Si le 20 janvier est le symbole intangible de l’armée malienne qui a retrouvé sa totale liberté d’action à cette date en 1960, avec l’ordre donnée à la puissance coloniale française par le père de la nation malienne, Modibo Keita, d’évacuer ses bases militaires du Mali, le Colonel d’Aviation Mamadou Sissoko dit Samarek, en est bien le héros oublié, le seul des officiers supérieurs de la campagne du Nord à n’avoir reçu ni grade, ni décoration. Au contraire, on l’a mis délibérément à la retraite le 31 décembre dernier. Paradoxalement en ces temps de crise, où son génie militaire aurait trouvé à s’employer par excellence.
L’Armée malienne, comme du reste le Mali en entier, est revenu de très loin, une année après l’invasion de notre pays par les rebelles touaregs, les islamistes intégristes d’Ansardine, du Mujao, d’Aqmi et autres terroristes narcotrafiquants qui avaient fini par faire du Septentrion un terrain conquis. Elle était parvenue à faire face, jusqu’au 22 mars 2012, aux coups de boutoir des fous de Dieu et des renégats qui avaient osé prendre les armes contre la mère patrie, au nom de l’Islam et d’une prétendue cause touarègue. Elle n’a cédé qu’après le coup d’Etat de la junte de Kati et la rupture générale de la chaîne de commandement.
En cela, nul ne peut jeter éternellement la pierre à notre vaillante armée qui, dans cette guerre, a manqué de tout, de la simple munition, au soutien de l’oligarchie militaire bourgeoise, en passant par la ration quotidienne jusqu’aux moyens logistiques sans lesquels une guerre moderne ne peut se mener ou à fortiori être gagnée. N’est-ce pas un signe qu’au lendemain du coup d’Etat, à Gao sur le théâtre des opérations, les chefs militaires aient été pris à partie, arrêtés et ligotés par la troupe ? Pour conduire les opérations combat ont trouvé grâce à leurs yeux, notamment, le colonel d’aviation Mamadou Sissoko dit Samarek, précédemment commandant de la Base 100 à Sénou, un officier supérieur de valeur, un stratège militaire aux qualités humaines et compétences hors normes, extraordinaires disent ses pairs, unanimement reconnues par la troupe de l’armée de l’air et bien de vaillants soldats d’autres corps. Des atouts qu’il a démontrés ailleurs, sur un difficile théâtre d’opérations de maintien de la paix, précisément au Congo où il est intervenu promptement, pour sauver une grande partie de la communauté malienne qui allait périr.
Sous son commandement, malgré l’héroïsme de ses soldats, deux hélicoptères de combats, dont l’un des pilotes, le capitaine Malamine Sangaré, faisait mouche malgré la mauvaise visibilité du pare brise étoilé, Gao assiégée par une horde de fanatiques est tombée. Mais des centaines de soldats ont pu évacuer la base et avoir la vie sauve à cause de la vive résistance et du courage des éléments galvanisés par le sang-froid du colonel Samarek.
Si le 20 janvier est la célébration de la souveraineté de notre armée nationale, c’est aussi un fête du souvenir qui doit nous servir à exalter les vertus de loyauté, d’abnégation , de courage, de persévérance, de patriotisme et de don de soi que nous ont léguées les fiers combattants des armées conquérantes, de Soundiata à Samory Touré. Ce sont autant de vertus de ses fils vaillants qui font la grandeur d’une nation et peuvent consacrer sa pérennité. Ce qui n’exclut pas que, à l’exemple du colonel Mamadou Sissoko, loin de la parade, dans l’humilité et le bien, en dehors de toutes les intrigues, sans protestation inutile devant la méchanceté et l’injustice, ils accomplissent stoïquement leur part de devoir et plus, jusqu’au bout. Son devoir accompli, le colonel Mamadou Sissoko dit Samarek est à la retraite depuis le 31 décembre dernier. Il faut le regretter aux moments où, en ces temps de crise, de refondation et de modernisation de l’armée malienne, alors que la guerre au Nord contre les rebelles n’est pas achevée, l’institution militaire a le plus besoin de ses talents et de son expertise.
Oumar Coulibaly