Tôt le petit matin, populations de Bamako et environnants affluent sur Kanadjiguila, Chef lieu de la Commune du Mandé. Ce 11 décembre est une date très importante pour les animistes du Mali. Elle correspond en fait au dernier mercredi du mois lunaire communément appelé en langue vernaculaire bambara :«Rabani Kélen», retenu chaque année par le grand féticheur Adama TRAORE et ses disciplines pour vénérer leurs fétiches afin que le bonheur, la prospérité, la paix et la sécurité soient tout au long de la nouvelle année et que chaque malien vive en ammonie avec son corps et son esprit.
Pour l’occasion, l’un de ses disciples, Abou Koïta installé en France, comme chaque année d’ailleurs, a effectué le déplacement, pour venir célébrer dans la communion, aux côtés de son maître spirituel, cette cérémonie traditionnelle annuelle qu’est la vénération des fétiches. Qu’est-ce qui justifie en fait son déplacement ? Soma Abou, qui habite le Département 95 à Gomès en France a été, on ne peut plus clair : «Même étant à Paris, nous faisons des cérémonies de vénération de fétiches. Mais ici à Bamako, c’est plus important pour diverses raisons : d’abord, à Paris, après que nous eûmes égorgé les poulets, nous ne pouvons que les jeter alors qu’ici au Mali, nous faisons profiter beaucoup de personnes de la chaire de poulets et du bœufs, surtout les plus démunies.
En célébrant cette cérémonie en communion avec nos maîtres spirituels, nous cherchons aussi la Bakaraka, fondement de tout pouvoir-et même si nous nous sommes trompés, nos maîtres nous montrent la bonne voie à suivre. Enfin, on ne finit jamais d’apprendre-donc le perfectionnement continu est nécessaire et obligatoire. Voilà pourquoi j’ai effectué le déplacement de Bamako», nous confie, Abou Koïta, un Soma basé à Paris.
Du sang coule à flot:
Pour un sacrifice rituel, c’en était vraiment un ! Adama TRAORE et ses disciples ont égorgé pour les fétiches, en plus de quatre (4) bœufs et treize (13) chèvres, plusieurs centaines de poulets. Comme pour vénérer de la plus belle manière leurs idoles dont Djafren et Koungré et les dix (10) canaris sacrés pour la réussite, la chance et contre la méchanceté. Celui à qui les fétiches ont apporté paix, bonheur et prospérité (Adama TRAORE, puisque c’est de lui qu’il s’agit) pense que la réussite est au bout de l’effort. «Dans toute entreprise, il faut chercher la baraka de ses supérieurs. Mon maître spirituel a fait des bénédictions pour moi. Aujourd’hui, tout me réussit, j’ai des disciples à travers toute l’Europe parmi lesquels, Abou KOÏTA qui ont tout fait pour moi. J’ai tout eu grâce aux fétiches. Pour le moins, ce travail n’entame en rien mes activités professionnelles car j’ai un diplôme en agriculture et nourrit plus de 100 personnes par jour», rappelle Djouméla Adama TRAORE.
Les sacrifices qu’il faut pour la nouvelle année :
Très modeste, après la révélation des fétiches, Soma Adama TRAORE a laissé le soin au Major Mahamadou KOUMA de l’armée de l’Air à la retraire, cet autre Soma de renom, d’annoncer les couleurs de l’année nouvelle. Pour avoir le bonheur, la prospérité, l’entente, la cohésion et la stabilité, voici, selon Major Kouma, les sacrifices de l’année. Il s’agit de N’kori kourou kelen, Tombiladon kourou kelen, Djoula sonkalani kouroukelen, sounougou gnègnèn, Sanio ni lolo chè kelen. On égorge le poulet (lolochè) le prépare avec le couscous pour toute la famille. Pour les feuilles, on en fait une décoction-les hommes se lavent avec 3 fois et les femmes 4 fois. Voilà ce qu’il faut pour réussir en 2014. Avant de terminer, Major Kouma a appelé les Maliens à l’union : «les hommes ne s’aiment plus, on n’a plus pitié de son prochain. Il faut que cela cesse car, c’est la méchanceté et l’égoïsme qui sont à l’origine de nos malheurs sur terre».
Clin d’œil à la nouvelle génération de Somas
Partis du constat que la jeune génération de somas est plutôt tentée par le gain matériel que par l’acquisition de la connaissance, Adama Traoré et ses disciples, les rappellent à l’ordre en les invitant à suivre de facto toutes les étapes de l’initiation. «Les disciples sont pressés de connaître les percepts du fétichisme et ça ne sert à rien. Si la science occulte n’a plus de valeur aujourd’hui, c’est parce qu’elle est achetée par la jeune génération avec des espèces sonnantes et trébuchantes. C’est anormal ! Dans la mesure où c’est la baraka qui complète la science-et sans la baraka, la science est vouée à l’échec. C’est pourquoi moi j’ai accepté de souffrir pour mes maîtres spirituels, travailler et dormir à la belle étoile», explique Abou Koïta. Comme pour inviter la jeune génération à suivre son exemple.
Il est utile de rappeler ici que la presse a toujours accompagné cette cérémonie traditionnelle annuelle de vénération de fétiches, à travers la diffusion des avis et communiqués radiophoniques. Cérémonie qui date des temps immémoriaux car né avec la science occulte, rappelle Djouméla Adama TRAORE de Kanadjiguila.
En plus de l’animation des donsokoni, on notait la présence du célèbre féticheur Daouda Yattara, le Satan, cet autre soma de renom de Kanadjguila.
Vivement la prochaine édition.