Après l’interpellation de 4 des leurs, les magistrats brisent le silence : « Nous soutiendrons nos collègues en cause tant que leur culpabilité n’aura pas été établie «
» Nous avons été les premiers à dire que nul n’est au-dessus de la loi. Nous allons donner la preuve que nous sommes comme le citoyen ordinaire et que la loi s’applique à tout le monde » ont déclaré les magistrats à l’issue d’une assemblée conjointe tenue hier mercredi sous le slogan : » Tous unis pour une justice respectée « . Ils ont tenu à préciser : « Nous allons rester solidaires et nous soutiendrons nos collègues en cause tant que leur culpabilité n’aura pas été établie et tant qu’ils seront couverts par la présomption d’innocence « . Et les magistrats de prévenir : » Nous n’allons pas accepter que la démarche du gouvernement prospère. Une démarche qui consiste à privilégier la présomption de culpabilité sur la présomption d’innocence ».
Après l’arrestation de quatre des leurs, les magistrats du Mali, à travers leurs deux syndicats, à savoir le SAM et le SYLIMA, ont tenu hier une Assemblée générale informative. Elle avait comme principal ordre du jour les dispositions à prendre pour la gestion du dossier de leurs collègues qui ont été interpellés et placés sous mandat de dépôt par la Cour suprême pour » concussion, faux, usage de faux « . Dans un second temps, il s’agissait pour les magistrats de faire en sorte que le dossier puisse être géré par l’ensemble des unités syndicales de la magistrature malienne. Parmi les six détenus, il y a quatre magistrats dont le Procureur de Mopti, l’un de ses substituts, les juges d’instruction de Mopti et de Bamako, un greffier d’instruction et un clerc d’huissier.
Au cours de l’assemblée générale, les magistrats ont déploré la mauvaise exploitation de ce dossier. Pour eux, les détenus sont pour l’instant soupçonnés et ils attendent d’être fixés sur leur sort. Aussi devraient-ils bénéficier de la présomption d’innocence. Les magistrats ont déploré le fait que certaines personnes parlent de ces faits avec forte conviction alors que le dossier n’en est qu’au stade des enquêtes. Une situation que les magistrats ont trouvé dangereuse et ils mis l’opinion en garde contre toute interprétation hâtive.
Pas d’interférence dans les enquêtes
Par ailleurs, ils ont décidé de laisser leurs collègues magistrats, surtout ceux qui ont en charge ces dossiers, faire leur travail en toute indépendance et responsabilité sans aucune interférence.
Aucune manifestation n’a été prévue telles que les marches ou des grèves. Réagissant au sort de leurs collègues placés sous mandat de dépôt, le président du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), Issa Traoré, a affirmé : « Aucune action particulière n’a encore été entreprise. Nous sommes des magistrats, des légalistes. Nos camarades ont été interpellés et placés sous mandat parce qu’on a retenu un certain nombre de charges contre eux. En tant que légalistes, nous avons accepté et pris acte de cela et nous nous sommes réservé le droit, comme tout citoyen, de jouir à fond des droits de la défense, c’est-à-dire, dans un premier temps on a engagé des avocats pour eux et on est en train de voir aussi quel acte poser pour la demande de la liberté provisoire. Nous ne sommes pas contre la procédure« . Et d’ajouter : « Nous avons été les premiers à dire que nul n’est au-dessus de la loi. Nous allons donner la preuve que nous sommes comme le citoyen ordinaire et que la loi s’applique à tout le monde ».
La présomption d’innocence doit prévaloir
Pour sa part le vice-président du SAM, Cheick Chérif Koné a déclaré que le monde judiciaire de façon générale, sans considération partisane, restera mobilisé pour que le dossier soit géré de la façon la plus correcte et la plus transparente. Il a cependant affirmé : « Nous allons rester solidaires et nous soutiendrons nos camarades en cause tant que leur culpabilité n’aura pas été établie et tant qu’ils seront couverts par la présomption d’innocence. Nous n’allons pas accepter que la démarche du gouvernement prospère. Une démarche qui consiste à privilégier la présomption de culpabilité sur la présomption d’innocence ».
Le président du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), Toubaye Koné quant à lui a déploré les conditions de détention de leurs collègues au Camp I : « C’était honteux de voir des magistrats dans des conditions impitoyables. Ils partageaient la même cellule que les militaires arrêtés et les djihadistes. Sans l’intervention de Daniel Tessougué et Issa Traoré, ils allaient rester dans ces conditions ».
Les conditions de détention améliorées pour les magistrats
Il y a lieu de préciser qu’actuellement, ils ont été transférés au Camp II de la gendarmerie non loin de la nouvelle maternité sise au camp II.
Au terme de la rencontre, les propositions sont de divers ordres. Il s’agit dans un premier temps d’accorder la priorité à toutes les actions que les deux syndicats comptent entreprendre sur ce dossier dans la plus grande diligence et de faire en sorte que les droits de leurs collègues soient préservés.
Pour assurer leur défense, en plus des cinq avocats chargés du dossier, d’autres seront commis par les syndicats de la magistrature.
Les syndicats entreprendront également dans les jours à venir des actions sur le plan social pour soutenir les familles des magistrats placés sous mandat.
Pour rappel, la Cour suprême a placé sous mandat de dépôt, le 10 décembre, quatre magistrats et un greffier pour » concussion, faux et usage de faux « . Il s’agit du procureur de Mopti, Fousseyni Salah Cissé, son substitut, Ouleydoukah Mohamadou, du juge d’instruction, Adama Zé Diarra et du greffier Ibrahim Kanté, du clerc d’huissier Sékou Ballo, tous de la région de Mopti ainsi que le juge d’instruction du tribunal de première instance de la commune II, Abdoulaye Kamaté.
Bandiougou Diabaté et Abdoulaye DIARRA