Le vice-président du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Mahamadou Djéri Maïga, rêve d’indépendance pour l’Azawad et insiste sur le maintien de la médiation du Burkina à l’heure qu’il est. M. Maïga égratigne au passage l’Algérie et le président de la République, IBK, qu’il tente même de menacer… Entretien à bâtons rompus avec un homme qui crache le feu sur son pays.
Le vice-président du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Mohamed Djéri Maïga nous a reçus le lundi 3 février 2014 aux environs de 16 h dans sa chambre d’hôtel sous protection onusienne dans le quartier de Niaréla à Bamako. Un entretien qui a duré plus de 2 heures. Celui qui est le vice-président du MNLA conduit depuis le dimanche une délégation des groupes armés à Bamako qui a rencontré la mission onusienne qui séjournait dans notre pays.
Selon notre interlocuteur, les groupes armés ont réaffirmé à la mission onusienne leur volonté d’aller aux négociations avec Bamako, mais préfèrent qu’elles se tiennent dans un pays neutre, où chacun se sentira en sécurité.
« De la même manière que nous ne nous sentons pas en sécurité à Bamako, de cette même manière, les négociateurs de Bamako ne se sentiront pas en sécurité quelque part sur le territoire de l’Azawad. La preuve, c’est que pour qu’on puisse rencontrer la délégation onusienne à Bamako, on nous a amenés dans des blindés ».
Mais où aller négocier ? Pour Mahamadou Djéri Maïga, il ne faut pas se détourner du Burkina Faso qui reste le médiateur de la Cédéao et que sans cette Cédéao, il n’y aurait pas de pouvoir légitime aujourd’hui à Bamako. Le Burkina s’est impliqué dans la résolution de cette crise au moment où personne ne voulait s’en mêler, dit-il.
« Même l’Algérie qui veut revenir dans la médiation aujourd’hui ne voulait pas se mêler en son temps. Il ne faut pas être ingrat envers le Burkina Faso. Pour nous, le rôle de l’Algérie doit être d’appuyer le processus, de montrer les faiblesses des accords passés pour que la médiation sache à quoi s’en tenir. Il faut dire grand merci à Blaise Compaoré grâce à qui il y a eu l’accord de Ouagadougou et c’est cet accord qui a permis la tenue de la présidentielle pour qu’IBK devienne président de la République. Mais, aujourd’hui c’est ce même IBK qui fait le pacha et qui, pour des raisons politiciennes, veut aller vers l’Algérie ».
Le Maroc comme facilitateur
Une reconnaissance envers son hôte ? Non, répond Djéri Maïga. « Blaise a accepté de nous loger chez lui, mais ce que les Maliens doivent savoir, c’est que si on n’avait pas été logé par le Burkina, on serait venu chasser les militaires maliens de notre territoire parce qu’on ne pouvait pas rester dans la nature et laisser l’armée malienne occuper l’Azawad. L’Azawad, c’est chez nous ».
Qu’en est-il du déplacement du chef du MNLA au Maroc ? Selon notre interlocuteur, c’était une visite de courtoisie et aussi d’inviter le Maroc à s’impliquer dans la facilitation de la médiation, mais pas à se substituer au médiateur. D’ailleurs, dit-il, ces genres de missions seront conduites en Europe prochainement.
Alors que Bamako se penche pour une médiation algérienne, pourquoi le MNLA se montre réticent avec Alger ? Pour Mahamadou Djéri Maïga, « l’Algérie ne veut pas de la présence de l’armée française à ses frontières. Elle ne veut pas aussi d’une autonomie pour l’Azawad parce que cela pourrait empêcher le retour de ses terroristes au Mali. Elle veut qu’on revienne à la décentralisation, que le désordre revienne et en complicité avec l’Etat malien, faire revenir ses terroristes sur le territoire de l’Azawad pour combattre le MNLA ».
Qu’en est-il du cantonnement des combattants comme prévu par l’accord de Ouaga ? Pour M. Maïga, « depuis longtemps, nous avons demandé le cantonnement, mais le gouvernement malien veut qu’il se fasse uniquement à Kidal et non à Gao et à Tombouctou. C’est pourquoi il y a ce blocage qui fait que les terroristes continuent de circuler sur le territoire de l’Azawad. C’est l’Etat malien lui-même qui ne veut pas que les terroristes finissent dans l’Azawad parce qu’il veut les utiliser contre nous ».
Quoi négocier ? A en croire notre interlocuteur, la décentralisation est venue dans le sang et n’a rien résolu dans la situation. « La gestion de l’Etat comme on le voit maintenant, nous ne l’acceptons pas. Il faut un statut juridique pour l’Azawad, qui doit être l’autonomie. En ce moment on aura un Etat fédéral au Mali. Où est le Mali qui ne peut pas aller au fédéralisme pour avoir la paix ? Avec le fédéralisme, le pouvoir sera rotatif entre le Sud et le Nord. Après un Sudiste, viendra un Nordiste à la présidence de la République. Et vous ne proposerez pas un tel schéma à un Azawadien sans qu’il ne soit d’accord avec vous. Aussi, le territoire est très vaste et sa maîtrise passe par un fédéralisme, l’Etat central seul ne peut pas ».
Ce fédéralisme peut-il conduire un jour à l’indépendance ? Pour Mahamadou Djéri Maïga, pourquoi pas. « Nous avions demandé une indépendance, mais les Etats du monde ne nous ont pas compris et nous sommes revenus à la raison en proposant l’autonomie, mais cela ne veut pas dire qu’on renonce à l’indépendance. Je n’ai jamais renoncé à l’indépendance. C’est moi qui ai créé le MNA et c’était dans le but d’obtenir cette indépendance. J’ai même été plusieurs fois en prison pour ça. Aujourd’hui, on n’a pas la force de réaliser notre objectif parce qu’on ne peut aller seul, mais on ne renonce pas à l’indépendance ».
Comment aller au fédéralisme sans une nouvelle Constitution ? Pour notre interlocuteur, la Constitution actuelle du Mali n’engage pas les Azawadiens, car elle constitue un problème. « C’est parce que cette Constitution est un problème qu’IBK l’a délibérément ignorée dans sa prestation de serment. La Constitution actuelle ne nous engage pas. Dans tous les cas, cette fois-ci, ce n’est pas une rébellion pour les grades. Elle est territoriale et politique ».
Pour Djéri Maïga, en disant qu’il ne discutera plus avec les groupes armés, IBK rejette l’accord de Ouagadougou, mais il doit savoir que c’est grâce à cet accord que la présidentielle a été tenue.
« IBK croyait qu’il était plus fort qu’ATT et Moussa, mais il ne l’est pas. Nous sommes en train de lui tendre la main comme on l’a fait avec ATT en 2010. ATT ne nous a pas compris et il est parti par la crise, et si IBK ne fait pas attention, il va aussi partir avec la crise. S’il pense que les forces étrangères vont nous combattre pour lui, il se trompe. Nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes sur notre territoire, nous avons des droits et nous n’avons pas refusé de négocier. Les rebelles maliens ne sont des criminels comme ceux du Sud-Soudan ou de la Centrafrique ».
ATT, Alpha, IBK, Soumeylou à la pendaison
Pour notre interlocuteur, IBK a déçu. « On croyait que devenu président, IBK allait donner un autre sens à l’Etat et comme ça, on allait même adhérer. Moi, je prenais même IBK pour un père, mais c’est la déception. Vous avez vu qu’il n’a même pas été reconnaissant envers Sanogo grâce à qui il est devenu président. Je ne suis pas pour Sanogo et je n’admets pas la manière par laquelle il a tué des soldats, mais je désapprouve le fait qu’il ait été humilié de la sorte. Si Sanogo n’avait pas fait son coup d’Etat, IBK sait bien qu’il n’allait jamais devenir président. En tout cas pas avec ATT. Mieux, Sanogo s’est investi lors de la campagne en faveur d’IBK. Ce n’est pas comme ça que des gens comme Soumeylou Boubèye Maïga devraient l’humilier. Lui Soumeylou que Sanogo a traité avec tolérance par rapport aux autres prisonniers comme les Modibo Sidibé, les Sadio Gassama, ne devrait pas agir de la sorte contre lui. Il faut être humain et reconnaissant. C’est ce que Dieu même recommande ».
A en croire le vice-président du MNLA, un pays est fondé sur un contrat social et les Azawadiens ne veulent plus de l’actuel contrat du Mali. Ils veulent un nouveau contrat social pour le Mali.
M. Maïga n’a pas manqué de citer nommément les coupables de la déchéance que le Mali a connue. Ils s’appellent ATT, Alpha, IBK, Soumeylou.
« ATT, Alpha, IBK, Soumeylou sont des gens qui doivent être tous pendus. Ce sont des gens qui ont détruit ce pays et tant qu’ils seront en vie, le problème ne sera jamais résolu. Quand ATT distribuait des grades de complaisance, ethnicisait l’armée, confiait le commandement à des gens comme Gamou ou Ould Meydou au détriment des valeureux officiers sortis de l’Emia, IBK était là, mais n’a rien dit. Quand les terroristes s’installaient au Mali en 2003, IBK était président de l’Assemblée nationale, mais n’a rien dit. S’agissant d’Alpha Oumar Konaré, il a par exemple détruit notre école et joué au népotisme en faisant de son fils un officier alors qu’il ne valait rien. Soumeylou a quant à lui trahi la révolution. Il a oublié ce qu’on disait à Moussa Traoré ».
Notre interlocuteur de faire cette révélation de taille : « Dire qu’ATT n’avait pas l’armement nécessaire, c’est faux. ATT avait les armes, mais il n’avait pas d’hommes. Les militaires maliens ont tous fui. Il n’y a pas une partie de Kidal que Sanogo ne connait pas, mais ils ont fui comme l’a dit le chanteur qui a été censuré dans le temps (Ndlr : Roberto Magic Sapeur) ».
Pour un futur homme d’Etat, c’était la hauteur d’esprit et non la délation ou le mélange des genres qui pouvait faire la différence. Dommage !
Abdoulaye Diakité