Au tableau de chasse des forces françaises qui ont lancé une importante opération militaire au nord de Tombouctou, 19 têtes de djihadistes sont venues s’ajouter ces derniers jours. Bilan partiel donc plus que positif pour l’offensive lancée par une centaine de véhicules et des hélicoptères français au Nord-Mali avec en ligne de mire des éléments d’AQMI. Pourtant du côté de Bamako, l’on grince des dents, le pouvoir malien s’offusquant de ne pas avoir été informé de cette offensive. Ni de son organisation. Ni de son déroulement. «Il est temps que l’armée française travaille avec nos forces. Nous avons reçu des informations après les combats contre les djihadistes, ce n’est plus possible !» affirme-t-on dans les rangs des autorités maliennes, pour qui c’est la fois de trop.
Cette histoire n’est pas sans rappeler à bien de différences près cette fable de la Fontaine (Les voleurs et l’âne) où pour un âne enlevé, deux voleurs se battaient. Pour le cas malien, on pourrait donc dire que pour 19 djihadistes tués, deux alliés se battent.
Certes, on peut comprendre l’agacement du pouvoir malien de ne pas avoir été tenu, une fois de plus, au courant de ce qui s’est mené sur son territoire, le Nord-Mali, quoi qu’on puisse en dire, relevant de sa souveraineté même si les Français sont venus en appoint. Mais à la décharge de la France, la crainte de fuites au sein de l’armée malienne préjudiciables à ce genre d’actions est bel et bien réelle même si sur les bords du Djoliba, on assure que les choses ont changé. On peut donc comprendre que sur l’autel de l’efficacité aient été sacrifiés l’honneur et la souveraineté maliennes.
De plus, de telles opérations ont-elles vraiment besoin de passer par la case des salamalecs avant d’être exécutées sur le terrain ? En d’autres termes, la fin ne justifie-t-elle pas ici les moyens ?
Il vaut mieux donc pour Bamako ne pas tirer trop en longueur avec ce «caprice», car autant qu’on s’en souvienne, au temps de la phase décisive de la lutte contre les groupes islamistes menée par la France et le Tchad dont des éléments y ont même laissé la vie, on n’a pas entendu un soldat malien se plaindre de ne pas être à l’avant-garde de cette guerre. Pire, c’est cette même années qui, à travers les bérets rouges, rechignaient même à aller combattre les mêmes djihadistes qu’on vient de tuer.
Nécessité de coordination, problème de communication, tactique militaire, … les raisons ne manquent donc pas pour expliquer le silence de l’armée française. Cependant, puisque comme le dit Elsa Triolet, «le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n’éteint que les petits», il aurait pu y avoir ne serait-ce qu’un coup de fil présidentiel de François Hollande pour informer Ibrahim Boubakar Keita de cela, une heure ou même trente minutes avant l’attaque, et il y a lieu de souhaiter que le tir soit rectifié à l’avenir.
On espère que le Mali se remettra très vite de cet honneur bafoué et jouera balle à terre, car après tout, il s’agit de forces coalisées et si cette alliance se lézardait, l’hydre terroriste serait contente de s’engouffrer dans la brèche.