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Libération d’otages : Mujao s’enrichit et veut se retirer de Gao
Publié le lundi 23 juillet 2012   |  Le Prétoire


Mali
© AFP par DR
Mali : Les 3 otages européens libérés évacués au Burkina
Jeudi 19 Juillet 2012. Burkina Faso, Gorom-Gorom Les deux coopérants espagnols, Enric Gonyalons et Ainhoa Fernández Rincón, et l`Italienne Rossella Urru


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Des occidentaux pris en otage par le Mujao viennent d’être libérés dans des conditions non encore élucidées. Leurs pays d’origine doivent pouvoir répondre à certaines questions concernant les conditions de leur libération.

Les otages européens, deux Espagnols et une Italienne, enlevés en Algérie et précédemment détenus par le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest) ont regagné sains et saufs leurs pays, vendredi dernier. Ils ont transité par Gao d’où ils ont embarqué pour Ouagadougou (Burkina Faso) à bord d’un avion de ce pays. C’est d’ailleurs grâce à l’intermédiation burkinabé qu’ils ont été libérés. Contre quoi ? On sait que le Mujao, rien que contre la libération des deux femmes, demandait trente millions €. Mais les ravisseurs auraient revu leur prétention à la baisse, ils déclarent n’avoir perçu que quinze millions €. Mais cette rançon n’a pas été la seule monnaie d’échange car la transaction a concerné également la libération d’islamistes détenus en Mauritanie et en Algérie. Selon certaines sources, un seul islamiste, emprisonné en Mauritanie, aurait été libéré.

Si cette prise d’otages a connu une issue heureuse qui est à saluer, les conditions dans lesquelles la libération des trois Occidentaux est intervenue soulève encore une fois ces questions: faut-il ou doit-on céder au chantage des preneurs d’otage en payant une rançon et en libérant des terroristes ? Il y a quelques mois seulement, l’ancien président du Mali, Amadou Toumani Touré, renversé le 21 mars, faisait l’objet des critiques les plus vives. On l’accusait d’encourager le paiement de rançon et la libération de présumés terroristes arrêtés pour entrée non autorisée sur le territoire malien et pour port illégal d’armes de guerre. A l’époque, en 2009, s’il a ainsi pu obtenir la libération d’un otage français détenu par Aqmi, il a également obtenu les foudres de l’Algérie qui a rappelé son ambassadeur pour consultation et de la Mauritanie qui a failli en venir à l’incident diplomatique. On lui reprochait également de manquer ainsi de fermeté dans la gestion de la lutte contre les groupes terroristes qui se servent du nord malien comme sanctuaire.

Les critiques pouvaient se comprendre car l’argent des rançons payées sert à payer les armes et le matériel militaire qui permettent aux islamistes de perpétrer des attentats à travers le monde, et leur libération permet aux terroristes de reprendre du service et de constituer une nouvelle menace pour les cibles visées.

Mais si le président Touré a été vivement critiqué, ces mêmes raisons pourraient être opposées au président burkinabé, Blaise Compaoré, qui s’est, depuis quelques années, spécialisé dans la libération d’otages contre rançon. Il est parvenu à faire libérer deux Espagnols, en 2010, et une Italienne, il y a quelques semaines. ATT était également soupçonné de prélever, avec certains membres de son entourage, des « commissions » sur les sommes colossales versées comme rançon. Le même soupçon est valable pour le président du Faso. Mais aussi pour le président Abdel Aziz de la Mauritanie, qui aurait fait libérer l’autre monnaie d’échange. Et selon des sources concordantes, il y aurait eu au moins trois terroristes de nouveau dans la nature, prêts à l’emploi, de même que d’autres qui, eux, seraient sortis des prisons algériennes.

En plus de libération de terroristes, il est certain que l’Algérie a également monnayé avec le Mujao la libération de trois des sept membres de son Consulat à Gao. Ils avaient été capturés par le mouvement islamiste, le 31 mars. Combien l’Algérie a-t-elle payé ou s’est-il agi d’un simple échange de prisonniers ? Ces questions resteront peut-être sans réponse officielle, mais il n’est un secret pour personne que les membres du Mujao sont loin d’être des anges. Abdoul Hakim et ses hommes ont créé depuis des années une «entreprise» criminelle grâce à laquelle ils excellent et prospèrent dans la prise, l’achat et la revente d’otages occidentaux.

Mais, selon plusieurs personnes qui ont approché ce mouvement, contrairement à Aqmi, il ne chercherait pas de l’argent pour mener des activités terroristes, se cantonnant dans divers trafics et dans la contrebande. Leur but serait donc l’argent uniquement. Or, on pourrait penser que le Mujao a raflé le jackpot. En effet, à en croire certaines informations en provenance des habitants qui le côtoie à Gao, le Mujao serait prêt à se retirer du nord. Il n’attendrait plus le top départ de l’armée régulière vers le nord pour disparaître dans le désert. Selon les mêmes sources, les islamistes répugneraient à abandonner les populations locales exposées aux risques de représailles au cas où le Mnla reviendrait. Il faut rappeler que beaucoup des membres du Mujao avaient déjà des liens étroits avec des familles de Gao. Pendant l’occupation, ils ont eu le temps de renforcer ces liens et d’en développer de nouveaux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la population a bénéficié de leur protection face au Mnla, et bénéficie très souvent de leur aide matérielle et financière. Et c’est aussi la raison pour laquelle les populations les ont aidées à se débarrasser des indépendantistes.

Aujourd’hui, si le Mujao veut se retirer de la scène, c’est très certainement parce qu’il a reçu d’énormes ressources. Quinze millions d’euros plus ce que l’Algérie et la Mauritanie cachent.

Cheick Tandina

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