Avec la grave crise que le mali a connu, l’OMVS ne peut-elle pas profiter pour porter une deuxième corde à son arc en plus de celle relative à l’économie, un volet sécurité ?
Mohamed Ould Abdel Aziz : Nous sommes dans une situation assez difficile au niveau du Sahel, nous sommes menacés par ce phénomène qu’on appelle le terrorisme qui est étranger à notre région, à notre culture et à notre civilisation mais on est obligé de faire avec. Le terrorisme ne vient pas seul et ne s’implante pas n’importe où, il faut qu’il y ait une faille quelque part pour qu’il puisse s’implanter. Malheureusement, il se trouvait qu’il y avait une situation au nord du Mali qui a fait que les terroristes ont pu l’atteindre. Le terrorisme est alimenté par les trafics de drogue, les trafics illicites d’armes, la prise d’otage et le paiement de rançon. Ce phénomène n’a pas été malheureusement traité à temps. Il y a eu du laxisme, un manque de coordination et de coopération entre les Etats du Sahel.
On a essayé ensemble de faire un effort mais on a pas trouvé la bonne formule qui pouvait nous permettre de sortir de cette situation. A cela, il faut ajouter, les problèmes survenus en Libye. Le démantèlement de l’arsenal militaire libyen est venu renforcer les équipements des terroristes sur place. Il a fallu l’intervention de l’armée française pour stopper l’avancée des terroristes. Je pense que nous devons tenir compte de cette situation et en tirer les enseignements nécessaires et à l’avenir, compter que sur nos propres moyens. Le terrorisme est un phénomène qui peut frapper n’importe quel pays de la région, un phénomène qui ne connait pas de frontière, un phénomène qui permet à des gens d’horizons divers de s’organiser entre eux et de s’entendre, même parfois plus que les Etats. Il y a plus de lien malheureusement parfois et plus de coopération entre les terroristes eux-mêmes que les Etats. Et là c’est un problème. Avec mes collègues Chefs d’Etat, nous sommes très conscients de cette situation et nous prenons des mesures qui s’imposent. Ce qui s’est passé au Mali peut se passer ailleurs donc nous devons travailler main dans la main pour juguler ce phénomène pour qu’il ne s’étende ailleurs. Nous ne devons pas laisser des terroristes se substituer à l’Etat, ni s’implanter quelque part dans une partie de nos états.
Quel peut être l’impact de ces ouvrages hydroélectriques sur le vécu des populations ?
Macky Sall: D’abord un mot sur le terrorisme. Après avoir parlé au commandant du contingent du Sénégal à Kidal, il m’a rassuré que le morale ne saurait être touché par ce qui s’est passé et ils sont déterminés à assumer la mission qui est la leur pour restaurer la paix et l’intégralité de l’intégrité territoriale conformément à leur mission en territoire malien. Ce qui s’est passé ne pourra entamer la détermination du Sénégal, son armée et son gouvernement à faire face à toute sorte d’agression particulièrement à cette forme nouvelle d’agression au sahel.
Pour revenir à la question, ces barrages donnent plus d’espoir quant à l’avenir de l’organisation commune et les autres barrages qui devront suivre. La voie est indiquée pour l’avenir de l’OMVS et c’est une source d’énergie propre, tirée à partir de l’eau. Il n’y a absolument pas d’impact sur l’environnement. En dehors des ouvrages de l’OMVS, dans l’espace, nous avons d’autres sources d’énergie en Mauritanie, le gaz sur lequel le gouvernement mauritanien a accepté de travailler avec le Mali et le Sénégal pour un échange d’énergie, de vente d’électricité à partir de gaz. Tout cela montre que l’espace OMVS est un espace où tout nous lie, l’histoire, la géographie, l’économie et je pense que nous n’avons d’autres choix que de poursuivre cet héritage, de le consolider et de le renforcer. Avec l’énergie nous allons construire une union forte au sein de nos espaces communautaires.
Au regard de la crise énergétique que vivent nos pays, les actions comme l’inauguration du barrage de Felou et de Gouina sont à saluer, cependant, force est de constater que dans les deux autres volets de l’OMVS à savoir l’agriculture et la navigabilité trainent les pas. Qu’en est-il de ces deux volets, est ce qu’il y a un manque de solidarité sur ce plan ?
Ibrahim Boubacar Kéita: Ce volet nous tient parfaitement à cœur et je vous assure qu’il n’est pas du tout en reste. Le Haut commissaire est rentré d’une mission précisément pour ce sujet. La Sogénav qui a son siège en Mauritanie a cela, comme mission et vocation, faire en sorte que rapidement ce volet devienne réalité et que nous ayons enfin l’accès à la mer. Il n’y aucun abandon à ce niveau là et je crois que cela sera réalisé. En ce qui concerne l’irrigation également, on sera davantage servi après le projet des deux barrages à venir en territoire guinéen qui vont donner au Mali un espace aménageable beaucoup plus important. Il n’y a qu’une continuité dans tout cela.
Tous ces efforts contribuent à faire en sorte que nos pays soient à l’unisson et que chacun trouve ses marques là où il y a déficit ou difficulté interne, c’est ça la solidarité, c’est ça la mise en commun de ce qu’on peut avoir en partage et je voudrais dire que le rôle de fleuves dans le développement d’un pays est assez singulier, notre fleuve va créer la vie faire que la lutte contre la pauvreté soit effective et efficace, l’électricité va permettre aux petites et moyennes entreprises, des entreprises minières et d’autres de se mettre en place avec la création d’emploi renouvelé, l’agriculture sera développée pour la sécurité alimentaire dont nos pays ont besoin, la navigabilité sera là pour mettre les peuples en liaison, et commercer entre eux, tout cela fonde un vivre ensemble.
Par Augustin FODOU