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A l’ombre de l’intervention au Mali, répression et intimidations se poursuivent au Tchad
Publié le samedi 8 fevrier 2014  |  Mediapart


© AFP par STR
Retrait progressif de soldats engagés au Mali: Accueil triomphal réservé au premier contingent tchadien
Lundi 13 mai 2013. N’Djamena


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Marielle Debos (Maîtresse de conférences en science politique à l'Université Paris Ouest Nanterre)

Alors que la France et la communauté internationale saluent l’engagement du Tchad au Mali et l’efficacité de son armée, à N’Djamena, des militaires, des élus et des journalistes sont arrêtés ou inculpés. Si l’on ne sait rien de la présumée «tentative de déstabilisation» dénoncée par le gouvernement, ces événements nous rappellent que le régime d’Idriss Déby, parvenu au pouvoir par les armes en 1990, ne s’est jamais illustré par son respect de la liberté de la presse et des procédures démocratiques et judiciaires.

Que se passe-t-il dans cet Etat censé être un allié de la France dans la «guerre contre le terrorisme» et un pôle de stabilité dans une région sahélo-saharienne en crise ? Si la fin de la guerre par procuration que se sont livrée le Tchad et le Soudan entre 2005 et 2010 a apporté un semblant de paix, les problèmes internes au Tchad n’ont jamais été réglés : la mauvaise gestion des ressources du pays, l’impunité dont bénéficient les proches du régime, les pratiques illégales et violentes de certains militaires.

Ces dernières années, le régime a pourtant beaucoup fait pour faire oublier les violences passées et célébrer l’entrée du pays dans le capitalisme pétrolier. Dans la capitale, on ne voit plus de traces des combats qui ont opposé, il y a un peu plus de cinq ans, les forces gouvernementales à la coalition rebelle. De grands travaux ont été entrepris, au risque d’un manque de cohérence et au prix du «déguerpissement» parfois brutal des habitants des quartiers concernés. Des immeubles ont été construits, de nouvelles routes tracées, de coûteux monuments érigés sans que l’ambition affichée de transformer N’Djamena en vitrine de l’Afrique centrale ne parvienne à faire oublier que l’argent du pétrole, exploité depuis 2003, qui devait être investi dans les secteurs prioritaires (éducation, santé, infrastructures, développement rural et environnement), a aussi été utilisé pour acheter des armes et récompenser les affidés. Le Tchad, qui nourrit des ambitions régionales pas toujours légitimes comme en République centrafricaine, tente de s’imposer comme un élément incontournable dans la région en prenant notamment un rôle central dans la rénovation de la Communauté des Etats sahélosahariens (Censad) mise à mal par la chute du colonel Kadhafi.

Les nouveaux habits et les nouvelles ambitions du régime n’ont cependant pas transformé les instruments du pouvoir. Il faut se souvenir que l’opposition civile n’a pas été épargnée par celui qui affirmait pourtant, après avoir renversé Hissène Habré, n’apporter «ni or ni argent» mais «la liberté». En février 2008, alors que la coalition rebelle était à quelques encablures du palais présidentiel, l’un des principaux opposants, Ibni Oumar Mahamat Saleh, était arrêté par les forces gouvernementales. Il est toujours porté disparu. Il n’est pas question de rouvrir le dossier, a signifié Idriss Déby aux journalistes venus l’interviewer début mai. L’affirmation devrait faire réagir les camarades d’Ibni au sein de l’Internationale socialiste, notamment le président Hollande qui, après avoir retardé la visite officielle de son homologue à Paris, a fini par s’accommoder de ses casseroles quand se profilait l’intervention au Mali.

Si le recours à la violence contre les opposants civils reste (heureusement) exceptionnel, le régime est parvenu à affaiblir et à diviser l’opposition par un habile mélange de cooptation et de répression. L’arbitraire d’Etat se manifeste par des pressions et des menaces mais aussi par les petites tracasseries infligées à ceux qui dérangent. La relative liberté d’expression que l’on peut observer (propos critiques tenus dans les médias, une vie associative et syndicale riche) s’accompagne de mécanismes insidieux qui visent à décourager toute action collective et à isoler ceux qui seraient susceptibles de construire une alternative au régime. En outre, alors que dans la capitale et dans les villes du Sud du pays des voix dissonantes se font régulièrement entendre, la vie politique reste extrêmement contrôlée dans le Nord et l’Est, des régions considérées comme stratégiques par N’Djamena.

Si l’intervention du Tchad au Mali a déjà été coûteuse humainement et financièrement, il ne faudrait pas que les Tchadiens et les Tchadiennes paient un autre prix : celui de la rente diplomatique offerte à un Etat qui est loin de ressembler à l’îlot de stabilité et de paix rêvée par la diplomatie française.

Marielle Debos, auteure de «Le Métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l’entre-guerres», éditions Karthala, 2013.

Cette tribune a été publiée dans le quotidien Libération le 28 mai 2013 sous le titre "Pendant la guerre au Mali, au Tchad..."

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