IBK est-il devenu la nouvelle coqueluche de la diplomatie algérienne ? Tout porte à le croire au vu de ce qui s’est passé lors de sa visite d’amitié et de travail en Algérie, les 18 et 19 janvier 2014.
L’installation de la forte délégation malienne à la résidence d’Etat «Zeraida» située à une quarantaine de km de la ville d’Alger a surpris plus d’un observateur du landerneau politique algérien. A en croire certains officiers algériens que nous avons rencontrés dans la cour de cette résidence d’Etat bâtie sur une centaine d’hectares, seuls les chefs d’Etats et de gouvernement sont habilités à résider sur ces lieux.
En outre le cortège impressionnant qui a été déployé pour accueillir le Président Ibrahim Boubacar Keita par le président du conseil de la nation, Abdelkader Bensalah a fini par convaincre tout le monde que cette visite d’amitié et de travail en Algérie allait être riche en couleurs.
L’autre acte hautement symbolique qui a retenu l’attention, c’est l’audience accordée par le président de la République algérienne démocratique et populaire à son homologue malien Ibrahim Boubacar Keita. L’histoire retiendra en effet qu’il a été le premier chef d’Etat à avoir rencontré Adelaziz Boutéflika depuis son retour de la France où il revient d’un traitement médical.
Cette audience est perçue comme un signe de marque et de considérations envers IBK qu’il a connu dans les années 2002-2007. Un lien fort entre deux pays qui sont unis par l’histoire et la géographie.
Ce sont ces aspects qu’ont été mis en exergue tant avec Abdelkader Bensalah, président du conseil national qu’avec Abdelmalek Sellal, premier ministre. Mais là où les autorités algériennes attendaient le plus IBK, c’était surtout sa caution aux démarches qu’ils viennent d’initier entre les groupes armés pour des négociations inclusives.
Une initiative qui sonne les glas des accords de Ouagadougou. Avec cet accord, le processus de négociation était dans un bourbier et tous les protagonistes tournent en rond. Toutes choses qui ont poussé les nouvelles autorités du Mali à prendre leur distance. Désormais, IBK et son gouvernement voudraient que le processus soit approprié par tous les acteurs, que ce dialogue en vue soit malien et qu’il doit être inclusif comme le prévoit d’ailleurs la résolution 21/0004 en son paragraphe4.
C’est conscient de l’existence de ce blocage que les groupes armées du Nord à savoir le Mnla, le MAA, le Hcua entre autres ont sollicité Alger pour jouer la médiation. L’Algerie, bien qu’étant un habituée de ce genre d’exercice ne pourra avoir les coudées franches qu’avec la caution voire la bénédiction de Bamako. D’où la présente invitation de Ibrahim Boubacar Keïta qui a fait le déplacement avec son ministre des Affaires étrangères, son ministre de la sécurité ainsi que celui, chargé de la Réconciliation Nationale et des questions du Nord.
L’esprit donc de la visite du Président IBK s’inscrit dans ce cadre là. Depuis sa prise de fonction, il s’est résolument engagé à pacifier les relations du Mali avec nos voisins immédiats. Après la Mauritanie où il était question de nos refugiés, IBK est venu en Algérie pour encourager l’initiative des autorités mais à condition que ce soit pour l’honneur des Maliens. Le consensus qui commence à se faire, laisse croire que dans les prochaines semaines voire les prochains mois les pourparlers inter maliens accoucheront d’un accord salutaire pour tous les Maliens.
Le réchauffement des relations entre le Mali et l’Algérie
Cette visite d’amitié et de travail du Président IBK en Algérie marque le retour de la confiance et du respect mutuel entre les deux pays. Deux Pays liés par le sang, l’histoire et la géographie ne pouvaient que continuer à cheminer ensemble. Et déjà, on peut affirmer que la visite a été fructueuse tant pour l’un que pour l’autre pays. Il ressort en effet du communiqué commun, que les deux chefs d’Etat ont procédé à un échange d’information sur les reformes politiques et économiques engagées par les deux pays et passé en revue l’état de leur coopération bilatérale et examiné les voies et moyens de la redynamiser dans l’intérêt des deux peuples frères. Ils ont en outre décidé de réunir dans le courant de l’année 2014, les différents mécanismes bilatéraux de coopération notamment le comité bilatéral frontalier qui se tiendra à Bamako le 2 février 2014 et la grande commission mixte de coopération Algero malienne à Alger en mars 2014. De même, ils ont décidé de renforcer les relations dans les domaines spécifiques suivantes : la création d’un comité bilatéral sur le Nord qui se réunirait une fois par mois pour suivre la mise en œuvre des décisions, en vue du règlement pacifique du problème du Nord. L’élaboration et la mise en œuvre d’arrangements de sécurité commune prenant en considération le renforcement de la coopération militaire, sécuritaire et la lutte contre le terrorisme et les trafics en tout genre. La mise en œuvre d’un programme spécial de développement économique des régions du Nord et des zones frontalières des deux pays. La réalisation d’un programme spécial d’appui humanitaire au bénéfice des populations affectées des régions du Nord du Mali.
Des résultats probants qui démontrent la solidité des relations entre les deux pays.
Birama FALL, Envoyé spécial en Alger
Négociations avec les groupes armés
L’Algérie pour baliser le terrain
Il n’y aura pas de négociations inter maliens en dehors du Mali. C’est l’une des principales informations qui ressort de la conférence de presse conjointe animée à Alger par le Ministre des affaires Etrangères du Mali, Zahabi Ould Sidy Mohamed et son homologue algérien, Ramtane Lamamra, le dimanche 19 janvier dernier à l’issue de la visite du Président Ibrahim Boubacar Keita.
L’objectif de cette conférence était d’éclairer la lanterne des hommes de médias sur beaucoup de questions d’intérêt commun notamment la sécurité aux frontières, la relance de la coopération bilatérale entre les deux pays. Mais aussi, de la parfaite entente entre les deux parties pour relever les défis communs en matière de sécurité et de coopération.
Selon le ministre Zahabi Ould Sidy Mohamed, dans le franc parler qui le caractérise, il n’y a pas de négociations sécrètes encore moins d’agenda caché par rapport à la prise de contact avec les groupes armés à Alger. A son avis, tout le monde sait qu’il y a un problème dans le nord du Mali et l’initiative de la démarche algérienne a émané des groupes armés. « Ce sont les mouvements armés qui, de leur propre chef, ont demandé aux frères algériens de les aider à élaborer et peaufiner une plateforme pour des négociations inclusives entre Maliens. L’Algérie nous en a informé mais, nous pensons que le problème au nord Mali est un problème interne qui doit se régler au Mali », a soutenu le ministre malien. Il a expliqué que la démarche algérienne vise tout simplement à faciliter les négociations inter maliens et à parachever les accords de Ouagadougou.
Le diplomate pense qu’il faut voir en cette démarche rien d’autre qu’une démarche globale qui vise à rétablir la paix au nord du Mali et tous les voisins qu’ils soient proches ou lointains doivent positiver cette démarche pour balayer tout esprit de concurrence ou d’interférence.
Sur la même lancée, il estime qu’il faut sortir de cette logique qui vise à exclure un groupe et cet esprit de concurrence sur le dossier malien. Ce que le Mali veut est clair : un dialogue inter maliens au Mali.
Pour lui, c’est un problème malien donc toute négociation doit se faire au Mali entre Maliens. Les questions du nord doivent être inclusives à savoir regrouper tous les groupes armés et la société civile du nord.
Tout proche de ce dossier sait que l’Algérie pourra apporter beaucoup dans la solution au problème. « Je ne sais pas ce qui se passait avant mais avec IBK la politique du Mali se définit au Mali. On ne veut exclure personne : celui qui a un autre agenda que celui du Mali, qu’il aille le faire ailleurs. En tous cas, le nôtre c’est de faire la paix au Mali de manière inclusive et de manière aussi acceptable pour les communautés et les groupes armés ».
Pour le ministre algérien, Ramtane Lamamra : « Tout d’abord, il s’agit de consultation exploratoire que nous jugeons très positive et c’est la capitale malienne qui abritera ces négociations ». Le stade de dialogue inter maliens est relancé, il n’est pas d’abord atteint, mais cela constitue un objectif.
Pour Ramtane Lamamra, il faut aller très vite pour permettre au président El hadj Ibrahim Boubacar Keita de réaliser le programme sur lequel il a été élu. « Ce n’est qu’une étape, d’autres étapes suivront. Tous les partenaires ont été dument informés de l’ouverture de ces négociations exploratoires », a poursuivi le chef de la diplomatie algérienne.
L’Algérie, par la voix de son diplomate, n’a pas douté un instant du destin unique du peuple malien. L’avenir du Mali c’est dans l’unité nationale, c’est l’intégrité territoriale, la réconciliation et la démocratie.
Il conclura son intervention par la fierté du peuple algérien d’avoir participé à tous les accords sur les crises maliennes. Tous les enseignements qu’on aura tirés serviront. Il ne faut pas désespérer de la capacité du Malien d’aller de l’avant et trouver une solution idoine afin que le Président IBK puisse accomplir sa mission avec le soutien de tous les Maliens et toutes les Maliennes. Tels sont les souhaits et volonté du peuple algérien.