Inauguration de la centrale de Felou et pose de la première pierre de celle de Gouina : Espoir pour la sécurité énergétique des pays de l’OMVS et fortes attentes des populations locales
Publié le lundi 23 decembre 2013 | Le 22 Septembre
Mardi 17 décembre est une date à marquer d’une pierre blanche dans les annales de l’Organisation pour la Mise en Valeur du bassin du fleuve Sénégal (OMVS). Ce jour-là, les chefs d’Etat de cette organisation, devenue un modèle d’intégration sous-régionale, ont posé un double acte porteur d’espoir pour l’indépendance énergétique des pays de l’OMVS et des populations des communes de Awa Dembaya et de Diamou.
Le premier acte a vu le président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Kéïta, et ses illustres hôtes, les présidents de la Mauritanie, Mohamed ould Abdel Aziz, président de la Conférence des chefs d’Etat de l’OMVS, du Sénégal, Macky Sall et du Premier ministre de la Guinée, Saïd Fofana, représentant le président Alpha Condé empêché, couper le ruban symbolique de la centrale hydroélectrique de Félou. C’est la bourgade de Médine située à une dizaine de kilomètres de Kayes qui abrite cette centrale. Médine est, pour la petite histoire, la première capitale du Soudan Français. Elle a également abrité un fort érigé par Archinard pour se protéger des incursions d’El Hadj Omar. C’est dans une allégresse générale que les populations sont sorties pour réserver à leurs augustes hôtes un accueil des grands jours. Les habitants de la kyrielle de villages des communes de Awa Dembaya-Fatola, Lomba, Lontou, Bankassi, Kaffa, Mamoudouya…-et de Logo-Moussa Waliya, Lakafin Marentoro, Safoussèrè, Kakourou, Modingané, Kérouané…-rivalisaient d’imagination pour extérioriser leur joie à l’idée que leur terroir puisse abriter un ouvrage de la taille de la centrale de Félou censé changer, à terme, le visage de leurs communes. Au moyen de chants, de pas danse et de notes musicales sorties tout droit des tréfonds du folklore Kassonké.
L’ouvrage, dont le ruban symbolique a été coupé par les chefs d’Etat de l’OMVS, le président guinéen s’étant fait représenter par son Premier ministre, est une centrale au fil de l’eau. Le principal avantage que ce système offre, c’est que sa réalisation ne nécessite pas le déplacement des populations des localités d’accueil dans la mesure où il n’y a pas de barrage de retenue à construire. Par conséquent, elle n’entraine pas un bouleversement socio-environnemental. C’est un aménagement hydroélectrique des rapides de Félou situé sur le fleuve Sénégal à 200 km environ en aval du barrage de Manantali et à 15 km en amont du fleuve Sénégal. Elle est dotée d’une puissance installée d’environ 60 MW, soit le centuple de l’usine hydroélectrique qui avait été installée sur le site en 1927 et réhabilitée en 1952.
L’aménagement de Félou a consisté à construire une nouvelle usine hydroélectrique afin d’exploiter d’une manière optimale la capacité de production d’énergie hydraulique du site, en mettant à profit la hauteur de chute et le fort débit du fleuve Sénégal. S’y ajoutent la réhabilitation du seuil existant, la réalisation des ouvrages d’amenée et de restitution et la construction d’un poste et d’une ligne HT d’évacuation d’énergie pour relier le poste existant de Kayes et un accès au site de Félou.
Selon la clé de répartition préétablie, 52% de l’énergie produite reviendra au Mali, le Sénégal et la Mauritanie se partageant le restant. La Guinée rentrera dans la danse avec la réalisation de Gouina. L’ouvrage a été construit en quatre ans par la société chinoise Sinohydro-le contrôle ayant été assuré par le Groupement AECOM (Canada)/Artelia (France)-pour un coût d’environ 126 millions d’euros. Ils ont été financés par la Banque Mondiale (160 millions de dollars) la Banque Européenne d’Investissement (BEI : 33 millions de dollars) et la SOGEM (17 milliards de FCFA).
Au-delà de son impact sur l’économie des pays de l’OMVS, la réalisation de la centrale de Félou a suscité de fortes attentes chez les populations riveraines de l’ouvrage. C’est ce qui ressort, en tout cas, de l’intervention d’Ibrahim Sarr, maire de Awa Dembaya, une commune de 1200 habitants. Par un passé lointain, la population de cette même entité était de l’ordre de…12 000 habitants. Le maire Sarr parie sur une renaissance de son terroir à la faveur de l’implantation de la centrale de Félou. Il table, en particulier, sur le reversement à la commune d’une partie des taxes provenant de l’exploitation de l’ouvrage, conformément à la loi. Ce qui rapportait à la commune avec la petite usine d’une puissance installée de 60O KW la bagatelle de 3,5 millions de FCFA. Avec la réalisation de la centrale de 60 MW, le maire Sarr espère que cette somme sera logiquement multipliée par 100. Ce qui permettra à la commune de réaliser son plan de réduction de l’impact négatif de l’ouvrage sur l’environnement et son plan de développement avec à la clé la construction de nouvelles écoles, de nouveaux centres de santé, des infrastructures touristiques.
La délégation des chefs d’Etat a eu droit à un accueil tout aussi chaleureux à Gouina, un site pittoresque situé dans la commune de Diamou, la capitale du Natiaga, forte de ses 16 794 habitants. Ici, les chefs d’Etat de l’OMVS ont procédé au lancement officiel des travaux de construction de la centrale hydroélectrique de Gouina. L’ouvrage qui sortira de terre dans trois ans sera, lui aussi, une centrale au fil de l’eau dotée d’une puissance de 140 MW qui sera exploitée au profit de l’ensemble des quatre pays de l’OMVS. Situé à 64 km en amont de l’aménagement hydroélectrique de Félou, l’ouvrage a été initié par l’OMVS avec la Société de Gestion de l’Energie de Manantali comme maître d’ouvrage délégué. Le projet est financé à 85% par l’Eximbank de Chine à un crédit à un taux privilégié à 15% par la SOGEM. Coût total du projet : 230 millions d’euros.
Ces ouvrages, dont l’un est déjà opérationnel -la centrale de Félou -ouvrent des perspectives plutôt heureuses dans le sens d’une sécurité énergétique pour les pays de l’OMVS. D’autant que, comme l’a laissé entendre Kabiné Komara, Haut Commissaire de l’OMVS, d’autres ouvrages sont en vue, que la Guinée, surnommée le château d’eau de l’Afrique de l’ouest, dispose d’une puissance installée de 1 000 MW dont seulement le ¼ est exploité. Et que la Mauritanie a découvert du gaz qui lui permet de produire de l’électricité bon marché qu’elle est prête à partager avec l’OMVS.
Le volet navigation, si important pour le Mali, un pays de l’hinterland, est-il négligé ? Que non ! a répondu IBK. Le Haut Commissaire de l’OMVS vient de rentrer d’Abu Dhabi dans le cadre de la recherche du financement pour la réalisation de la navigabilité sur le fleuve Sénégal entre Saint-Louis et Ambidédi, a-t-il précisé. L’OMVS, ne devrait-elle pas tirer leçon de la crise malienne pour porter la corde de la sécurité à son arc, en plus de celle dédiée au développement économique ? Oui, a répondu Mohamed ould Abdel Aziz, président de la République Islamique de Mauritanie et président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de l’OMVS. Il n’a, toutefois, pas manqué de plaider pour une mutualisation des efforts dans la lutte anti-terroriste.
Enfin, un vibrant hommage a été rendu aux deux soldats sénégalais de la MINUSMA tués lors d’un récent attentat terroriste à Kidal. Le président Macky Sall a assuré que cet attentat n’entamera en rien la détermination du contingent sénégalais à lutter contre les narco-jihadistes du nord du Mali car, a-t-il souligné, cela participe aussi d’une lutte préventive pour la sécurité du Sénégal.
Yaya Sidibé