Le Mali, est considéré comme un pays essentiellement à vocation agro-sylvo-pastorale. De plus, il dispose de grandes superficies arables, mais hélas non exploitées. Au même moment, 70% de la jeunesse malienne, qui constitue au demeurant, la majeure partie de sa population active, estimée à plus de 14 millions d’habitants, vit en milieu rural et se trouve malheureusement dans une situation de sous-emploi exacerbé.
Depuis 2002, à la faveur de la résurgence de la problématique de l’emploi des jeunes, la piste de l’emploi rural avait commencé à être explorée en vue de réduire, autant que faire se peut, le phénomène du sous-emploi et du chômage des jeunes. Cette initiative du gouvernement s’est traduite d’abord par la prise des mesures législatives et règlementaires qui se sont matérialisées par l’octroi des 10% des terres aménagées aux jeunes ; ensuite, par l’opérationnalisation de l’approche «Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO)» dans les techniques d’aménagements, à l’opposé de la méthodologie «Haute Intensité d’Equipements (HIEQ)» ; et enfin, par le vote d’une loi révolutionnaire dénommée «Loi d’Orientation Agricole», qui a fait du secteur agricole, comme moteur de la croissance économique.
Malgré ces multiples efforts consentis par l’Etat, le potentiel réel de création d’emplois massifs que regorge l’emploi rural n’a pas été exploité à juste titre. D’autant que, de plus en plus, l’exode rural des jeunes n’a pu être contenu, mais aussi et surtout que les créations d’entreprises agricoles économiquement viables en milieu rural restent toujours au stade des balbutiements.
Face à ce constat, aujourd’hui et plus que jamais, il est plus que nécessaire de donner toute sa lettre de noblesse à l’emploi rural en vue de parvenir à la création des 200 000 emplois, comme promis par le président de la République à la jeunesse malienne.
Ainsi, pour atteindre cet objectif, les propositions suivantes sont faites.
En premier lieu, il importe que le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, à défaut d’être un département transversal, comme l’est la question d’emploi, puisse conventionner avec ceux du développement rural, de la promotion de l’initiative privée et des investissements, des finances, de l’aménagement du territoire, de l’équipement, des domaines fonciers, du logement et l’APCAM (structure faîtière en charge de l’agriculture) en vue de rendre opératoire les mesures d’octroi des 10% des terres aménagées aux jeunes et créer un cadre de collaboration dynamique et fécond pour l’installation des milliers de jeunes avec le concours de tous les acteurs tels que définis ci-dessus.
Le constat est qu’à ce jour, il y a beaucoup de partenaires techniques et financiers qui investissent dans la promotion de l’agriculture et de la promotion de l’entrepreneuriat, mais malheureusement, le ministère de l’Emploi, département par excellence en charge de la question d’insertion des jeunes y compris les jeunes ruraux, n’est pas pour la plupart du temps partie prenante de ces actions. Au même, il y a une structure qui relève de lui, à savoir l’APEJ, qui se démène, tant soit peu, pour prendre en charge, avec le peu de moyens, les aspects aménagement, installation et équipement des jeunes ; alors qu’il y a des fortes demandes et qui, malheureusement, ne peuvent être comblées au regard de la modicité de ses moyens.
Ce cadre de collaboration, que nous appelons de notre vœu, permettra également, à n’en pas douter, de booster les investissements privés dans les zones disposant de terres arables et non exploitées (Office du Niger, Zones de Sélingué, de Banguinéda…) qui seront porteurs d’emplois massifs aussi bien pour les jeunes, mais également pour les femmes et par-delà, participeront efficacement au développement réel de ces zones.
En deuxième lieu, la méthodologie HIMO doit se départir de son statut originel qui était «expérimental» et acquérir droit de cité dans les techniques d’aménagement ayant cours aux ministères du Développement rural et celui de l’Equipement et des Transports. Ce faisant, la formation professionnelle pourra être à la fois un outil de reconversion au profit des nombreux jeunes diplômés sans emplois dans les domaines des BTP, mais aussi une source d’acquisition de qualifications, voire de compétences, pour les déscolarisés. Dès lors, des modules seront conçus pour chaque cas, en vue de mettre sur le marché de l’emploi des jeunes avec des profils tant recherchés à savoir : carrelage, curage des caniveaux, pépiniéristes…. Par ailleurs, la technique HIMO favorise la redistribution des ressources investies au départ aux populations locales.
En troisième lieu, le Code foncier doit être revu en incluant une facilité, voire une clémence, de l’accès des jeunes et des femmes aux terres. En effet, à ce jour, le statut des terres arables disponibles au niveau des grands bassins aménageables n’est plus adapté à la situation actuelle. Ce faisant, il importe de faire une relecture du Code foncier ;
En quatrième lieu, la fiscalité agricole doit être revue dans le sens de la rendre incitative. En effet, celle qui est en vigueur actuellement, «Impôt sur les Bénéfices Agricoles», n’est pas du tout opératoire et n’encourage pas à des investissements importants dans la mesure où il y a un flou total qui gouverne le secteur.
Enfin, un bon système d’encadrement en amont et en aval et un bon mécanisme de financement accompagné du système de micro-assurance doivent être instaurés au profit des jeunes candidats à l’entrepreneuriat rural, surtout que ce secteur est considéré à ce jour comme un grand bassin de création d’emplois massifs.
Pour ce faire, des modules de formations en gestion simplifiée peuvent être expérimentées et des nouveaux produits financiers et d’assurances doivent être proposés par des institutions de financement et d’assurance en vue de booster le secteur agricole pour parvenir d’une part à une autosuffisance alimentaire et d’autre part à la création de PME / PMI agricoles économiquement rentables, socialement responsables, créatrices d’emplois et portées par jeunes et des femmes. Ainsi, avec l’introduction du système de micro- assurance, les jeunes entrepreneurs agricoles ou paysans pourront profiter de leur retraite sans être obligés de travailler à un certain âge comme c’est le cas de nos jours. C’est seulement sur cette base que le secteur agricole pourra retrouver ses lettres de noblesse d’antan et jouer sa part dans la création des 200 000 emplois dans les années à venir.