En votant massivement Ibrahim Boubacar Kéïta, les Maliens s’attendaient sans doute à retrouver à la fois un sauveur et un réconciliateur comme le fut Soundiata Kéïta, celui-là qui a libéré l’empire mandingue du joug de Soumangourou Kanté, et rassemblé tout le monde à Kouroukan fouga en vue de sceller la réconciliation et l’organisation de l’Empire. Mais vraisemblablement, son descendant aujourd’hui intronisé a beaucoup plus les allures du célèbre pèlerin Kankan Moussa qui est allé se faire voir à la Mecque avec des tonnes d’or. Ibk pourrait-il ici et maintenant redevenir le Soundiata bis dont nous avons besoin ?
Le Mali aujourd’hui est à la croisée des chemins. Au plan économique c’est la léthargie totale, tout le monde crie, le panier de la ménagère est plus que jamais dans la première loge des soucis. Au plan politico-sécuritaire la libération de Kidal demeure encore la priorité de priorités. Au plan social la réconciliation rampe comme Soundiata dans les sept premières années de son enfance. Et si personne ne vouait à Ibk le don du redressement économique, tout le monde le prenait pour l’homme de la situation, c’est-à-dire la solution à la rébellion. Ont-ils d’ailleurs raison ceux parmi nous qui ont dit que Ibk est plutôt le recours mais pas la solution ? Apparemment, il n’est pas pour le moment le recours contre la rébellion, ni le début de solution aux défis majeurs qui se posent à notre pays. Et pour causes ?
L’homme de poigne Ibk, en tout cas qualifié comme tel à l’unanimité, nous a laissés sur le quai en se donnant un agenda à l’antipode de tous les espoirs qui ont prévalu à son élection. C’est vrai qu’il n’a pas exposé pendant la campagne électorale ce programme machiavélique, sinon il aurait perdu les élections, d’intégrer les rebelles dans l’Assemblée nationale après avoir levé leurs mandats d’arrêt et les avoir inscrits sur les listes RPM, pour ensuite opérer d’interminables voyages à l’extérieur jusque dans les principaux foyers de soutien à la rébellion (Mauritanie, Algérie et Qatar) avant de se mettre à l’écoute des Maliens ne serait-ce que pour les remercier de son élection et de partager leurs soucis relatifs à la résolution de la crise. Mais comment allez à la rencontre des Maliens si le désir caché serait de coopérer plutôt avec ceux dont le dessein est l’indépendance de l’Azawad pour créer au Mali leur espace de passe-droit à la criminalité organisée autour de la drogue, des prises d’otages, des vols de bétail et même du viol de nos femmes et sœurs …
Le Qatar invité à s’investir au Mali en cette période où le MNLA n’est pas désarmé, c’est encourager cette mafia à renforcer ses tentacules pour l’indépendance de l’Azawad. Et l’on a comme l’impression que Ibk fait recours à sa famille et belle famille dans l’attelage politique de prise de décisions en vue de soutiens inconditionnels et de contrôleurs immuables pour faire prendre ses désirs pour des vérités. Alors crier sous tous les toits qu’il n’est pas question de discuter avec des hommes en armes, c’est à la fois de la poudre aux yeux et un non sens. La poudre aux yeux car déjà les premiers responsables de la rébellion sont à l’Assemblée Nationale après avoir été reçus par Ibk au Palais présidentiel. Un non sens car on ne saurait désarmer l’ennemi qu’après l’avoir vaincu ou l’avoir convaincu, par l’entremise du dialogue, de la réalisation de ses objectifs en partie. Or Ibk jusqu’ici n’a pu faire ni la guerre contre les rebelles, ni ouvrir le dialogue prévu depuis deux mois après son accession au pouvoir. Alors qui trompe qui ? Si tant est-il qu’il faille désarmer d’abord les rebelles, alors il ne faudrait plus jamais de dialogue, il faut les vaincre par les armes et leur imposer, comme à tous, les lois et décisions en vigueur au Mali. C’est aussi simple que ça.
De ce qui précède, il est clair que le Mali est loin d’avoir son Soundiata bis, le conquérant, le libérateur, le rassembleur, l’homme de Kouroukan fouga pour l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens. Par contre, Ibk d’un certain point de vue est à comparer à Kankan Moussa, le célèbre pèlerin qui a emporté des tonnes d’or à la Mecque, dit-on pour vendre (en image) le Mali. Mais sept siècles après lui, le Mali restera méconnu, à l’exception de Tombouctou, et il aura fallu nos artistes pour vendre le Mali. Il ne nous reste qu’à prier Le Bon Dieu afin qu’il fasse de notre Ladji Bourama (lui aussi est parti à la Mecque puis au Qatar, gardez le sourire !) un Soundiata bis.
Mamadou DABO