Le sociologue et écrivain malien, Youssouf Tata Cissé, est décédé mardi à Paris. L’annonce en a été faite par le ministre de la Culture dans un communiqué où, au nom du gouvernement et du monde la culture profondément éprouvé par une si grande perte, Bruno Maïga a adressé « ses sincères condoléances à la famille du défunt, tout en ayant une pensée pieuse pour cet éminent chercheur ».
Ethnologue, historien, spécialiste des traditions orales et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, Youssouf Tata Cissé fut, en France, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et enseignant à la Sorbonne de Paris.
Youssouf Tata Cissé est né en 1935 à San, dans la région de Ségou. Au terme de ses études, il s’engage d’abord dans l’enseignement puis dans la recherche aux premières heures de l’indépendance de notre pays. Hanté par la soif d’approfondir ses connaissances, il décide d’aller en France en 1970.
En 1973, il soutient à l’Ecole pratique des hautes études (Paris), une thèse dirigée par Germaine Dieterlen intitulée « un récit initiatique de chasse Boli-Nyanan ». Il consacre une grande partie de sa vie à la découverte, à l’étude et à la préservation du savoir transmis par tradition orale en Afrique de l’Ouest, en relation avec le grand maitre en la matière que fut Wa Kamissoko.
En 1974, il est l’un des initiateurs du colloque sur l’Empire du Mali à Bamako. Il témoignera, plus tard, que c’était le moyen rêvé de faire parler de nombreux traditionnalistes sur ce pan extrêmement important de l’histoire de toute l’Afrique de l’Ouest. En effet, il existait peu d’écrits crédibles sur cet épisode. Les voyageurs arabes et autres explorateurs ou administrateurs étaient les auteurs des quelques récits existants. Cette rencontre était la première du genre organisée en Afrique. Elle a regroupé plus d’une centaine de chercheurs du Mali, du Sénégal, de Guinée Conakry, du Niger, de Côte d’Ivoire, de Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et des experts de l’UNESCO. C’est à Niamey que la 2è phase du colloque eut lieu deux ans plus tard à l’invitation du président Seyni Kountchié. L’Afrique venait de franchir un grand pas dans la reconstruction de son histoire.
Les minutes du colloque rejoindront Bamako seulement 25 ans plus tard, soit en 2001. Après avoir été édité par la Société NEA de Paris, ces documents sont restés bloqués, faute de financement. Pourtant Youssouf Tata Cissé n’avait pas oublié. C’est Pascal Baba Couloubaly, alors ministre de la Culture, qui décida de payer les frais de port pour rapatrier ces minutes qui ont été confiées à la Bibliothèque nationale.
Youssouf Tata Cissé se définissait lui-même comme un chasseur. C’est ainsi qu’il devint membre de la confrérie des chasseurs en mai 1959 lors d’une veillée de chasseurs à Kiniégué à 130 km de Bamako. Les chasseurs, sachant qu’il était un « ancien » de la coloniale, l’ont recruté pratiquement à son corps défendant.
Sociologue, ethnologue, ancien professeur à la Sorbonne, chercheur émérite au CNRS de Paris, Youssouf Tata Cissé s’est imposé comme un spécialiste des mythes et légendes du Mali. Pour la conservation d’un pan important de la culture bambara et des traditions africaines, notamment maliennes, le Centre d’études linguistiques et historiques par tradition orale de l’Union africaine (CELHTO-UA) lui a consacré une série de conférences-débats en 2010 à Bamako, Abidjan et Niamey.
Youssouf Tata Cissé est auteur et co-auteur de nombreux ouvrages comme « La grande geste du Mali, des origines à la fondation de l’empire » (1988) et « Soundjata, la gloire du Mali », tous deux édités chez Karthala avec Wâ Kamissoko ; Ciwara, en 2001 ; la Charte du mandé et autres traditions du Mali, en 2003.