Ce dimanche 15 décembre, ils étaient un peu plus de 6 millions et demi de Maliens à être appelés aux urnes pour élire 127 députés en plus des 20 autres qui ont obtenus leurs tickets dès le premier tour. Le principal défi, au delà de l’aspect organisationnel, qui se devait d’être relevé était indiscutablement le taux de participation. Le constat est malheureusement resté le même dans les 45 circonscriptions électorales qui ont pris part à cette ultime phase des législatives. En effet, les chiffres pourraient bien être en deçà de près de 40% de taux de participation qui avaient été enregistrés lors du scrutin du 24 décembre, les électeurs s’étant tout simplement inscrits aux abonnés absents.
En attendant les véritables consultations de proximité que sont les communales, le Mali vient de boucler les élections générales (présidentielles et législatives) avec le même constat : le désamour grandissant entre les électeurs et les urnes. Preuve que rien n’a véritablement changé dans les relations entre le peuple et sa démocratie. Pourtant, tout au long des campagnes électorales pour la présidentielle et les législatives, les candidats ont promis le changement. Le changement auquel aspirent les populations depuis l’avènement de la démocratie, le changement dans le mode de gouvernance, dans leur mode de vie. Pour preuve, même s’il n’y a pas eu véritablement de liesse populaire pour applaudir les auteurs du coup d’Etat de mars 2012, il n’en demeure pas moins que plus d’un Malien se sont sentis soulagés du bouleversement à la tête de l’Etat. Croyant que l’heure du véritable changement avait sonné.
Et c’est pour cela que le peuple est sorti dans une large majorité pour voter, fin juillet. Au premier tour du scrutin présidentiel, le taux de participation a en effet dépassé les 50%. Historique ! Et même si ce taux a baissé, lors du second tour, il ne s’est pas éloigné de beaucoup, permettant à Ibrahim Boubacar Kéita d’être plébiscité avec plus de 77% des voix.
Il faut reconnaitre que ce candidat était attendu, surtout après les événements de mars 2012, parce qu’il était perçu comme l’homme du changement. Charismatique, présent au Mali depuis 1992, ayant essuyé de nombreux revers de la part de ses camarades politiques, il avait une chance à saisir, a promis le changement aux Maliens, lesquels l’ont investi de leur confiance. Croyant toujours au changement.
Depuis ce jour, lui-même et ses militants ont cru pouvoir investir l’Assemblée nationale afin d’y avoir une majorité suffisamment confortable pour se passer des compromissions.
Les cadres du RPM, mais aussi d’autres partis, ont donc amorcé les législatives, avec la même promesse de changement que lors de la présidentielle. Au finish, le taux de participation a encore chuté, au premier tour, avant de dégringoler au second. Hier, les centres de vote étaient quasi déserts dans tout le pays. Pourtant, ce n’est ni la saison des pluies ni celle des cultures, encore moins celle des récoltes. Que s’est-il donc passé ? Pourquoi ce regain de désintérêt pour la chose publique ?
Après analyse rapide, il apparait de plus en plus que le président élu n’est pas l’homme de la situation. Même s’il a commencé à mettre en œuvre sa politique qui consiste à lutter contre l’injustice et l’impunité, notamment en mettant derrière les barreaux certains des auteurs présumés du coup d’Etat de mars 2012 ou de la répression consécutive au contrecoup d’Etat d’avril de la même année, ou en faisant poursuivre des magistrats et auxiliaires de justice accusés de quelques indélicatesses, Ibrahim Boubacar Kéita est vite décrié par rapport à certaines de ses décisions et libéralités. Comme le fait de lever des mandats d’arrêt contre de présumés narcotrafiquants tout en leur permettant de se présenter sur des listes de son parti, ou celui de faire libérer de présumés terroristes. On reproche surtout à IBK de ne pas avoir trouvé une solution rapide et durable au problème du nord, notamment à la situation actuelle de Kidal.
Sur le plan politique, les adeptes du changement croyaient qu’IBK allait faire la politique autrement, en se débarrassant de la classe politique aux affaires depuis mars 1991. Au lieu de cela, à quoi assiste-t-on ? A des listes communes dans plusieurs circonscriptions électorales, au RPM, le parti présidentiel, et à d’autres formations comme l’Adema, l’URD, le CNID, etc., des formations accusées d’avoir mis le pays sous coupe réglée depuis le début du processus démocratique, d’abord pendant le règne d’Alpha Oumar Konaré, ensuite sous celui d’Amadou Toumani Touré.
En somme, pour le citoyen lambda, rien n’a changé et n’est en passe de l’être. L’élection d’IBK censé apporter le changement n’aura servi à rien, sinon à faire renaitre une nouvelle assemblée nationale qui aura la même configuration que toutes les précédentes. C’est-à-dire avec, encore et toujours, les rejetons des mêmes familles politiques qui règnent depuis la prétendue révolution de mars 1991. Le plus triste, c’est que ce citoyen lambda pense que quoi qu’il fasse, cela ne changera rien. Son vote ne servira à rien même s’il était destiné à des candidats de moindre envergure.