L’impunité, la magouille foncière, les procès monnayés dans les bureaux, le délitement de l’appareil judiciaire sont les principaux maux auxquels le Président Ibrahim Boubacar KEITA a décidé de s’attaquer en prenant les rênes du pouvoir.
Après 100 jours d’exercice du pouvoir, la controverse au sujet de certaines questions cache très mal la nette détermination des autorités à faire de la Justice le seul contre-pouvoir sûr dans une démocratie représentative.
La refondation de l’État prônée par le Président IBK, indissociable de celle de la Justice, est bien en marche eu égard les mesures vigoureuses entreprises dans ce sens depuis le début de sa mandature. Pouvait-il en être autrement lors qu’on sait il n’y a pas d’État fort ; les citoyens sont livrés à la loi du plus fort et du plus offrant ; l’économie est plombée ; les ingrédients de la stagnation dans le sous-développement sont alors réunis ? Non, d’autant plus que si le Président IBK a été élu avec une écrasante majorité de 77% des suffrages au second tour de l’élection présidentielle, c’est certes pour régler l’épineuse question de Kidal ; mais également pour permettre à la veuve et à l’orphelin de bénéficier de la protection de la loi, que pauvre et le riche soient tous égaux devant la loi. Sur ce point, celui qui a incarné tous les espoirs de changement ne pouvait se méprendre, encore moins se dérober à sa mission historique.a
L’annonce des couleurs
Son premier acte majeur, une fois investi Président de la république, le 4 septembre 2013, au Centre international de conférence de Bamako (CICB) a été la nomination d’un Premier ministre en la personne de Oumar Tatam LY. La configuration du Gouvernement formé par celui-ci reflète parfaitement le souci de renouveau de la Justice du Président IBK. En effet, le numéro un du Gouvernement, après le Premier ministre est le ministre de la Justice, Garde des Sceaux. En plus de la position prépondérante du département dans l’architecture gouvernementale ; l’on notera, en plus, que c’est à Mohamed Ali BATHIL Y qu’il a été confié. Cet avocat est précédé partout de la bonne réputation d’être un homme d’une rigueur à toute épreuve et atteint u virus de l’allergie à l’injustice. Le Président IBK pouvait-il trouver meilleure recette pour combler les aspirations les plus profondes de ses compatriotes ? Refonder l’État à travers le levier de la Justice ? Jusqu’à preuve du contraire, l’on est fondé à croire qu’il a fait le meilleur choix à cet égard. Un choix d’autant indispensable que l’une des principales causes de tous les malheurs dans lesquels le pays se démène en ce moment se trouve justement dans l’absence de justice et d’équité.
Par conséquent, faire de la Justice son cheval de bataille, pour le chef de l’État, c’est se donner les gages de réussite dans la lutte contre les fléaux qui entravent le développement de notre pays.
Dans son discours de prestation de serment, le 4 septembre 2013, le Président IBK avait annoncé les couleurs de ce qui sera son combat pour la Justice : « Nul ne sera au-dessus de la loi. Elle s’appliquera de manière égale à tous. Je mettrai fin à l’impunité, aux passe-droits qui sont à l’origine du dévoiement des institutions judiciaires et étatiques. La restauration de l’autorité de l’État se conjuguera avec une lutte sans répit contre la corruption qui inhibe notre capacité à sortir du sous-développement économique et social ».
L’on retiendra surtout cette assurance donnée par le Président de la République, pour mettre à l’aide tous ceux qui les soupçonnent de bluffer avec des menaces en l’air : « La confiance, la grande, la très grande confiance placée en moi ne sera jamais galvaudée ».
Au regard de sa détermination à relever les défis que beaucoup croient insurmontables ; l’on est porté à croire que ce credo est loin d’être de la poudre aux yeux. En liant l’acte à la parole, il y’a de moins en moins d’espaces aux détracteurs autoproclamés d’un homme qui prend les rênes du pouvoir au moment où le pays a vécu la plus grave crise de son histoire de ces cinquante dernières années : effritement des institutions de la république, occupation des ¾ du territoire national, déchirure du tissu social, disparition des services sociaux de base…
Une touche particulière
Dans une logique de continuité de l’État, le Président IBK s’est abstenu de faire table rase de tout ce qui relève du passé au risque de se retrouver dans un scénario d’éternel recommencement. Le contexte particulier de sortie de crise ne permettant pas de créer des situations de retard ; il s’est appuyé sur certains existants positifs pour faire des bonds quantitatifs et qualitatifs. Dans cette veine, il s’est approprié la Commission Dialogue et Réconciliation, fortement conseillée par la communauté internationale, certes ; mais qui a l’avantage de s’inspirer de nos valeurs sociétales de toujours privilégier le dialogue. L’on a d’ailleurs coutume de dire chez nous que dès que l’on accepte de se mettre ensemble, de se parler franchement ; ce qui oppose est déjà à moitié résolu. C’est bien l’esprit de la Commission Dialogue et Réconciliation (CDR).
Pour autant cette Commission, malgré toutes les chances qu’elle peut représenter est limité par l’absence de la notion de Vérité qu’elle n’inclut pas.
Or, la réconciliation n’est pas gagnée d’avance dans le genre de situation que le pays a connue où des personnes ont été violées, amputées, flagellées ; où des personnes ont été contraintes à prendre les routes des camps de réfugiés ou d’être des déplacées intérieur ; où le patrimoine culturel a été fortement agressé…, répond à tout un processus. Il suppose que les auteurs d’exactions reconnaissent leurs forfaits, qu’ils en demandent pardon et qu’ils soient pardonnés pour qu’il y ait un apaisement des cœurs sans lequel aucune réconciliation n’est possible sur la durée. Et c’est à ce niveau qu’intervient la notion de Vérité introduite par le Président IBK dans la CDR et à laquelle il entend accorder une importance particulière.
C’est à la tribune des Nations-Unies qu’il a dévoilé sa stratégie en matière de réconciliation, dans le respect de la justice sans laquelle, sans laquelle il ne saurait y avoir de véritable pardon : « Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, une place de choix a été faite à notre Justice nationale. En effet, le ministre de la Justice, Garde des sceaux, est la deuxième personnalité de mon Gouvernement, en vue de l’édification d’un véritable État de droit au Mali. La Commission Dialogue et Réconciliation sera reconvertie en Commission Dialogue Vérité et Réconciliation, en vue de panser les plaies encore béantes de la société malienne ».
De retour au pays, le Président IBK a mis à profit la cérémonie officielle de lancement des Assises nationales sur le Nord, le 1er novembre dernier au Centre international de conférence de Bamako pour partager avec ses compatriotes le nouveau contenu qu’il entend désormais donner à la CDR qui devient la CDVR.
Ainsi a-t-il annoncé : « Nous allons restructurer la Commission Dialogue et Réconciliation. La nouvelle Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation organisera, dans les meilleurs délais, des forums intercommunautaires tout en menant des investigations approfondies sur les violations des droits de l’homme et les conséquences de l’occupation des trois régions du Nord. Elle se rendra dans les camps de réfugiés et auprès des populations déplacées pour appréhender toutes les questions relatives à leur réinsertion dans leur milieu d’origine. Elle fera des recommandations au Gouvernement pour que prévale désormais la Justice dans notre pays, et soit mis fin à la culture de l’impunité ».
Cette nouvelle dimension de l’instrument de la justice est une réponse pertinente aux préoccupations d’une grande partie de la population de notre pays. Certes les victimes veulent bien pardonner, au nom de la réconciliation ; mais faudrait-il au préalable des auteurs des violences demandent pardon et qu’ils s’engagent à ne plus jamais poser d’actes répréhensibles. C’est la position du Collectif des ressortissants du Nord (COREN) qui a appelé de tous ses vœux l’ajout de la notion de Vérité à la CDR. Pour ce collectif, la Vérité est la condition sine qua non pour parer à toute velléité de vengeance des victimes d’aujourd’hui. Il faut que la lumière soit faite sur ce qui s’est réellement passé ; qui a fauté et à quel niveau ; comment réparer la faute ? Autant de questions auxquelles il est impératif d’apporter des réponses précises pour éviter les écueils du passé. Et pour cause, jusque-là l’on s’est contenté d’aller signer des accords ailleurs avec les auteurs des exactions qui s’en tirent avec des privilèges inouïs ; alors que jamais les victimes n’ont l’occasion même d’exprimer leurs souffrances à fortiori obtenir réparation des malheurs infligés. Il s’agit aussi d’une des recommandations des Assises nationales sur le Nord, à savoir balayer d’abord proprement la maison avant d’inviter ses habitants à y prendre place.
L’exemple du sommet
Partir du sommet pour prévenir la base, telle est l’option faite par le Président IBK. Lors de son discours de lancement de campagne, le 7 juillet dernier, dans Stade du 26 Mars archicomble, il soutenait : « Si les Maliens m’accordent leur confiance, l’une des premières tâches auxquelles je me consacrerais sera de reconstruire un État digne de ce nom. Un État fort au service de l’efficacité, et dont l’un des socles devra être la justice et la bonne gouvernance. Il nous faut un État fort. Ainsi face à la loi du plus fort, nous opposerons la force de la loi. Vous me connaissez, je peux vous dire qu’elle s’imposera ! Je l’ai dit, je le ferai ! »
Dans le même discours, IBK a été très explicite quant à ce que serait la justice s’il était élu Président de la république : « La justice sera implacable. Le glaive de la justice ne tremblera pas, car je bâtirai une République exemplaire et intègre. L’exemple viendra d’en haut. Je le dis, je le ferai ! Inch’Allah ».
« Je l’ai dit, je le ferai ! ». Ce ne sont plus les exemples qui manquent pour corroborer un tel engagement présidentiel. Cela dans tous les domaines de la vie publique. En ce qui est de la justice, comme de bien d’autres aspects d’ailleurs, IBK avait prévenu que l’exemple viendrait d’en haut. Dans le contexte de son discours de lancement de campagne, tout portait à croire qu’il s’agissait de l’exemple de la lutte contre la corruption. À la pratique, il est rapidement apparu que la phrase « l’exemple viendra d’en haut » était ambivalente. Elle signifie également qu’il n’hésitera pas à frapper au sommet pour que la base se convainque qu’elle est loin d’être à l’abri de poursuites judiciaires.
À cet effet ce sont les ex-putschistes qui sont en train de passer à la trappe. Très peu d’adversaires politiques pouvaient imaginer une telle situation après avoir orchestré une campagne de désinformation basée sur de prétendues accointances entre le Président élu à l’écrasante majorité de 77% de la population malienne et une partie des militaires. Parce qu’il ne faut perdre de vue que chacun a un parent militaire qui le soutien. Par conséquent toute l’armée malienne n’a pas pu voter pour le candidat Ibrahim Boubacar KEITA. Encore que l’armée malienne représente quoi à côté du volume total de la population malienne. Et qu’à ce qu’on sache, je jour du vote, personne n’avait une Kalach braquée sur la nuque pour orienter le vote. Heureusement que les observateurs autant nationaux qu’internationaux ont attesté du caractère transparent, libre et crédible du scrutin présidentiel.
L’on comprend aisément que le Président IBK ne soit nullement incommodé que le capitaine devenu général, Amadou Haya SANOGO, et ses présumés complices répondent de leurs actes devant la justice. Qui l’eut cru après toutes les supputations malveillantes qui allaient bon train au sujet du Président démocratiquement ? Seule la majorité silencieuse qui connaît les raisons de son vote pouvait le croire. Au contraire d’une minorité bruyante qui a condamné le Président IBK avant de l’avoir entendu.
À présent tous doivent se convaincre que le rouleau compresseur de la Justice est en branle. La boîte de Pandore est ouverte avec l’arrestation et l’inculpation de Amadou Haya SANOGO. D’autres arrestations sont en cours et d’autres arrestations interviendront. Peut-être en dehors du cercle des seuls militaires. « Le glaive de la justice ne tremblera pas ».
L’ascenseur républicain
En outre, pour le Président IBK la justice, c’est aussi le respect de la discipline militaire ; la reconnaissance du mérite. Dans son adresse à la Nation, suite aux incidents de Kati et de Kidal, le 30 septembre et le 1er octobre dernier, il n’est pas allé avec le dos de la cuiller : « Pour l’armée républicaine promise et attendue comme pour les autres segments de la nation, il n’est guère de salut en dehors de l’ascenseur républicain. C’est-à-dire le mérite, la prévisibilité, l’équité et la justice. Mais je ne saurais tolérer l’indiscipline et l’anarchie. Je veux renouveler ici tous mes engagements pour l’avènement de la nouvelle République et la nouvelle armée. J’ai d’ailleurs instruits au gouvernement de procéder sans délai à la liquidation des comptes et l’établissement du procès-verbal de dissolution du Comité militaire pour la réforme des Forces de Sécurité et de Défense. Que la hiérarchie prévale ! Que les chefs militaires s’assument ! Que la chaîne de commandement se fasse obéir ou qu’elle s’avoue impuissante et incompétente, alors ce qui doit être fait le sera, et ce sans délai ».
Comme annoncé le Comité militaire pour la réforme des forces de sécurité et de défense a été dissout. En effet, le conseil des ministres du vendredi 8 novembre, au chapitre des mesures règlementaires, a annoncé : « Sur le rapport du ministre de la Défense et des Anciens Combattant, le Conseil des ministres a adopté un projet d’ordonnance portant abrogation de la Loi N° 2012-027 du 12 juillet 2012 portant création du Comité Militaire de Suivi de la Réforme des Forces de Défense et de Sécurité. Le Mali a vécu en avril 2012 une crise institutionnelle sans précédent, doublée d’une rébellion armée dans son septentrion. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles qui ont affecté le fonctionnement régulier des institutions de la République, la CEDEAO a appuyé les acteurs de la vie politique malienne dans l’organisation de la sortie de crise. L’accord-Cadre de Mise en Œuvre de l’Engagement solennel du 1er avril, signé dans ce cadre, a prévu, au titre des mesures d’accompagnement de la période transitoire, la création d’un Comité Militaire de Suivi de la Réforme des Forces de Défense et de Sécurité. La loi du 12 juillet 2012 prise en application de cette disposition, a créé le Comité Militaire de Suivi de la Réforme des Forces de Défense et de Sécurité et précisé que la mission dudit comité prend fin avec la transition politique. Après l’élection du Président de la République et son installation dans ses fonctions, il est apparu nécessaire de mettre fin à la mission du Comité Militaire de Suivi de la Réforme des Forces de Défense et de Sécurité. L’adoption du présent projet d’ordonnance qui abroge la Loi du 12 juillet 2012 s’inscrit dans ce cadre ».
Coup d’arrêt à la magouille foncière
Si la lutte contre la magouille foncière, n’occupe pas le devant de l’actualité comme c’est le cas de la paix et de la réconciliation nationale ; il n’en demeure pas moins qu’elle s’inscrit en bonne place de l’agenda présidentiel. Cet intérêt est apparu dès la formation du Gouvernement Oumar Tatam LY. En effet, l’architecture de ce Gouvernement intègre un ministère des Domaines de l’État et des affaires foncières confié à Tiéman Hubert COULIBALY. En isolant ce département de ceux du Logement et de l’Urbanisme et de la politique de la ville, l’objectif affiché est de lui permettre de concentrer toute son énergie sur la gestion du problème foncier.
Le Président IBK dans son adresse à la Nation du 22 Septembre dernier annonçait : « Il sera mis un coup d’arrêt à la magouille foncière et à la spoliation des pauvres ou des vrais titulaires. Tout sera fait pour doter le pays d’un système cadastral fiable, et ce, dans des délais raisonnables.
Cette contre la déprédation foncière revêt un certain nombreux d’enjeux. Protéger le pauvre et reconnaître son droit à disposer d’un lopin de terre. Il s’agit d’un droit auquel beaucoup de nos compatriotes devraient pouvoir aspirer.
Mais à une échelle supérieure, l’objectif devrait être de mettre un terme à une spéculation foncière qui, dans un proche avenir, aura de très graves conséquences. En effet, l’on assiste à une course contre la montre aux terres des pauvres paysans qui ne réalisent pas à quoi ils s’exposent en vendant ce qu’ils ont de plus cher. Ils n’auront d’autres alternatives que de quitter leurs villages pour venir grossier le lot des personnes sans qualification de la capitale avec la porte grande ouverte au banditisme.
Le corollaire de cette situation, c’est que c’est tout un pan de l’économie, à savoir l’économie de subsistance, qui s’effondrera avec la vente des terres cultivables devenues la visée d’opérateurs économiques (certains sont devenus illustres du fait de leur cynisme en matière foncière), d’officiers supérieurs des forces de défense et de sécurité…, mais également d’élus communaux et même de pays étrangers.
Le tableau est sombre en matière de foncier : des pauvres expulsées de leurs maisons parce que quelqu’un de fortuné veut les annexer à la sienne pour des besoins de plus grande commodité ; des titres fonciers antidatés pour spolier un pauvre de sa parcelle; l’accaparement de toutes les parcelles par les mêmes individus qui vantent leur réussite à l’aune du nombre de titres fonciers. La liste des dérives est longue ; le défi est autant énorme.
Le département en charge des Domaines de l’État et des affaires foncières gagnerait dans ses conditions à se détacher du rétroviseur pour se focaliser sur la tâche titanesque à abattre. C’est à ce prix qu’il sera mis un terme à la magouille foncière, à la spoliation du pauvre conformément à l’engagement du Président IBK.
Lutte contre la corruption
La magouille foncière comme bien d’autres pratiques malsaines trouvent un terreau fertile dans un système de corruption édicté en règle. Si notre pays est atteint d’une gangrène, c’est bien celle de la corruption aux multiples visages et facettes. Tout est possible au Mali pourvu que l’on mette le bakchich nécessaire. Adieu l’éthique, adieu la déontologie ; c’est la loi du plus offrant.
Au-delà de ce que l’on appelle «la petite corruption» qui n’en est pas moins pernicieuse, la corruption au sein de l’administration publique cause annuelle des milliards de FCFA de manque à gagner pour l’État. De quoi financer plusieurs projets de développement communautaire.
C’est cette tendance à faire main basse sur les biens publics que le Président de la République s’est engagé à combattre.
Dans son Adresse à la Nation du 22 Septembre dernier, il soutenait clairement : « Nous attacherons une importance sans prix à la surveillance du système d’intégrité publique. L’argent de l’État restera dans les caisses de l’État, ou sera investi à bon escient au service de l’intérêt général ».
Le Président IBK est pleinement conscient des nombreuses embûches sur la voie de la lutte contre la corruption. Pourtant, est-il convaincu qu’il s’agit d’une impérieuse nécessité au regard des enseignements que l’on peut tirer de la récente crise. Aussi, a-t-il indiqué dans son Adresse à la Nation du 22 Septembre : « Je sais que la guerre contre la corruption ne sera pas gagnée tout de suite. Mais si nous ne la gagnions pas, nous aurons manqué de prendre en compte une des leçons majeures des crises de régime, d’État et de société que nous venons de traverser ». De toute évidence, il n’est plus question de choisir entre combattre ou ne pas combattre la corruption ; la seule option étant de la combattre. La mise en garde présidentielle, à savoir « tolérance zéro » pour la corruption est largement suffisante pour édifier ceux qui nourriraient encore l’espoir de pouvoir passer entre les mailles de la justice.
Dans cette logique, il n’y avait aucune surprise à entendre le chef de l’État réaffirmer lors la remise du rapport du Vérificateur général : «Pour ma part, je vous le redis ici : nul ne sera au-dessus de la loi. Nul ne s’enrichira impunément sur le dos du Mali. Nul ne se soustraira à l’obligation de rendre compte. C’est la loi d’airain des pays de progrès. C’est ce pays que j’ai promis. C’est ce pays qu’il m’incombe de délivrer ».
Dans son Adresse à la Nation du 22 Septembre, il soutenait : « S’il faut sortir la main de fer du gant de velours pour le salut, le respect et l’intérêt du peuple malien, je le sortirai sans hésiter. Mais je sais que la corruption se gagne d’abord par des réformes systémiques ».
Il n’y a aucun mystère : ceux qui commettront l’imprudence de faire l’amalgame entre les caisses de l’État et leurs biens privés s’exposent à des sanctions.
Lors de la remise du rapport du Vérificateur général, IBK a indiqué : « Comprenez donc que je ne puisse accepter, que je ne puisse tolérer, à fortiori, être complaisant à l’égard de cette immonde corruption qui gangrène la gestion de l’État. C’est pourquoi, loin d’une rengaine, je le dis avec force conviction, je suis déterminé de toute mon âme à organiser implacablement la lutte contre la corruption sur la base d’un principe intangible : « tolérance zéro », sans aucune exception. Le Mali a trop longtemps saigné, il est temps d’arrêter l’hémorragie ».
Parallèlement à cette exigence, le Président IBK fait également la promotion du changement de mentalité, de certaines valeurs inaliénables du service public de l’État. D’où son invitation du Vérificateur général : « La loi qui vous crée, Monsieur le Vérificateur général, vous fonde à être, au-delà des audits de régularité, de sincérité ou de performance, à être une sorte d’agence de promotion du bon exemple. Dénoncer la mauvaise gestion est cestes de vos missions ; mais faites aussi en sorte que la bonne pratique, les institutions ou structures acquises à la transparence soient mises en relief, connues de nos compatriotes, saluées et célébrées ».
Le renouveau de la justice
L’appareil judiciaire de notre pays qui ne trainait pas la plus belle des réputations a plus que jamais besoin d’être boosté pour répondre aux attentes légitimes des citoyens. Un chantier immense qui passe par la conjonction de plusieurs facteurs : l’adhésion des membres de la famille judiciaire au projet de renouveau ; une meilleure compréhension des mécanismes de la justice par les justiciables ; la mise en place des structures de facilitation pour l’accès à la justice ; la mise en place des meilleures conditions de travail pour les agents de l’État.
Plus particulièrement, dans le contexte de sortie de crise qui est le nôtre, les défis de la justice sont : une justice au service de la paix et la cohésion sociale ; une justice de qualité gage et source de sécurité nécessaire aux investissements créateurs de ressources et d’emplois ; une administration de la justice facile d’accès qui garantisse un jugement équitable selon le droit, l’exécution dans les délais des décisions de justice ainsi que la réparation des préjudices.
Pour le Président de la République, le combat à mener ne souffre l’ombre d’aucune ambiguïté. « Il en sera fini des procès monnayés dans les bureaux de juges oublieux de l’éthique. Nous stopperons le délitement de l’appareil judiciaire, seul contre-pouvoir sûr dans les démocraties représentatives », avait-il mis en garde.
Pour rendre effective cette mesure, un plan de réforme de la justice est en cours de préparation affirment des sources judiciaires.
Ce plan pour une mue de la justice intégrera en grande partie le Contrat de transparence entre les membres de la famille judiciaire, la société civile et le secteur privé visant à faciliter l’accès à la justice ; promouvoir le droit à la justice ; respecter les engagements pour une justice performante et crédible. Les éléments du Contrat de transparence sont relatifs à l’accès à la justice ; le droit à la justice ; le respect des engagements pour une justice performante et crédible. Pour la mise en œuvre de ce point, l’accent devra être mis sur le développement de l’information sur le fonctionnement de la justice avec des méthodes novatrices comme les sites Internet, les revues, les langues nationales, les sessions d’information et de formation… ; appuyer l’opérationnalisation et la professionnalisation des structures d’accueil, d’orientation et d’assistance juridique et judiciaire ; veiller à la transparence des frais de justice par l’affichage des tarifs dans les juridictions et par l’information du citoyen par les moyens adéquats.
En ce qui est du droit à la justice, il pourrait devenir une réalité en sacrifiant aux exigences suivantes : s’assurer de l’évaluation régulière des instances judiciaires ; faire valoir les recours citoyens contre les dérives ; s’assurer du bon fonctionnement des structures de contrôle ; promouvoir la tenue des audiences foraines ; promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges ; promouvoir la diffusion des décisions de justice.
Pour la mise en place d’une justice crédible et performante, le Contrat de transparence préconise : promouvoir les valeurs de la justice (éthique, déontologie, engagements) ; doter la justice des moyens adéquats pour respecter ses engagements ; promouvoir la culture du mérite et de l’excellence ; s’assurer de la mise en œuvre des mesures disciplinaires.
L’ensemble des dispositions ainsi prévues pour l’effectivité du Contrat de transparence se fonde sur la Charte des Valeurs de la Justice ; les Codes d’éthique et de déontologie des corps judiciaires ; le Pacte pour le renouveau de la justice.
En réalité ce qui manque le plus à notre justice, c’est moins l’absence de textes que la volonté réelle de les mettre en application. Le ministre de la Justice, Mohamed Ali BATHILY, réputé pour sa rigueur et son refus total de toute compromission se sera certainement le dernier à se laisser épingler pour non application des dispositions prévues à même de donner à la justice un nouveau visage tant espéré. Cela pour s’inscrire dans la logique de la réalisation d’une promesse chère au chef de l’État qui ne veut pas de laissés-pour-compte pour cette matière qui est le dernier recours de tout citoyen, qu’il soit riche ou pauvre.
Une mesure incomprise
La levée des mandats d’arrêt émis contre certaines personnalités du Nord a été à l’origine d’une vive polémique, dans le pays chacun y allant de son commentaire. Même une partie des membres de la famille judiciaire n’a pas réussi à se mettre au-dessus de la mêlée. Pour beaucoup de nos compatriotes, le pouvoir IBK venait de libérer des « criminels rebelles » qui ont égorgé nos soldats à Aguelhoc ; alors qu’il n’en était rien. Ce qui a expliqué la sortie des différentes autorités pour expliquer les raisons de cette levée de mandat. Le Président IBK, à la sortie de la mosquée, le jour de la fête de Tabaski ; le Premier ministre, Oumar Tatam LY, dans l’émission « l’Interview de la semaine » de l’Ortm ; le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mohamed Ali BATHILY, ont chacun apporté leur lot d’éclairage pour amener les populations à comprendre une mesure qui paraît à priori révoltante ; mais qui ne vise en réalité qu’un plus grand bien.
Au niveau du département de la justice, l’on tient à faire un certain nombre de mises au point.
Primo, les personnes concernées par la levée des mandats d’arrêt n’ont jamais été arrêtées dans notre pays. Elles n’ont pas non plus été arrêtées dans leur pays de résidence. Ce qui revient à dire qu’il y avait une confusion terrible lorsqu’on parlait de libération des rebelles. Ils n’ont jamais été détenus dans le cadre du mandat d’arrêt lancé contre eux.
Secundo, précise-t-on, la levée des mandats d’arrêt est une mesure politique visant à faciliter la poursuite des négociations. En effet, au nombre des personnes qui ont bénéficié de cette mesure, il y des responsables politiques influents, dont six députés qui ont rejoint les groupes armés. Grâce à leur implication, assure-t-on, la situation a évolué positivement sur le terrain et d’un point de vue politique. Le pays est entré dans un cycle de négociation sous l’égide de la communauté internationale. Aussi, indique-t-on : «si ce sont eux qui représentent les éléments politiques susceptibles de faire les démarches pour construire le retour à la paix, il faudrait créer les conditions dans lesquelles ils peuvent assumer ce rôle de négociateurs et ça, ça permet à la communauté internationale de veiller à ce que les négociations soient conduites dans les conditions qu’il faut».
Tertio, tient-on à rappeler, un mandat d’arrêt n’est qu’un instrument d’interpellation. Il n’est pas un mandat de dépôt ; encore moins un acte de condamnation pour une faute déjà jugée. Dès lors, la levée des mandats d’arrêt ne signifie aucunement exonérer les personnes des charges qui peuvent peser sur elles. L’instruction continue, les enquêtes continuent. Il n’y a pas d’impunité, assure-t-on au ministère de la Justice. Il n’est pas non plus question d’amnistie qui répond à d’autres conditions définies par la loi.
Quarto, fait-on remarquer, la levée des mandats d’arrêt, au contraire, crée les conditions favorables pour des enquêtes plus sûres ; une justice saine et équitable. En effet l’application de la justice est tributaire de la présence de ses représentants sur le terrain, de l’accessibilité aux preuves à charge ou à décharge des crimes commis. Tout cela repose sur le retour de la paix dont l’avènement dépend également des responsables politiques dont le mandat d’arrêt a été levé. Autant dire qu’il est quasi impossible d’atteindre les objectifs de justice sans la mesure politique qui a suscité un tollé ; mais qui ne supprime en rien l’action judiciaire.
En définitive, il est évident que la soif de justice est encore loin d’être altérée ; tout comme les conditions d’une justice saine, équitable ne sont pas totalement réunies. Néanmoins, les actes posés au cours de ces 100 jours de présidence de Ibrahim Boubacar KEITA augurent de lendemains meilleurs. Etant entendu qu’on ne fait jamais d’omelette sans casser des œufs. La justice ayant un coût ; le prix à payer sera d’accepter qu’elle s’applique indistinctement à tous les citoyens, parce que nul n’est et ne sera désormais au-dessus de la loi en République du Mali.