Bamako veut juger l’ancien président pour haute trahison. Mais si des poursuites étaient engagées, la classe politique et l’armée pourraient ne pas en sortir indemnes.
En guise d’étrennes, l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) a pris connaissance du communiqué du gouvernement malien annonçant que l’Assemblée nationale, siège de la Haute Cour de justice, avait été saisie "des faits susceptibles d’être retenus" contre lui "pour haute trahison". Il lui est reproché d’avoir "facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le territoire national, notamment en ne leur opposant aucune résistance". En bref, d’avoir sciemment saboté la riposte de l’armée malienne face à l’offensive des indépendantistes touaregs et des jihadistes au début de 2012, non sans avoir préalablement sapé les bases de la défense nationale.
À supposer que deux tiers des députés maliens donnent leur feu vert à l’ouverture de poursuites contre l’ancien président, exilé à Dakar, puis que le Sénégal l’extrade, reste à savoir ce qu’apporterait un grand déballage expiatoire alors que la situation sécuritaire dans le Nord est encore loin d’être stabilisée et que nombre de défis restent à relever. C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir le Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES), qui réunit les partisans d’ATT. La formation a souligné que "ce qui est urgent est la libération totale de la région de Kidal, afin que la souveraineté du Mali puisse s’y exercer pleinement".
Une procédure ouvrirait-elle la boîte de Pandore ?
Dans un pays en quête de réconciliation et où une refonte en profondeur de l’appareil sécuritaire s’impose, faudra-t-il recenser, lors d’un éventuel procès, les "officiers et soldats incompétents et au patriotisme douteux" qu’ATT est accusé d’avoir nommés par "complaisance", aboutissant à une "démoralisation de l’armée" ? Une procédure judiciaire ne risquerait-elle pas aussi d’ouvrir la boîte de Pandore au sein d’une classe politique endogame qui a accompagné le règne d’ATT dans un relatif unanimisme ?
En engageant ainsi, au-delà de la responsabilité politique de l’ancien président, sa responsabilité pénale, les autorités maliennes affirment implicitement que la déroute militaire n’a pu avoir lieu sans complicité au plus haut niveau de l’État. Il resterait à le prouver devant la Haute Cour de justice si une procédure était engagée.