Si l’organisation matérielle et la maîtrise du processus par les agents électoraux ont été sans reproche, la mobilisation, elle, demeure un défi quasi impossible à relever
Pour parachever le processus de retour à l’ordre constitutionnel, nos compatriotes étaient invités hier pour le deuxième tour des législatives.
Lors du premier tour des élections législatives, les 80% des Bamakois ont choisi de rester à la maison plutôt que d’aller voter. Les 20% ont opéré des choix sans pouvoir donner une majorité à une liste de partis politiques. Le constat qui s’impose est que les listes emmenées par le Rassemblement pour le Mali (Rpm), parti qui a porté au pouvoir le président de la République reste partout dans la course. C’est le cas des deux premières communes du District de Bamako que notre équipe de reportage a sillonné hier.
Ouvert à 08 h, le bureau 1 de Djelibougou en commune I n’a enregistré que huit électeurs aux environs de 10 heures. Pour le président de ce bureau, le constat « se passe de commentaires ». Pourtant avant 18 heures, heure légale de fermeture des bureaux, Mohamed Ag Almeymoune est sensé faire voter 495 lecteurs dont 227 femmes. Tel est son objectif. Mais les chances sont bien maigres du fait de la morosité des opérations. « C’est pas fameux » lance-t-il simplement assis derrière un table-banc secouant la tête, stylo à la main. Le matériel est tout de même disponible, affirme le président du bureau. Dans cette commune le Rpm que représenté par les candidats Boulkassoum Haïdara et Gaoussou Badjé Sokouna fait face à la liste Codem-Cnid (Boulkassoum Touré et Fatoumata Simpara dite Téné). Deux sièges de députés à l’Assemblée nationale sont à pourvoir ici. Les 4 finalistes ont tous envoyé des représentants dans les bureaux de vote pour garder un œil sur leurs intérêts.
Pour accéder au centre il faut montrer patte blanche. Les éléments du service d’ordre stationnés à la porte et un peu partout dans la cour de l’école Groupe scolaire Djélibougou observent. « Nous sommes prêts à réagir à toute situation » avertit un d’entre eux, matraque au point. Mais la faible affluence amoindrit tout risque de débordement ici. Dans la cour, les agents électoraux désœuvrés comblent le vide par des apartés. Quelques agents de sécurité font des va et vient.
« Ce que les autres font ne me concerne pas. Pour ma part, j’ai voté » martèle un électeur du bureau 4 qui déplore la démobilisation des citoyens après les élections présidentielles. Assis sur un petit mur dans la cour, Madou Traore s’emporte: « les gens se sont habitués à prendre de l’argent pour voter. Or, les hommes politiques ne font même plus de campagne. Tout ça, c’est un signe de désespoir et surtout de déception… ».
Même constat de morosité en commune II où le Rpm-Codem en liste contre Adema-Mpr et l’Urd sont en compétition pour trois sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale. Il s’agit de Aly Niagando, Mamadou Lamine Doumbia et Karim Keita pour la liste de Rpm-Codem et Lassina Koné, Mamadou Fofana, Mamadou Lamine Haidara dit Mao au compte de la liste adverse.
Tout est en place sauf les électeurs qui viennent au compte-gouttes. Comme on peut s’y attende l’affluence est très faible. Pour cause, à 9 heures, soit une heure après l’ouverture du bureau, seuls 3 électeurs ont accompli leur droit de vote sur un total de 495 électeurs inscrits au compte du bureau de vote 36 du centre de Niaréla en CI. Au total, l’école fondamentale de Niaréla accueille 40 bureaux de vote.
Le président du bureau de vote, Samba Sidibé pronostique déjà un taux de participation plus faible qu’au premier tour.
Du point de vue organisation, les agents électoraux ne se plaignent de rien. Tous les documents sont en effet sur place. Même le repas est servi à l’heure. La liste des électeurs inscrits soigneusement affichée à la porte de chaque bureau même si les électeurs connaissent déjà leur bureau de vote.
Faute d’électeurs, les agents du bureau 37 improvisent un débat général sur la vie politique de notre pays notamment, actualité oblige, sur l’arrestation du général Sanogo ou encore les menaces terroristes dans les régions septentrionales. Kidal s’est aussi invité aux débats. Dans d’autres bureaux voisins, les agents électoraux se mettent à la fenêtre des classes pour observer l’ambiance dans la grande cour de l’école où des vendeuses ambulantes tentent désespérément de faire écouler leurs marchandises. Ici, gendarmes et policiers armés de matraques et de lance-gaz lacrymogène sont plus visibles que lors du premier tour. Ils sont aussi plus nombreux aux portes du centre.
Dans l’après midi encore, pas grand changement dans l’atmosphère des bureaux de vote visités le matin. Les électeurs de Bamako sont décidément intraitables ! Les présidents des bureaux de vote disent la même chose, moral au talon : la mobilisation n’est pas au rendez-vous. Les personnes croisées dans les rues, au restaurant et les groupes de causeries ne se montrent guère intéressés par l’élection de leurs représentants a l’Hémicycle. Le divorce est-il donc consommé entre l’homme politique et le citoyen lambda ? C’est le moins que l’on puisse dire.