BAMAKO - Un an après l'intervention militaire de la
France contre les jihadistes, le Mali a contre toute attente retrouvé la
stabilité politique mais reste confronté à l'insécurité dans le Nord et à
d'immenses défis économiques.
"Sur le plan institutionnel, tout va bien. Les élections ont eu lieu", en
juillet-août pour la présidentielle et en novembre-décembre pour les
législatives, cependant "sur le plan sécuritaire, les choses sont plus
mitigées" dans ce pays de 15 millions d'habitants, affirme à l'AFP Souleymane
Drabo, analyste politique et éditorialiste au quotidien national L'Essor.
"Si globalement la sécurité est en grande partie rétablie dans les régions
de Tombouctou (nord-ouest) et Gao (nord-est), il y a encore des activités
terroristes sporadiques qui y ont lieu", tandis que Kidal (extrême nord-est)
est devenue "une zone de non-droit", à la merci de "bandes armées
incontrôlées" mêlant indépendantistes touareg, islamistes et autres criminels,
estime M. Drabo.
Dans ses voeux pour 2014, le président malien élu au second tour Ibrahim
Boubacar Keïta a rappelé qu'il y a un an, "les trois quarts du pays étaient
aux mains de forces barbares, jihadistes et de groupuscules irrédentistes" qui
"n'ont pas reculé devant le viol, les amputations, flagellations, lapidations,
le vandalisme, les exécutions".
C'est pour mettre un terme à cette occupation du nord du Mali par des
groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui menaçaient d'avancer vers le Sud
et Bamako, la capitale, que le président français François Hollande décidait,
le 11 janvier 2013, d'intervenir militairement au Mali.
Dans la foulée de l'avancée foudroyante des forces françaises qui,
associant une armée malienne en déroute, ont repris en moins d'un mois les
trois grandes villes du Nord occupées par les jihadistes - Gao, Tombouctou et
Kidal - le président français insistait dès le mois d'avril sur la nécessité
de tenir des élections en juillet.
Un pari insensé pour beaucoup - des politiques maliens et observateurs
indépendants avaient exprimé des doutes sur des scrutins qui seraient
"imparfaits", organisés dans la précipitation, l'insécurité, sous pression de
Paris - mais un pari finalement réussi.
Rétablir la paix et l'autorité de l'Etat
Ces élections, tenues dans le calme et jugées libres et transparentes par
les observateurs internationaux, ont permis au Mali de rétablir la légalité
constitutionnelle interrompue le 22 mars 2012 par un coup d'Etat militaire qui
a renversé le président Amadou Toumani Touré et précipité la chute du nord du
pays aux mains des jihadistes.
Durant la crise, quelque 500.000 personnes ont fui le Nord pour se réfugier
ailleurs dans le pays ou dans des Etats voisins.
Le Mali va devoir désormais s'atteler à rétablir la sécurité dans le Nord
où, en dépit de l'intervention de la France accompagnée par celle des Casques
bleus de l'ONU, les jihadistes restent actifs, commettant à intervalles
réguliers des attentats meurtriers.
L'Etat malien va devoir également réussir le pari de la paix avec la
rébellion touareg un temps alliée aux groupes jihadistes dans le Nord et
rétablir son autorité dans la région de Kidal.
Le président Keïta et son gouvernement doivent aussi remettre sur les rails
l'économie d'un pays déjà pauvre (182e sur 187 en 2012 sur l'indice de
développement humain établi par les organisations internationales),
essentiellement agricole, ravagée par près de deux années de crise.
"Il y a eu beaucoup d'aide promise au Mali" sous conditions de "progrès sur
le plan institutionnel. En 2014, ces aides vont commencer à tomber mais
l'économie locale tarde à redémarrer (...). Il faut des investissements dans
les secteurs productifs pour réamorcer la pompe économique aussi bien dans le
Nord que dans le Sud", estime encore l'analyste Souleymane Drabo.
La communauté internationale s'est engagée en mai 2013 à apporter une aide
de 3,25 milliards d'euros au Mali et le président Hollande avait alors estimé
qu'il revenait désormais "aux Maliens de respecter les engagements pour la
réconciliation, pour la sécurité, pour l'Etat de droit et pour la bonne
gouvernance".
Autant de conditions qui sont encore loin d'être remplies: la
réconciliation n'en est qu'à ses balbutiements tant le conflit a attisé les
haines entre populations de communautés diverses, la sécurité est
essentiellement assurée par la France (Serval) et les forces de l'ONU
(Minusma), la bonne gouvernance reste encore à faire entrer dans les moeurs
dans ce pays où la corruption, ancienne, est pratiquée à tous les niveaux.
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