Tout ce qui se mesure, finit un jour, dit la sagesse populaire. Mamadou Kaba se savait mortel mais cette certitude ne freinait jamais son franc parler, sa volonté d’exprimer à voix haute et forte des vérités qu’il estimait justes lorsque d’autres se bornaient à les murmurer. La grande faucheuse l’a emporté dimanche à Paris où il suivait un traitement médical.
Le monde de la presse se souvient aujourd’hui d’un excellent professionnel de la plume et du micro dont le parcours exprime éloquemment les mérites durant une période où il y avait plus de coups à prendre que de lauriers à glaner dans le métier de journaliste.
Mamadou Kaba est né en 1944 à Labé en République de Guinée. Mais c’est à Bamako qu’il entame ses études primaires à l’école de Quinzambougou.
Il passe ensuite au lycée Terrasson des Fougères (actuel lycée Askia Mohamed), pépinière de l’intelligentsia de l’époque, où, très bon élève, il obtient un baccalauréat de philosophie qui le conduit à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille en France. Ces études universitaires (1965-1969) sont sanctionnées par une licence en journalisme.
Mamadou Kaba qui figure ainsi parmi les premiers Maliens diplômés en journalisme, revient au Mali en 1970. Il est intégré à la Fonction publique et mis à la disposition du ministère de l’Information qui l’affecte à la radiodiffusion nationale. Très vite, le jeune homme se fait remarquer par son talent qui le propulse au poste de rédacteur en chef du journal parlé de Radio Mali en 1970. Mais la lune de miel est de courte durée car on est au temps du régime militaire du CMLN et de l’information verrouillée. Des divergences d’opinion et de tempérament mettent Mamadou Kaba aux prises avec les responsables de la direction de l’information de Radio Mali. Pour « faute grave », il est transféré au journal L’Essor dépendant lui aussi du ministère de l’Information. Un peu plus tard, il en devient le rédacteur en chef adjoint et ronge son frein jusqu’en 1977.
Profitant d’un relatif « dégel » qui voit par exemple la création (sous l’égide du ministère de l’Information) de l’hebdomadaire sportif « Podium », il suggère de lancer un magazine dont il conçoit la formule. Ce sera le mensuel « Sunjata » dont Mamadou Kaba sera le premier rédacteur en chef.
Quelques années plus tard, il quitte l’écrit pour le cinéma et le poste de directeur du Centre national de production cinématographique (CNPC, l’ancêtre de l’actuel CNCM). En 1990, Mamadou Kaba revient à ses premières amours lorsqu’il est nommé directeur de la Radiodiffusion télévision du Mali. La période est compliquée et la radio-télévision d’Etat, coincée entre l’arbre et l’écorce, est chahutée durant la révolution de mars 1991.
Durant la Transition démocratique, Mamadou Kaba est remplacé et réaffecté à l’Agence malienne de presse et de publicité. Il entreprend alors de créer le Syndicat libre des cadres pour (SYLCAD) pour défendre des compétences qu’il estime victimes, comme lui, des aléas politiques.
En 1997, il est nommé membre du Conseil supérieur de la communication dont il assumera la présidence durant deux mandats au terme desquels il est nommé en 2002 ambassadeur du Mali en Egypte, poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 2006. Mais le retraité sut rester actif. Il contribuera ainsi fortement à la réussite des 3è Journées de l’information et de la communication et à diverses autres activités conduites autour de la profession jusqu’à l’important projet de Haute autorité de la communication adopté par ordonnance par le Conseil des ministres de la semaine dernière.
C’est donc un grand professionnel et une personnalité entière et irréductible (il aurait certainement préféré « insoumise » ou « incomprise ») qui nous quitte. Il laisse derrière lui une veuve et six orphelins. Ses obsèques sont prévues vendredi à Faladiè.