Le Chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, ne cesse de clamer (trop clamer) sa volonté d’engager une « lutte implacable » contre la corruption et la délinquance financière. Mais avec les discours tapageurs, IBK risque gros. Car la lutte contre la corruption ne se gagne pas aux sons des tambours et des trompettes et surtout sur le plateau d’une télévision.
Ibrahim Boubacar Keïta a décrété 2014, année de lutte contre la corruption. Au-delà de cette décision, IBK ne cesse de crier sur tous les toits le combat qu’il compte mener… Le discours est pompeux et il est en passe de tétaniser les Maliens. Et certains observateurs commencent à croire à une mise en scène, à la limite du folklore. La lutte contre la corruption n’est pas un combat qui se gagne à coup de discours et de tapage médiatique ou par des menaces et autres intimidations. Il (le combat) nécessite une grande sérénité de la part du pouvoir et surtout une certaine discrétion. Tous ceux qui ont fait de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille (sur le continent) ont le plus souvent fait marche arrière. Car la lutte contre la délinquance financière exige des préalables, notamment une forte volonté politique et une forte implication de la justice.
En outre, il faut être sûr qu’on pourra appliquer la loi dans toute sa rigueur et à tous sans exception. Qu’on peut s’abstenir dans les conflits d’intérêts. La plupart des dirigeants changent de fusil d’épaule à ce stade car les personnes accusées, sont souvent des proches (parents, amis et affidés).
La lutte contre la corruption implique également le toilettage des textes de la République. Qui sont souvent confus quand il s’agit de la corruption et même de détournement de fonds publics. Ce travail doit être fait en amont avant toute décision d’arrestation ou d’inculpation. Ça ne sert à rien d’arrêter des personnes innocentes dans le seul but de régler des comptes politiques et/ou politiciens avec toutes les conséquences imprévisibles pour l’Etat.
Sous le régime du président Alpha Oumar Konaré, un ancien président directeur général de la Sotelma a été écroué pour corruption et détournement de fonds. Il a été jugé et s’en est sorti avec un non-lieu.
Sous la transition, un ancien ministre de la santé d’ATT a été également inculpé pour détournement de plusieurs millions de FCFA. Il a été jugé. Verdict : non-lieu.
Est-ce à cela qu’IBK veut amener les Maliens ? En tout cas, ses incessants discours sur la lutte contre la corruption ont du mal à convaincre. Ibrahim Boubacar Keïta était là sous Alpha en tant que Premier ministre et sous ATT comme président de l’Assemblée nationale. Il connait le système. Il est toujours entouré des mêmes affidés. Qu’elles soient de l’Adema, de l’Urd, du Rpm, d’autres partis politiques ou même de soutiens politiques, la lutte contre la corruption ne doit épargner personne. Seul un président qui peut contenir ses émotions et son orgueil, pourra peut-être lutter efficacement contre ce fléau qui gangrène toutes les couches socioprofessionnelles de la République. Par où et par qui commencer ? Le président dit avoir remis des dossiers à la justice sur la base du rapport du Bureau du Vérificateur général. Et qu’il suivra l’évolution avec toute la rigueur requise. Ce n’est pas nouveau. Depuis la création de cette institution indépendante, sous l’impulsion du président Amadou Toumani Touré, ses rapports ont été toujours transmis à la justice. Et des résultats ont été acquis sans tambour, ni trompette. Des milliards détournés ont été récupérés par les structures concernées.
Enfin, la lutte contre la corruption n’est pas synonyme d’emprisonnement systématique de citoyens. Elle nécessite tout un programme économique viable et des actions salutaires en direction des couches défavorisées. Au-delà des textes, il faut revoir entre autres les salaires, le niveau du SMIG (moins de 30000 FCFA), le code du travail, l’éducation et même la culture.
En somme, une vaste politique de l’amélioration du cadre de vie des populations et des salariés. Qu’a fait IBK dans ce sens depuis qu’il a accédé au pouvoir ? Et le dialogue social avec les différents syndicats du pays ? Il ne semble plus être une priorité.
Donc, IBK doit revoir sa stratégie de lutte. A ce rythme, le chef de l’Etat risque de créer lui-même les conditions d’un éventuel échec. Il doit arrêter d’agir avec le cœur et de voir les réalités en face…
Et le président, qu’il est, cesse de libérer les terroristes et/ou d’annuler les mandats d’arrêt lancés contre eux, alors que d’autres Maliens sont emprisonnés. Et c’est en ce moment que les Maliens seront convaincus que « nul n’est et ne sera au dessus de la loi… » .