Il y a un an, le 11 janvier 2013, le président de la République française, François Hollande, engageait l'armée française au Mali. Aujourd'hui, le président socialiste est sur deux fronts. Il doit gérer simultanément l'opération Serval au Mali et l'opération Sangaris en Centrafrique. Qu'en pense la droite française ? A Paris, le député UMP Axel Poniatowski est le vice-président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
François Hollande dit que l’opération Serval au Mali a été un succès ? Est-ce que vous êtes d’accord ?
Axel Poniatowski : C’est un demi-succès. C’est un succès parce que des bandes jihadistes pour l’instant ont été totalement neutralisées, que pour le Sud du pays, la situation est normalisée. En revanche, toute la partie Nord du pays, la partie touarègue, la partie Sahel, clairement la situation n’est pas sous contrôle. On sait que les terroristes et les jihadistes sont toujours dans la région. Par conséquent, on ne peut pas considérer que la situation au Mali soit aujourd’hui normalisée dans son ensemble.
Mais les élections se sont bien déroulées ?
Oui, les élections présidentielles se sont bien déroulées, les élections législatives également avec une très faible participation. Le pays se remet en marche. En revanche, on ne peut pas dire que les autorités maliennes, ni la France, ne contrôlent la totalité du pays aujourd’hui.
En Centrafrique, la mission des soldats français est périlleuse dans son exécution mais elle est claire dans ses objectifs, dit le président français. Est-ce qu’il a raison ?
Non. On ne peut pas dire que les objectifs de la France soient clairs aujourd’hui. Ils étaient clairs au départ et c’est la raison pour laquelle nous avions soutenu cette intervention à savoir, il s’agissait de mettre un arrêt immédiat au massacre des populations civiles. On peut considérer que les choses se sont améliorées même si elles ne sont pas excellentes. En revanche, on voit bien que François Hollande et le gouvernement souhaitent aller plus loin, c’est-à-dire souhaitent aller jusqu’à la transition démocratique du pays. Ce n’est pas ce qui était prévu au départ. D’ailleurs aujourd’hui, on voit bien que les objectifs sont moins précis, sont flous, compte tenu de la détérioration de la situation, l’enlisement –il faut dire les choses par leur nom. Par conséquent, ce qui urgent, ce qui est impératif, c’est de saisir l’ONU afin qu’il puisse y avoir une mission d’intervention de l’ONU dans les meilleurs délais.
Les autorités françaises souhaitent la même chose que vous, mais les Africains, notamment les Tchadiens, ont dit lundi dernier, le 6 janvier, aux Nations unies : non pas tout de suite pour les casques bleus, il faut d’abord donner sa chance à la force africaine de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la Misca.
Oui, mais je pense que ça sera insuffisant. La Misca fait un travail acceptable sans que ce soit là non plus tout à fait clair parce qu’on a vu la participation de certaines forces au côté des Seleka. On voit bien que la situation reste trouble, elle reste très fragile. La seule chose qui permettra véritablement de clarifier les choses, c’est une intervention de l’ONU en Centrafrique.
Est-ce que le Tchad est une partie du problème ou une partie de la solution en Centrafrique ?
Jusqu’à maintenant l’action du Tchad a été bénéfique. C’est d’ailleurs en Afrique subsaharienne, une des seules armées qui tienne la route. Et par conséquent son action est aujourd’hui globalement positive.
Vous souhaitez une solution politique en Centrafrique et justement hier soir, le Parlement centrafricain, dans une démarche assez étonnante d’ailleurs, a été convoqué à Ndjamena pour trouver une solution au problème Michel Djotodia. Est-ce que cela ne va pas dans le bon sens pour vous ?
C’est un peu surprenant. On verra bien ce qu’il résultera de cette initiative politique prise par, d’après ce que je comprends, les pays voisins. J’espère que la France n’est pas spécialement active dans ces initiatives politiques là. Mais c’est trop tôt au moment où nous parlons pour les commenter davantage.
Au plus fort des violences entre communautés chrétiennes et musulmanes il y a dix jours, vous avez évoqué l’idée d’une partition nord-sud en Centrafrique, est-ce que vous êtes toujours sur cette position ?
Oui parce que ce qui est inquiétant dans l’évolution de cette affaire en Centrafrique, c’est que ça tourne de plus en plus à la guerre religieuse. On n’est pas dans une situation où des soldats se battent contre des soldats. On est dans des situations où vous avez un clan musulman qui massacre des populations civiles chrétiennes, et vous avez un clan chrétien qui massacre des populations civiles musulmanes. On voit un niveau de haine colossale qui est apparu dans ce pays. La question est de savoir : est-ce que ces communautés peuvent vivre ensemble ? J’espère que la réponse sera positive et qu’on parviendra à trouver des solutions qui ne peuvent être trouvées une fois encore qu’après intervention de l’ONU. Mais ce n’est pas sûr, on voit de plus en plus en Afrique ce dérapage des haines religieuses qui se développent. C’est pour cela que j’ai posé cette question car il est indispensable que le massacre des populations civiles s’arrête et cette solution du partage est une solution parmi d’autres.
Mais revoir les frontières en Afrique, n’est-ce pas revoir ouvrir une boîte de Pandore, très dangereuse ?
Depuis longtemps, les frontières sont assez artificielles en Afrique. On voit bien qu’elles ne correspondent pas à l’organisation de ce qu’étaient les tribus à l’origine. Par conséquent, tout cela est me semble être assez flexible. Surtout l’expérience montre que des pays qui finalement étaient partagés, il y a beaucoup d’exemples et il y a encore des exemples récents, comme le Soudan.
Côté européen, le Conseil de défense de décembre dernier n’a rien donné mais les Français attendent beaucoup semble-t-il du Conseil des Affaires étrangères du 20 janvier prochain. Et vous ?
Ce que je constate simplement, c’est que François Hollande n’arrête pas de nous dire que d’autres pays européens participeront, participeraient à l’intervention centrafricaine. Pour l’instant, on ne peut pas dire que les pays européens se soient beaucoup manifestés. Une fois de plus, malheureusement la France est seule. Elle est seule en Centrafrique comme elle était seule au Mali. Pour ma part, je le regrette. Je regrette que nous n’ayons pas réussi à être plus convaincants, je regrette aussi bien sûr que les plus grands pays européens soient aussi frileux parce qu’il s’agit tout de même avant tout d’une affaire humanitaire. Il s’agit de mettre fin à un massacre de populations civiles. Donc on aurait pu s’attendre à une meilleure coopération de nos amis européens. ... suite de l'article sur RFI