GAO (Mali) - "Nous sommes beaucoup d`Africains venus d`un peu partout rejoindre les moujahidine à Gao", affirme un jeune Ivoirien qui se fait désormais appeler Ahmed El Guédir et fait partie des centaines de recrues dans cette ville du nord du Mali contrôlée par les islamistes radicaux.
Des jeunes ouest-africains en armes, cheveux coupés courts et vêtus de tuniques couleur kaki, débarquent à Gao en provenance du Gourma, une province de l`est du Burkina Faso, pays voisin du Mali.
Non loin, dans la cour de la "police islamique", attendent d`autres recrues ouest-africaines, dont des Ivoiriens et des Sénégalais.
"Il y a plus de 200 jeunes maintenant. Nous en attendons beaucoup d`autres", affirme Alioune, chef de cette police chargée de faire respecter la charia (loi islamique) dans une ville totalement contrôlée par le Mouvement pour l`unicité du jihad en Afrique de l`ouest (Mujao), un des groupes islamistes armés qui occupent le nord du Mali.
En moins de deux jours, plus de 200 Africains, âgés en moyenne de 16 ans, ont été enrôlés par le Mujao. Plusieurs ont été payés pour venir, selon des sources concordantes. "On leur a promis monts et merveilles", dit l`une d`elle.
Les nouvelles recrues sont regroupées dans deux camps de la ville et doivent "subir une formation militaire et religieuse", dit Alioune.
Des centaines de combattants de Boko Haram, groupe islamiste radical à l`origine de nombreux attentats au Nigeria, sont actuellement présents dans le nord du Mali aux côtés des islamistes, selon Bilal Hicham, un des dirigeants du Mujao à Gao.
"Il y a ici des Maliens, des Somaliens, des Ivoiriens, des Sénégalais, des Ghanéens, des Gambiens, des Mauritaniens, des Algériens, des Guinéens, des Nigériens, il y a tous les musulmans ici", affirme-t-il, très fier.
Originaire du Niger voisin du Mali, Bilan Hicham est le premier Noir à diriger une katiba, brigade de combattants, dans le Nord-Mali.
"Il va y avoir d`autres noirs (à la tête de katiba). Le monde est le même
pour les musulmans noirs, blancs ou d`autres couleurs", dit-il.
"Mourir en martyr"
"Je ne suis pas Nigérien. Pour un musulman, il n`y a pas de nationalité ni de frontière", lance l`homme à lunettes, vêtu d`une vieille chemise à boutons fermée jusqu`au cou et coiffé d`un keffieh en turban rappelant celui du défunt dirigeant palestinien Yasser Arafat.
"Le président du Niger (Mahamadou Issoufou) parle de nous attaquer. Dieu seul sait. 40% de nos effectifs sont des Nigériens. Le jihad, s`il plaît à Dieu, on va l`amener rapidement au Niger", ajoute-t-il.
M. Issoufou s`est déclaré favorable à une intervention militaire dans le nord du Mali, envisagée par la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`ouest (Cédéao), pour chasser les islamistes.
Bilal Hicham évacue ce risque. "Quelle force est plus forte que celle de Dieu? Qu`ils viennent nous bombarder".
Il sort son chapelet de son sac, l`égrène avant de lâcher: "Nous sommes tous des musulmans, en tout cas à plus de 90% dans la sous-région (ouest-africaine). Nous pouvons parler entre nous pour trouver une solution. Mais si quelqu`un décide d`utiliser la force, alors la force de Dieu sera plus
forte".
"Le jihad doit aller partout en Afrique de l`ouest", dit M. Hicham dont le rêve est de "mourir en martyr". Il se dit prêt à poser des bombes dans des pays d`Afrique de l`ouest "si c`est nécessaire".
Le Mujao et Ansar Dine (Défenseurs de l`islam), tous deux alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), contrôlent depuis fin mars les trois régions administratives du Nord du Mali, Gao, Tombouctou et Kidal, après avoir évincé les rebelles touaregs laïcs et sécessionnistes.
Ils ont commencé à y imposer la charia et ont détruit à Tombouctou des mausolées de saints musulmans, s`attirant l`indignation au Mali et à l`étranger.
Les autorités de transition au pouvoir à Bamako depuis le retrait de militaires qui avaient renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, précipitant la chute de cette vaste région - plus de la moitié du territoire malien - au mains des islamistes, sont impuissantes à y faire face.