D’humiliations, de stress, voire de traumatisme que les jeunes débutants sont obligés de traverser. Depuis quelques années, les promotions au corps de la magistrature connaissent cette lourdeur, voire morosité administrative. Mais, pour la promotion 2010-2012, c’est un cas jurisprudentiel, voire doctrinal qui se produit sous les yeux des anciens magistrats et des deux syndicats, notamment le Sam (Syndicat autonome de la magistrature) et le Sylima (Syndicat libre de la magistrature), sans que personne ne pose le moindre acte.
Peut-on parler de solidarité dans ce corps quand d’autres sont piétinés et que c’est le silence radio ? Cette promotion entrera bientôt dans sa quatrième année, sans que ses récipiendaires n’aient tous leurs droits et continuent de subir un retard remarquable qui portera sur leur avancement. Prévu pour deux ans, certains auditeurs de justice peuvent aller au-delà de la fourchette d’années indiquée pour leur formation. Cette formation de la magistrature, suivant les textes, comporte deux phases. Une phase théorique et une phase pratique, soit une année pour chacune des deux phases. La phase théorique consiste à prendre des cours théoriques et de déontologie dispensés par des professeurs émérites à l’enceinte de l’Institut national de formation judiciaire. Suivant les arrêtés n°10-902 ; n°10-903 du 2 avril 2010 portant nomination d’auditeurs de justice, les 53 auditeurs de justice de la promotion 2010-2012 ont été appelés par Dr. Oumar Bocar, Directeur de l’Institut national de formation judiciaire d’alors, à suivre les cours théoriques d’une année avant d’être répartis dans les juridictions pour leur formation pratique en faveur de la décision N°06/MJ-INFJ.
Au terme de cette formation pratique dans les différentes juridictions, les services pénitentiaires et les services centraux, ceux-ci ont été soumis à un examen de sortie qui a vu l’échec d’un des leurs. Au regard des textes, après l’examen de sortie, l’auditeur de justice est soumis à une enquête de moralité et si celle-ci s’avère concluante, le Conseil de la magistrature se réunit pour se pencher sur le résultat de l’enquête et envoie le dossier à la Présidence pour la signature du président de la République.
Depuis fin mars, date à laquelle l’enquête de moralité a été clôturée, les 52 auditeurs de justice en lice pour la magistrature, n’ont vu aucune trace de leur dossier, ni entendu un écho. Toutes les portes semblent être verrouillées devant eux. Pire, ils sont traités de tous les maux. Malick Coulibaly, ministre de la Justice pendant la transition, aurait souligné qu’il ne pourrait apporter le projet de décret d’une promotion composée de fil(le)s de magistrats sur la table du président de la République. Le dossier n’a connu aucune évolution sous son ère et était jeté dans les tiroirs.
Or, sur les 52 magistrats, on ne peut citer que cinq, voire six enfants de magistrats, selon notre source. Les fils de magistrats ne méritent pas de suivre les traces de leurs pères ou de leurs mères ? Ne sont-ils pas mieux outillés en documentation pour faire valoir leurs compétences que de passer par les relations de leurs parents ? Ils sont, en majeure partie, ceux qui ont fait de grandes études dans les grandes universités qui, à leur retour, n’aspiraient qu’à une seule chose : faire mieux que leurs parents. On n’est pas ministre pour se venger. Dans le milieu des hommes en robe noire, beaucoup disaient à l’époque qu’il était venu pour se venger, dans la mesure où il aurait un projet de mutation afin de mieux placer ses amis. Il n’aura pas le temps de le faire, car remplacé par Me Bathily.
Si les pauvres auditeurs de justice étaient ironisés et si toutes les portes étaient fermées devant eux, à l’arrivée de Bathily, ils ont eu une lueur d’espoir. Après leur premier entretien avec celui-ci, ils sont sortis confiants avec la promesse de voir leur dossier être le plus tôt possible diligenté. Mais, depuis, rien ne filtre. Ils sont encore à la recherche des traces de leur dossier. La formation initiale qui devrait prendre fin en 2012, semble toujours en cours, car bientôt cela fera deux ans qu’ils sont à la maison à prendre du thé. Visiblement, ils commencent à s’ennuyer. Le ministre de la justice Bathily est interpellé sur le dossier. Il disait précédemment dans un entretien accordé à un de nos confrères sur le même sujet que «tout sera fait pour diligenter le dossier, car le Nord a besoin de magistrats». Nous lui disons que ce n’est pas le Nord seulement, mais le Sud aussi.
Sinaly KEÏTA