En raison de la faible concurrence, pour ne pas dire de l’inexistence de concurrents dans son secteur d’activité, une société a-t-elle le droit d’imposer à sa clientèle une augmentation de tarif de 28,5% en une seule fois? C’est ce que semble penser Bradibo, qui assure la distribution de boissons de Bramali, entre autres, au Mali.
Le propriétaire du bar restaurant le Bla Bla vient d’en faire l’amère découverte, à l’occasion des dernières livraisons de fûts de pression Castel effectués par cette société. Ainsi, sous le Bordereau de livraison N°1309 en date du 9 janvier 2014, Bradibo lui a tout d’abord livré 2 fûts de 50 litres au prix unitaire de 35 000 FCFA, soit 700 FCFA le litre, avant de revenir avec un nouveau bordereau du même numéro et daté du même jour, annulant le premier et portant un prix unitaire de 45 000 FCFA, 900 FCFA par litre, soit une augmentation de 28,57% du tarif!
Rebelote un ou deux jours après, au cours de la livraison de 4 fûts, eux aussi tout d’abord facturés 35 000 FCFA chacun dans le Bordereau de livraison N° 1310, daté également, bizarrement d’ailleurs, du 9 janvier 2014, puis 45 000 FCFA dans un second bordereau, supposé annuler et remplacer le premier (voir les fac simile ci-dessous).
Le fait le plus cavalier de l’histoire est qu’en date du 8 janvier 2014, le Directeur Commercial et le Directeur Général de Bradibo avaient cosigné une correspondance, sous la Référence 01/DC/14, informant leurs clients «qu’à compter du 1er janvier 2014, le prix … enregistre une légère augmentation, compte tenu de la hausse des coûts de production et de la non adaptation de nos prix de vente depuis 1999». Le problème est que ce courrier a été remis à notre restaurateur le lundi 13 janvier 2014, soit presque cinq jours après sa signature et après deux livraisons au nouveau tarif…
L’on est donc à notre avis en droit de poser quelques questions. La Loi autorise-t-elle un commerçant à pratiquer une hausse de ses tarifs sans en aviser largement à l’avance ses clients, qui se retrouvent mis devant le fait accompli, dans la position de «cochons de payeurs». Les augmentations de prix des boissons de Bramali sont pourtant toujours largement signalées au public, qui s’interroge d’ailleurs sur le non retour aux prix antérieurs à la CAN 2002, lorsque 25 FCFA avaient été acquittés en plus par les consommateurs, au titre de «contribution exceptionnelle»
Secundo, le fait d’être un gros client, et même un très gros client dans le cas d’espèce, vous rend-il taillable à merci ou, au plan du marketing, devrait-il plutôt vous permettre de jouir d’avantages particuliers, au premier rang desquels un minimum de courtoisie dans les relations commerciales?
Enfin, si une autre société proposait au Mali le même genre de biens et de services que Bradibo, brisant ainsi son monopole de fait, de telles pratiques pourraient-elles avoir cours? Tous les Maliens ont un exemple parfait d’une concurrence qui leur profite avec le «marquage à la culotte» auxquels se livrent nos deux opérateurs de téléphonie mobile. «Le cas de position dominante le plus caractérisé est la position de monopole», dans laquelle se trouve Bradibo, car, selon les spécialistes du droit commercial, «lorsqu’une entreprise domine un marché donné, elle peut avoir tendance à profiter de cette situation pour imposer des conditions de vente déloyales: prix abusifs, etc… On parle alors d’abus de position dominante».
Malheureusement pour le portefeuille de ses clients, qui n’ont pas la possibilité d’appliquer eux aussi 28,57% de hausse à leurs tarifs d’un coup! Nous y reviendrons.
Ramata Diaouré