La gestion du coup d’Etat du 21 mars a été émaillée de nombreux actes répréhensibles: enlèvements de personnes, agressions physiques, vols. Le gouvernement promet toujours de réagir, mais personne n’est poursuivi. Peut-on continuer à lui faire confiance dans ces conditions ?
Mercredi, le ministre togolais de l’Intérieur a eu l’honnêteté de reconnaître publiquement que les forces de sécurité sont bien responsables de l’agression physique dont Jean Pierre Fabre a été l’objet récemment. Il a reconnu également la responsabilité de ses hommes dans la violation et le saccage du domicile de l’opposant. Le gouvernement a décidé de prendre toutes les sanctions qui s’imposent afin que pareil cas ne se reproduise plus. Dans ce même pays, les autorités ont permis à la Commission nationale des droits de l’Homme de mener une enquête qui a abouti à la confirmation d’actes de torture sur Batcha Gnassingbé, le frère du chef de l’Etat togolais, emprisonné pour tentative de coup d’Etat.
Ici au Mali, c’est tout le contraire car c’est à peine si l’on n’est pas tenté de croire que le Gouvernement couvre les agresseurs ou est en train d’étaler au grand jour son incompétence. En effet, au lendemain de l’agression du président de la République, Dioncounda Traoré, trouvé jusque dans le palais présidentiel le 21 mai dernier, le Gouvernement a promis de mener une enquête pour situer toutes les responsabilités. Aux dires du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, les auteurs, commanditaires et complices seraient poursuivis et punis conformément aux dispositions de la loi en vigueur, de même que tous ceux qui se rendront coupables de tels méfaits. Mais cela fait plus de deux mois que Dioncounda Traoré, qui a vu l’ange de la mort passer tout juste à côté de lui, a été évacué à Paris, et que l’enquête «suit son cours» sans que l’on puisse informer de son évolution pour que les populations sachent à quoi s’en tenir. Il est vrai, certaines personnes avaient été interpellées, mais…pour troubles graves à l’ordre public. Ce qui est encore très loin de ce crime resté impuni.
A quelques temps de là, Arby Baby, directeur de la publication de L’Agora, a été enlevé et séquestré pendant une dizaine de jours, avant d’être relâché. Birama Fall, directeur de la publication du bi-hebdo Le Prétoire, sera gardé pendant plusieurs heures pour interrogatoire sur un article qu’il n’a jamais voulu publier, mais dont les services de sécurité ont eu vent grâce aux écoutes téléphoniques qu’ils s’autorisent sans aucune base juridique. Pendant de longues heures on s’évertuera «consciencieusement» mais sans succès, à lui demander ses sources d’information. Mais quelque soit la torture morale à laquelle Arby Baby et Birama Fall ont été soumis, ils ont plus de chance que Abdramane Kéita, directeur de la rédaction de L’Aurore, et, surtout, Saouti Labass Haïdara, directeur du quotidien L’Indépendant. En effet, ces deux hommes ont été soumis à une véritable torture morale et physique. Enlevés, ils ont été amenés à des dizaines de kilomètres hors de la ville pour être tabassés, le premier, à la veille de son mariage. Ils ont été battus si haineusement, si férocement, si violemment que le second a eu, en plus de nombreuses autres blessures, un bras fracturé. Leurs tortionnaires avaient le sens si aigu du donner et du recevoir qu’ils leur ont donné des coups pour leur prendre leurs sous.
Comme dans le cas du président de la République, et comme ce sera le cas d’autres, le gouvernement a promis de faire mener des enquêtes en vue de faire toute la lumière sur ces affaires, et d’en poursuivre les auteurs, commanditaires et complices qui seraient poursuivis et punis conformément aux dispositions de la loi en vigueur. Mais tout comme Dioncounda Traoré qui attend depuis des mois, les agressés sont déjà prêts à prendre leur mal en patience, sachant que ces enquêtes ne sont pas près d’aboutir. Ne serait-ce pas l’histoire de cette femme qui cherche dans tous les sens une aiguille sur laquelle son pied est posé intentionnellement ?
Parce que les témoins et les agressés sont formels: même si les agresseurs étaient encagoulés pour faire encore plus peur, comme dans ces films de mauvais goût, ils portaient des «Rangers» et des Kalachnikov. Ce ne sont pas les marques distinctives de n’importe quel bandit, même de grand chemin. Ces attributs, des chaussures militaires et des armes de guerre, sont des dotations de l’Etat. Et ils ne sont pas légion ceux à qui ils les donnent gracieusement. Et beaucoup de ces attributaires sont justement ceux-là mêmes dont le travail consiste à mener des enquêtes pour identifier et poursuivre les auteurs, commanditaires et complices de crimes divers. Pour une fois auront-ils l’honnêteté et la décence de faire comme les services de sécurité du Togo en fournissant un rapport correct ?