L’itinéraire de l’Adéma est fait plus de vicissitudes, de fractures, de trahisons, de reniements, de victoires à la Pyrrhus que de vrai triomphe depuis l’accession de son premier candidat, le plus emblématique, à la magistrature suprême, Alpha Oumar Konaré, en 1992. Après la débâcle de la présidentielle et la déroute des législatives, l’heure est aux interrogations essentielles. Vaincre le signe indien ou périr, telle est la question et son destin.
Le professeur Tiémoko Sangaré, président par intérim de l’Adéma-Pasj, l’a reconnu le samedi 18 janvier 2014 devant les députés de sa formation réunis à l’hôtel Radisson Blu pour leur rentrée parlementaire : leur parti a été discrédité par 20 ans de mauvaise gestion. Il doit donc assurer sa part de responsabilité en termes de succès, comme d’échecs. Est-ce un aveu, ou un mea-culpa ? Il vient tard alors que l’Adéma est en constante dégringolade depuis la dernière législature, passant de 45 députés du parti leader au sein de l’échiquier politique à 16 députés au sortir des dernières législatives. Cela après un échec retentissant de son candidat Dramane Dembélé au premier tour de l’élection présidentielle.
C’est le contraire qui aurait été étonnant de la part de ce parti du mouvement démocratique, coauteur de la révolution populaire du 26 mars 1991, qui a permis en toute liberté le multipartisme intégral et le choix par le peuple du premier président démocratiquement élu. En l’occurrence Alpha Oumar Konaré, justement le candidat de l’Alliance pour la Démocratie au Mali, un parti à l’idéologie socialiste, affilié à l’International socialiste. Le premier mandat d’Alpha a été marqué par des turbulences politiques, de graves convulsions sociales qui finirent par porter atteinte à la cohésion du parti qui connut une première dissidence avec le départ du professeur de philosophie Mohamed Lamine Traoré pour créer le MIRIA. Sous le coup de boutoir des forces sociales révoltées et du COPPO, l’opposition radicale, une coalition de partis politiques particulièrement déterminés, le pouvoir d’Alpha chancelant, pratiquement à la rue, fit surgir de ses rang un certain Ibrahim Boubacar Keïta, un cadre du sérail, qui fut nommé Premier ministre en 1996 pour faire face à la forte contestation qui menaçait d’emporter le régime. Il mit fin effectivement à la chienlit généralisée, aux grèves, casses de l’opposition, des travailleurs, des élèves et étudiants, réussissant la mission impossible de ramener l’opposition à néant et le calme à Bamako, sauvant de justesse le régime d’Alpha Oumar Konaré.
Élu président du parti, donc considéré par les caciques de sa formation comme le successeur putatif d’Alpha après son second mandat, IBK était désormais en première ligne pour encaisser les coups tordus de ceux, nombreux dans le Comité exécutif du parti, dont il barrait les ambitions plus ou moins légitimes. Après six ans de bons et loyaux services auprès de son cadet Alpha, écœuré par les multiples coups et les tentatives de déstabilisation orchestrés par le clan CMDT de Soumaïla Cissé, Ousmane Sy, Sy Kadiatou Sow, il démissionna du parti avec ses fidèles pour aller créer le RPM, Rassemblement Pour le Mali qui se positionnera dès les élections générales de 2002 au sein de la coalition politique de l’opposition, Espoir 2002, comme un parti incontournable de l’échiquier politique, avec une majorité de députés à l’Assemblée nationale.
Alors que s’installait au pouvoir Amadou Toumani Touré, le général défroqué et candidat indépendant élu. Ce dernier, contre toute attente, avait été soutenu par l’Adéma. Craignant un échec dommageable à l’élection présidentielle, le parti avait besoin de se servir d’ATT comme d’un parapluie pour couvrir sa gestion calamiteuse de dix ans. Une période pendant laquelle on avait vu apparaître une dizaine de milliardaires de la démocratie au sein de ministres et hauts cadres de l’Adéma, leur parti au pouvoir sous Alpha. C’était aussi pour mieux profiter, indûment, de la manne de la gouvernance démocratique, qu’ils se précipitèrent pour adouber le général Amadou Toumani Touré, en renonçant à présenter un candidat légitime issu de leurs rangs. Cette décision provoqua des frustrations, de nouvelles divisions au sein du parti désormais partagé en clans. Finalement, elle provoqua d’autres départs.
C’est non sans une certaine jubilation que les caciques accueillirent la proposition de gestion concertée du pouvoir faite par le nouveau président ATT, autrement dit, un gouvernement de consensus. Evidemment, il fit la part belle à l’Adéma. Ses cadres et le parti tirèrent un surcroît d’influence politique et de bénéfice financier de cette inédite idéologie de gouvernance politique inventée par ATT : le Consensus. Ce système de gouvernance démocratique fut en vérité salué comme une trouvaille géniale par l’Occident qui avait désormais les yeux de Chimène pour ATT et son régime. L’Adéma était à la fête et au partage du gâteau démocratique avec plusieurs postes ministériels d’importance stratégique dans le gouvernement de consensus.
Sur les conseils d’Alpha, toujours influent, parce qu’éminence grise de l’Adéma. Mais ATT