienne d’information (AMI). Il faut rappeler que toute la moitié nord du Mali est occupée par des islamistes armés et les troupes du Mouvement indépendantiste du MNLA. Bamako a perdu, dès le début du mois d’avril, tout contrôle sur les région de Tombouctou, Gao et Kidal. Si elle venait à perdurer, la crise malienne pourrait transformer le Sahel en une sorte d’«Afghanistan» qui pourrait, à terme, menacer la stabilité autant de l’Afrique de l’Ouest que celle de l’Afrique du Nord.
Incapable de faire face à la situation, le gouvernement de transition – mis en place à Bamako après le retrait de militaires putschistes qui avaient renversé, le 22 mars, le président Amadou Toumani Touré – souffre par ailleurs d’un déficit de légitimité. Et c’est aujourd’hui un euphémisme que de dire que le gouvernement de Cheick Modibo Diarra ne fait pas l’unanimité au sein de la société et de la classe politique maliennes. Cette situation explique d’ailleurs son incapacité à prendre des décisions engageant l’avenir du Mali. Pour débloquer la situation, les autorités transitoires maliennes se sont dites, mardi, d’accord pour la création d’un gouvernement d’union nationale.
Le président de transition, Dioncounda Traoré, et le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, «ont tous deux convenu que cette forme de gouvernement doit s’ouvrir pour que chacun des Maliens et chacune des Maliennes puissent se reconnaître en ce gouvernement et assumer une bonne conduite de la transition», a indiqué à la presse un responsable du ministère des Relations extérieures et de l’Intégration africaine.
Faut-il pour autant attendre une implication du Cémoc sur le théâtre des opérations ? Peu probable. L’Algérie, en tout cas, ne devrait pas bouger le petit doigt tant que n’aura pas été exploré le moyen de régler politiquement la crise malienne. Tout au plus, il sera donné un coup de main à l’armée malienne pour lui permettre de s’acquitter le plus rapidement possible de ses missions constitutionnelles.
Le Sahel, l’Afghanistan de l’Afrique
Pas plus loin que mardi, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines a saisi l’opportunité de sa rencontre avec le coordonnateur de l’Union européenne (UE) pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerkove, pour réaffirmer la position de l’Algérie en faveur d’«une solution politique». Pour le responsable algérien, cette solution politique doit englober un «appui et un accompagnement au gouvernement malien à Bamako tout en préservant l’unité territoriale de ce pays et sa souveraineté». «Nous encourageons le dialogue entre les différentes parties et considérons qu’il existe encore une chance pour un règlement politique à la crise dans le nord du Mali», a-t-il affirmé.
Cela explique d’ailleurs pourquoi l’Algérie s’est montrée rétive, pour ne pas dire opposée, au projet de la Cédéao d’envoyer au Mali une force militaire de 3300 hommes pour stabiliser le Sud et «reconquérir» le Nord. Evoquant la coopération sécuritaire entre l’Algérie et l’UE, M. Messahel a fait, en outre, état d’une «convergence de vues» entre les deux parties sur la menace du terrorisme et du crime organisé dans la région. Les deux parties ont, par la même occasion, affiché leur volonté de «mobiliser les efforts afin de donner toute les chances de réussite à la réunion sur le partenariat, la paix et le développement dans la région du Sahel (Alger II)» qui aura lieu avant la fin de l’année en cours.
Mais si le traitement de la crise malienne ne paraît donc pas relever dans l’immédiat des «compétences» des armées des pays de la région, des sources proches de certains participants mentionnent que la réunion d’hier a tout de même «pris les mesures nécessaires pour appuyer les capacités opérationnelles du Cémoc pour faire face aux menaces sécuritaires communes et limiter l’expansion du crime organisé dans l’espace commun aux pays membres». La décision s’explique d’autant que la situation sécuritaire dans la région s’est considérablement dégradée ces deux dernières années, en témoignent les attentats terroristes perpétrés dernièrement à Tamanrasset et Ouargla.
Créé en avril 2010, le Cémoc, dont le QG se trouve à Tamanrasset, regroupe les états-majors militaires de l’Algérie, du Mali, du Niger et de la Mauritanie. Il se réunit tous les six mois pour étudier les moyens de lutter contre les activités des trafiquants transfrontaliers et des groupes armés dans le Sahel.