Jamais un haut responsable malien n’a autant craché dans la soupe de la rébellion en donnant des informations aussi claires que précises. Diplomate atypique, selon ses propres termes, le ministre malien des Affaires étrangères, Zahabi Sidi Mohamed, n’est pas allé avec le dos de la cuillère lors de son intervention remarquée à l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye lors d’un séminaire relatif au « Rôle des députés en temps de crise ». Appelé au secours pour faire la présentation sur « La diplomatie et la coopération en matière de sécurité dans l’espace sahélo-saharien », Zahabi est allé droit au but pour dénoncer le narcotrafic au nord de notre pays, les cartels qui y sont installés, l’islam djihadiste qui régnait et l’instrumentalisation de notre pays.
Faisant le récit de la rébellion qui sévit au nord de notre pays, Zahabi a indiqué que « le Mali a vécu une situation très particulière ». Il en veut pour preuve « le déferlement de tout l’arsenal libyen dans le septentrion de notre pays ». Conséquences, dit-il, « les bonnes familles ont fui la terre de leurs ancêtres au profit des expéditeurs venus imposer leurs lois et leur diktat » dans un pays qui n’est pas le sien.
« Reformer le secteur de sécurité et faire la cartographie des acteurs », voilà une des propositions du ministre pour contrer à ses yeux toute éventuelle velléité. Pour le ministre des Affaires étrangères, « l’objectif aujourd’hui est d’agir de manière opérationnelle entre les différents corps de l’armée, de la police, de la gendarmerie, de la justice ».
Zahabi est formel : « le domaine de sécurité fragilise l’Etat et le gouvernement » avant de poursuivre : « il faut éviter d’être instrumentalisé ». Et d’ajouter : « On ne doit pas accepter d’être des marionnettes entre leurs mains… ».
Les rebelles veulent l’indépendance
« Faux » répond sèchement Zahabi lors de sa présentation à l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye les 19, 20, 21 décembre derniers. « Le nord est un terrain de passage, un combat pour la drogue. C’est la route de la drogue. Elle change de manière saisonnière » a t-il fulminé. Zahabi, ici, est à l’aise face à un tel sujet ayant été un ancien rebelle.
Quand un cartel est installé, a-t-il enseigné, « il change de relais ». Avant de s’interroger sur la provenance de la drogue. « Il n’est pas en tout cas cultivé au Mali » a-t-il fait savoir. Et de suggérer « d’aller dans une coopération efficace avec les pays producteurs de drogue » (certainement avec leur gouvernement). Zahabi conclut ce chapitre en déclarant que « le problème du nord du Mali est un problème de drogue » et qu’il ne saurait y avoir de reforme de sécurité sans reforme de crime de sécurité.
L’islam jihadiste
Le ministre redoute la résurgence de l’islam djihadiste. Islam jihadiste ? C’est raté, selon lui, car « le Mali est le cœur des grands empires islamiques ». C’est un Islam pacifique que le Mali a connu a-t-il dit avant de susciter le débat sur la nouvelle politique d’islamisation des djihadistes. Ces djihadistes se fondent-ils sur quel Islam ? Et qu’est-ce qu’un Abou Zeid peut apprendre à l’Imam de Tombouctou, des saints parmi les saints, imbibés dans la religion presque par héritage ?
Le piège de Kidal
Citant IBK, le ministre Zahabi a fait savoir qu’il n’y aura pas deux autorités compétentes à Kidal. Pour lui, au nom du Djihad, on ne peut pas agresser jusque dans un autre pays au nom de l’islam.
« Il faut éviter le piège de Kidal » a-t-il indiqué. Avant de préciser : « Si on calcule le nombre en hommes de l’armée, de la MINUSMA, la force SERVAL, ça dépasse le nombre de la population ». Et dire que dans cette même ville, le chef du gouvernement n’a pu atterrir au vu et au su des forces étrangères installées à Kidal, il y a lieu de se dire certaines vérités afin que Kidal ne soit pas un enjeu pour relancer les questions d’autodétermination, relais vers l’autonomie.
« C’est pourquoi nous avons demandé un dialogue inclusif. Pas question de négocier avec une fraction, un groupe ou une communauté qui parlera au nom des autres » a t-il conclu. C’est cette proposition du gouvernement qui a calmé l’ardeur du MNLA, qui, de plus en plus, est réduit au silence.