S’il est vrai que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, l’Assemblée nationale du Mali, nouvelle version, se doit de ne pas tomber dans les mêmes travers que les législatures précédentes qui se sont laissées instrumentaliser par le Pouvoir exécutif. Toute chose qui explique en partie la grave crise dont nous nous tirons à présent.
Depuis le 31 décembre 2013, date de la proclamation des résultats définitifs du second tour des législatives par la Cour constitutionnelle, le peuple malien connait désormais ses 147 représentants pour les cinq années à venir. La mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale est d’autant salutaire qu’elle vient ainsi mettre fin à la longue crise institutionnelle à laquelle le Mali fut en proie depuis un certain 22 mars 2012. Ce qu’il convient à présent de souligner, c’est que cette cinquième législature de l’ère démocratique naît dans un contexte marqué par une volonté nettement exprimée d’abord par le peuple souverain et réaffirmée par les nouvelles autorités à opérer un changement dans la conduite des affaires publiques au Mali. Mais, pour y parvenir, le Mali n’a d’autre choix que de se doter d’un Etat fort à travers des institutions solides mais surtout crédibles, aptes à faire face aux défis du moment. Ceci est d’autant nécessaire que les différents régimes qui se sont succédé depuis l’avènement de la démocratie au début des années 90, se sont caractérisés par la fragilité des institutions de la République, notamment le Parlement, de façon à dévoyer notre système démocratique par l’absence criarde de débats politiques.
En effet, le jeu institutionnel était devenu d’autant terne sous le régime précédent, celui d’Amadou Toumani Touré, que notre institution parlementaire ressemblait beaucoup plus à une boîte d’enregistrement pour l’Exécutif qu’à un contre pouvoir, celle-ci ayant choisi de tourner le dos à ses missions régaliennes.
De fait, l’Assemblée nationale avait perdu toute son utilité aux yeux de l’opinion et les députés passaient pour des traîtres parce qu’ignorant, pour beaucoup d’entre eux, tout des aspirations d’un peuple qu’ils sont censés pourtant représenter. C’est pourquoi d’ailleurs plusieurs de nos compatriotes retiennent aujourd’hui la responsabilité des parlementaires dans l’avènement de la crise multidimensionnelle qui a ébranlé le Mali il y a près de deux ans. Ces griefs trouvent leurs justifications dans le fait que la quatrième législature s’est caractérisée par une complaisance envers le Gouvernement, devenant ainsi complice d’une institution qu’elle avait pour mission de contrôler. Le peuple du Mali avait fini par payer cash le laxisme de ses représentants dont la légitimé avait été largement entamée. En témoigne la grogne populaire qui s’était fait sentir après le vote, par les députés, de la loi portant Code des personnes et de la famille en 2009.
C’est ainsi dire que les animateurs du nouveau Parlement sont interpelés à juste raison, afin qu’ils tirent toutes les leçons des législatures précédentes. En effet, il est bon que l’Assemblée nationale qui vient d’être élue s’assume beaucoup plus si nous voulons éviter que notre pays retombe dans les mêmes travers qu’il a récemment connus, tant il est vrai que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Ainsi, il ne devrait plus s’agir pour nos honorables de servir d’instruments aux mains du Pouvoir exécutif, mais d’être des dignes représentants des populations, surtout en donnant véritablement un sens à leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Mieux, il est souhaitable que de vrais débats démocratiques, dont l’institution parlementaire a été orpheline depuis des lustres au nom d’une gestion consensuelle qui a lamentablement montré toutes ses limites, y germent pour la consolidation de notre jeu démocratique et institutionnel.
C’est à ce titre qu’il est bon de saluer au passage l’avènement d’une opposition parlementaire qui se dessine autour de l’Union pour démocratie et la République (URD) de Soumaïla Cissé qui, du reste, se trouve être la deuxième force politique de la nouvelle Assemblée avec 17 élus. Même s’il est vrai qu’une large majorité parlementaire s’est constituée pour le Président de la République, tout porte à croire pour autant que les débats seront constructifs au sein de l’Hémicycle et la mission du gouvernement pourrait ne plus être une sinécure. De telles perspectives suscitent l’espoir d’un jeu institutionnel beaucoup riche et dynamique, mais surtout salvateur pour la démocratie et la République au Mali.