À part, peut être, Modibo Kéita et Alpha Oumar Konaré, tous ceux qui ont dirigé le Mali ont volontairement ou par inadvertance lâché des phrases qui ont choqué l’opinion nationale. Mais derrière ces expressions souvent banales, se cachent-ils des desseins inavoués? Echappent-elles à nos présidents de la République par impulsion, verve ou lapsus? Difficile de répondre à ces interrogations. Pour en savoir plus lisez notre analyse juste pour se rafraichir les mémoires.
Au crépuscule de son régime Moussa Traoré promet l’enfer aux Maliens
À titre de rappel, en mars 1991 Moussa Traoré surchauffé par des manifestations sanglantes et destructrices des biens publics à Bamako exigeant son départ du pouvoir a fait une intervention radiodiffusée qui reste inoubliable.
S’adressant à la nation, le général Moussa Traoré (GMT) a promis en langue nationale Bambara de faire porter (si les manifestations ne cessent) ‘’une couronne d’enfer’’ sur la tête des éventuels instigateurs des troubles. À l’époque un président de la République du Mali prenait rarement la parole. Il avait même laissé entendre cette maxime : «Le taurillon ne connait pas le fauve, mais la vache (sa mère) le connait bien.»
Autrement dit, les enfants (en référence aux élèves et étudiants qui proféraient des slogans hostiles) peuvent ne pas répondre à : qui est Moussa ? Mais les parents de ces derniers (censés être les commanditaires des manifestations) connaissent bien de quoi, lui, Moussa est-il capable et comment est-il arrivé au pouvoir le 19 novembre 1968.
C’est pourquoi lors de son retentissant procès crime de sang (une première en Afrique) qui a suivi son renversement par ATT le 26 mars 1991, l’ancien président Malien a été tourmenté par deux questions principales. À savoir : qui a tiré et qui a donné l’ordre de tirer ? Qui a pu en trouver les réponses ? Personne ! Mais au vu des dégâts humains et matériels enregistrés, peut-on dire que Moussa Traoré a mis à exécution ses menaces ?
ATT imite les débiles et les déments avec ‘’fâtô ni laga laga tô’’ puis ‘’bébi babolo’’
Quant à l’homme fort du 26 mars 1991, lui aussi a dit que «Seuls les débiles et les déments prétendent à diriger le Mali.» En Bambara : «fâtô ni laga laga tô dé bè ke Mali prézidan yé.» Il a parlé ainsi en réponse aux coups bas orchestrés par les hommes politiques pressés de prendre les rênes du pouvoir. Pourtant, en 2002 et par ironie du sort le béret rouge a troqué ses galons contre les cérémonies protocolaires fastueuses, les bains de foule et les voyages à n’en pas finir. Qui ne veut pas se jucher au palais de Koulouba ?
Taxé de ‘’laxiste’’, la déliquescence et l’effondrement du Mali actuel ont été à tort ou à raison imputés à ATT. Où étaient les autres (qui se muent aujourd’hui comme des chrysalides) alors qu’ils avaient les mains dans la gestion du pays ? Cette accusation aussi se justifie. En fait, lors de sa traditionnelle émission ‘’Baroni’’ diffusée sur l’ORTM, le président ATT a martelé ceci : «Je n’humilierai aucun chef de famille en le mettant en prison. Celui qui détourne le denier public reste à son poste et travaille pour le rembourser», a ajouté ATT en langue nationale Bambara. Ces déclarations fracassantes concernant la lutte contre les délinquants financiers furent désapprouvées de façon unanime.
Pour le «bébi babolo», proféré devant les femmes à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la femme (le 8 mars), on préfère ne pas en parler à cause des tournures qu’il a prises. À l’époque, des griots et non des moindres ont voulu corriger ce dérapage de langage. Mais le vin étant tiré, il fallait le boire. C’est ATT qui aurait battu le triste record de dérapage verbal fait par un président Malien. Il a commis tant d’autres dont on fait l’économie dans le souci d’écourter le présent article.
IBK écorche les fils des pauvres
Qui est amnésique ? Cette domination planifiée a commencée depuis longtemps. Les très respectables présidents Maliens se ressemblent et s’assemblent parfaitement. «Si vous, les enfants des pauvres, vous n’étudiez pas, nos enfants viendront vous gouverner de la même façon que nous avons aussi gouverné vos pères», a vertement dit IBK alors Premier ministre du président Alpha Oumar Konaré.
Faut-il rappeler qu’il a tenu ces propos en réaction aux grèves répétitives des élèves et étudiants Maliens. Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) s’est également gaussé de l’opinion nationale en déclarant que «si l’on veut, on peut marcher jusqu’à Ségou.» Derrière ces propos incisifs se cache-t-elle une volonté à régenter ou à s’en ficher de l’avenir de la populace?
Son fils Karim Kéita étant devenu député et dont le beau père aussi Issiaka Sidibé dirige l’Assemblée nationale, on peut dire sans risque d’être contesté, qu’IBK est en train de préparer sa relève politique. Les faits qui parlent d’eux-mêmes prouvent que le pouvoir restera toujours concentrer entre les mains d’une minorité oligarque. Le président du Rassemblement Pour le Mali (RPM), réussira-t-il le coup que Karim Wade et son père Abdoulaye ont loupé au Sénégal ? Les interprétations vont bon train.
On ne doit pourtant pas oublier que l’homme propose Dieu dispose. À preuve, certains enfants issus des familles nanties ont du jour au lendemain basculé dans l’alcoolisme et la délinquance. Les responsables des structures nationales cités dans des malversations ne peuvent pas dire le contraire. Bon nombre de leurs enfants font partie des rebuts de la société. Ces filles et fils échouent-ils (au Maghreb, en Europe, aux Etats unis ou en Asie) parce que l’argent servant à financer leurs études dans des universités de renom est-il sale ? «Le bien mal acquis ne profite jamais», dit-on.
Dioncounda Traoré prédit le coup d’état au Mali
Face aux rumeurs prêtant l’intention à ATT de briguer un troisième mandat, Dioncounda Traoré alors président de l’Assemblée nationale du Mali a laissé entendre au cours d’une cérémonie, la probabilité d’un «coup d’état» dans l’optique d’une alternance de pouvoir dans notre pays. D’ailleurs, le lendemain, ses propos déstabilisateurs et révoltants étaient à la manchette d’un quotidien privé de la place. On pensait que le président ATT voulait amender par voie référendaire l’article 32 de la Constitution de février 1992 qui limite le quinquennat présidentiel à un renouvelable une fois.
À retenir au passage que le président du parti PIDS, en l’occurrence Daba Diawara fils de Gabou Diawara partisan fieffé de Modibo Kéita, a chapeauté le Comité d’appui à la reforme institutionnelle (CARI). Cette structure a fait des propositions visant à corriger certaines lacunes de notre Loi fondamentale.
Quelques mois après la publication des conclusions de ce comité restreint, l’inévitable s’est produit le mercredi 22 mars 2012 où une mutinerie revendicative, a-t-on dit, a mis un terme au régime démocratique du président ATT. Celui-ci est désormais exilé à Dakar (Sénégal) au même titre que Hussein Habré l’ancien président Tchadien. Ce pays qui n’a jamais connu de coup d’état est-il devenu un refuge pour les chefs d’Etat africains ?
Sanogo ne déroge pas à la tradition instaurée par ses pères
Comme si l’histoire se répète, l’infortuné chef de l’ex junte Amadou Haya Sanogo s’est permis, pour sa part, de rosser verbalement le Premier ministre Cheick Modibo Diarra au cours d’une de ses interventions à la télé. «Le jeune homme était devenu hautain, il dit ne pas savoir où aller remettre sa démission. Mais qui l’a mis à son poste actuel», a asséné l’ex homme fort de Kati.
En contraignant l’astrophysicien à la démission, le 13 décembre 2012, Sanogo aurait grossièrement insulté Cheick Modibo tout en le forçant à lire devant la caméra de l’ORTM une déclaration indigne. Quelques mois plus tard, Sanogo acculé par les sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) auxquelles s’ajoutent les critiques à l’intérieur de son pays a finalement libéré tous ceux qu’il avait arrêtés dans le cadre de sa lutte contre l’impunité. Il a renoncé ainsi à l’expression «tolérance zéro» dont il avait réussi à mettre en vogue.
Ayant mis fin au régime d’ATT le mercredi 22 mars 2012 et comme personne ne peut empêcher l’histoire d’évoluer, Amadou Haya Sanogo à son tour, fut arrêté le mercredi 11 décembre 2013. Aujourd’hui, il broie du noir entre quatre murs quelque part à Bamako.
Conclusion
Bref, il semble que la population en a désormais marre d’encaisser les dérapages verbaux de ses présidents de la République. Ceux-ci méritent autant d’honneurs dignes à leur statut. Cependant, les citoyens aussi doivent s’attendre à pareille considération de la part de leurs dirigeants. Si l’homme ordinaire commet une bourde on n’hésitera pas à le punir. Mais si la même est commise par les premiers responsables du Mali qui les punira ? À vous de répondre à cette question.
Oumar BAH