Le mercure du bord du Djoliba est monté d’un cran depuis la fin de non-recevoir du CNRDRE aux oukases du syndicat des chefs d’État ouest africains. L’assujettissement de notre pays, y compris par la force, depuis la destitution de l’ancien locataire de Koulouba, était dans l’air du temps.
L’agression contre notre pays était attendue; elle a été menée de concert avec des mercenaires en appui (souvent habillés avec l’uniforme de l’armée malienne) depuis les premières heures de la nuit, toute la nuit du lundi à mardi jusqu’aux premières heures d’hier. Au moment où nous écrivions ces lignes (mardi à 11h55), nous entendions encore crépiter des armes.
Sursaut violent d’orgueil ou réaction corporatiste d’un corps d’élite, la garde présidentielle, frustrée pour avoir été mis à la touche et à l’écart de son domaine jusqu’ici réservé (la protection du président de la République)? Ou véritable tentative de contre coup d’État sur fond de manipulation et de zizanie entre les différentes composantes de l’armée nationale, histoire de diviser pour mieux régner au moyen de quelques corsaires infiltrés dont la mission serait de baliser le terrain pour le débarquement du corps expéditionnaire projeté depuis les premières heures du coup d’État du 22 mars?
Contre-coup d’État manqué
Que voulait-on? Contraindre par la force la junte à un casernement en prenant d’assaut le camp de Soundjata de Kati au besoin en assassinat le Capitaine Sanogo et ses camarades ? Redonner une chance au Mali à travers une transition en se débarrassant de la junte par un contre coup d’État? L’on voulait simplement par un coup de force redistribuer les cartes en s’emparant du pouvoir?
Suivant la version donnée sur les antennes de notre confrère Kayira, et pour qui connaît le formatage de l’armée, la réaction des «bérets rouges», hors le contexte de suspicion et d’intoxication, aurait pu se gérer et se limiter au cercle strictement militaire.
Mais le triple assaut sur le QG de la junte à Kati sis au Camp Soundjata de Kati, sur l’aéroport International de Bamako-Sénou renforcé depuis samedi avec 200 hommes supplémentaires et sur e siège de la Télévision nationale avec le carnage peut-il laisser d’équivoque sur l’intention des auteurs de ces attaques? Le modus operandi et l’implication désormais avérée de mercenaires infiltrés dans les combats procèdent du schéma classique d’un putsch téléguidé de l’extérieur et dénotent d’un certain professionnalisme guerrier.
L’action de protestation des «bérets rouges» restés fidèles à l`ancien président ATT a-t-elle été suscitée puis manipulée ou a-t-elle été simplement récupérée par des «individus malintentionnés» soutenus par des «éléments de l`étranger» et «par d’autres forces internes et obscures» ? La pluralité des nationalités des mercenaires arrêtés (Burkinabès, Sénégalais, Nigérians, Tchadiens, Ivoiriens….) peut laisser entrevoir un complot concerté, planifié et coordonné contre le Mali. Un Mali qui sans porter d’accusation univoque ne peut s’empêcher de s’interroger sur d’où vient le coup, pardon le contre-coup.
Un contre-coup de mercenaires hétéroclites mal inspiré, hors contexte dont le Mali à l’heure du retour de la normalité constitutionnelle, certes délicate et incertaine, n’avait nul besoin.
Les fidèles d’ATT?
Le crime profite, dit-on, à celui qui y a intérêt. Le fait que ce soit le Camp para, l’ex-garde présidentielle d’où est parti l’assaut sur l’aéroport, l’ORTM et Kati incite a priori, voire logiquement, la main du président déchu. DUGU TIGI KORO TE DUGU NYALEN FE.
Mais surtout si on ajoute aux dépêches des agences internationales parlant d’affrontement entre la junte qu’elle conjugue au passé et «les soldats loyalistes restés fidèles à l’ancien président ATT», l’incroyable jusqu’au boutisme (comme ce fut son propre cas le 22 mars) dont les hommes de son ancien aide de camp ont fait preuve jusqu’à leur chute aux environs de 13 heures, beaucoup de Maliens sont forcés de succomber à l’argumentaire. Mais le contre-coup a-t-il été orchestré par les fidèles de l’ancien président exilé à Dakar?
Mercenaires de la CEDEAO?
L’arrestation d’éléments infiltrés provenant de diverses nationalités, notamment de la sous-région, peut aussi indexer le syndicat des chefs d’Êtat sur lequel pèsent déjà de fort soupçons de nourrir des velléités d’opération commando contre la junte qui refuse depuis vendredi d’avaler les couleuvres de ses oukases.
Le syndicat des chefs d’État de la CEDEAO se serait-il payé les services de privés pour conduire sur Bamako un raid afin de contraindre le CNRDRE à se plier à ses exigences? L’habillement de certains mercenaires arrêtés avec la tenue militaire malienne selon plusieurs rumeurs incite fortement à croire que si le contre-coup est signé de la CEDEAO, cette dernière avait des complices à l’intérieur. Est-ce la raison pour laquelle, le Communiqué du CNRDRE parle d’«éléments pris proviennent de divers horizons et soutenus par d`autres forces internes et obscures»?
Forces obscures internes
Pour réussir un coup de force militaire, tout est dans le casting et dans le tempo. A quel moment la CEDEAO a-t-elle prise la décision de faire un contre-coup d’État au Mali ? Avant le niet du Capitaine Sanogo intervenu vendredi, la CEDEAO avait-elle une raison d’agir à moins qu’elle n’ait déjà tout planifié à l’avance préjugeant de la réaction du CNRDRE ? La capture d’une vingtaine de mercenaires infiltrés à Bamako de plusieurs nationalités suppose que l’opération avait été planifiée bien avant le week-end. Ce qui laisse entrevoir que l’opération avait été préparée et planifiée de l’intérieur et de longue date. Par qui et au profit de qui?
Au regard de la situation, beaucoup ont intérêt à voir notre pays sombrer dans le chaos.
Faut-il pourtant sombrer dans la délation et l’accusation légère?
C’est pourquoi, en attendant que tous les mercenaires et leurs complices soient identifiés et mis hors d’État de nuire, il convient de rester calmes et sereines, vigilants et mobilisés, et ne s’offusquer de voir les forces armées et de sécurité accomplir leurs devoirs régaliens de défense de la nation malienne, de restauration de la sécurité et de nettoyage de la merde. Dans le cadre et les limites de l’État de droit, mais aussi de l’intérêt et de la souveraineté du Mali qui ne saurait être laissé à la merci de corsaires de tous poils.
L’ennemi commun
Il faut se réjouir que les autorités républicaines civiles soient sorties indemnes de cette épreuve de force militaire et aient été sécurisées par les forces armées et de sécurités. Mais, s’il faut se réjouir de la capture de la bande mercenaires à travers lesquels l’on voudrait perpétrer le contre-coup et le condamner comme il se doit (à moins qu’il n’y ait de démocrates suffisamment courageux pour défendre un coup de force militaire contre un autre), il faut déplorer encore une fois le lourd tribut encore imposé à notre peuple par une dizaine de morts dont des soldats maliens tombés les armes à la main, notamment devant l’ORTM.
Et s’incliner sur leur sacrifice au service de la patrie. Il faut souhaiter prompt rétablissement aux blessés. Il faut enfin souhaiter apaisement, concorde et unité non seulement au sein de notre armée nationale, mais aussi dans l’ensemble de l’entité nationale pour faire face aux défis qui nous assaillent de toutes parts, dans l’indifférence des uns et dans la complicité à peine voilée des autres, pour qu’ensemble, en Maliens fiers et dignes héritiers de notre histoire glorieuse commune, nous puissions, à l’unisson, faire face à l’ennemi qui a découvert notre front et relever le challenge de notre devenir commun, notre avenir radieux.