A Bamako, la décision de la Cedeao de fixer la durée de la transition à douze mois et d’envoyer des soldats au Mali a du mal à passer. La pillule est amère et difficile à avaler pour une grande partie de la population, certaines organisations ainsi que la société civile. Tout comme le capitaine Hamadou Haya Sanogo l’ex-putschiste, ces acteurs clés rejettent cette décision.
Incompréhension et colère, ce sont les principaux sentiments qui animent de nombreux habitants de la capitale malienne. Ceux-ci s’interrogent sur les intentions réelles de la Cedeao et beaucoup craignent l’arrivée annoncée des casques blancs. « Les soldats de l’Ecomog n’ont pas une bonne réputation. On se rappelle des actes de barbarie et de pillages qu’ils ont fait au Liberia au début des années 1990 », note Issa Koné, un enseignant du secondaire. « La Cedeao devrait plutôt aider le Mali à combattre les différentes forces armées qui occupent le nord du Pays. Elle se trompe de combat », renchérit son collègue Moussa Guindo.
La décision de fixer la durée de la transition malienne a été prise de manière unilatérale selon eux. « Il fallait plutôt organiser une grande concertation de toutes les forces vives maliennes. Cela afin de trouver un consensus », soutient Thomas Coulibaly un étudiant en troisième année de médecine.
Diktat de la Cedeao
Les ONG donnent aussi de la voix. Ainsi, La Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam), favorable au coup d’Etat du 22 mars, a elle-aussi violemment dénoncé le "diktat" imposé, selon elle, par la Cedeao au Mali.
Dans un communiqué, la Copam a mis en garde contre « les risques de dérapage qui pourraient en découler et qui pourraient compromettre la dynamique du retour à l’ordre constitutionnel », et a appelé « le peuple malien à se mobiliser pour faire échouer cette tentative de déstabilisation et d’humiliation ». L’Alliance pour la démocratie et la République (ADR) dénonce, elle, l’attitude de la Cedeao. Elle parle de décision unilatérale et exige une Convention nationale pour une sortie de crise. Pour Younouss Hamèye Dicko, président de cette association qui regroupe plusieurs partis politiques et organisations de la société civile malienne, la priorité du Premier ministre Cheick Modibo Diarra et son équipe est la libération des trois régions Nord du pays. Hamadoun Amion Guindo, secrétaire général de la confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM) qualifie quant à lui la décision de la Cedeao de coup d’Etat historique. Pour ce syndicaliste, les Maliens n’accepteront pas l’inacceptable. C’est aux soldats maliens qu’il appartient de libérer leur territoire.
Iba N’Diaye, premier Vice-président de l’Adema-Pasj, parti majoritaire à l’Assemblée nationale, n’est pas du même avis. Pour ce baron du parti de l’abeille, le Mali a bel et bien besoin de l’appui militaire de l’organisation sous-régionale. Cela pour venir à bout des groupes armés qui occupent le Nord du pays. Il estime par ailleurs que la Cedeao devrait réunir CNRDRE, autorités en place, classe politique, organisations de la société civile autour de la table de négociation pour atteindre un consensus sur la durée de la transition. Les institutions sont là. Il faut les laisser travailler, conclut-il.