Animant une adversité farouche légendaire sur le Sahara occidental, comment peuvent-ils cohabiter dans une médiation efficace et salutaire au Mali ? Le moins qu’on puisse reconnaître, est que les relations bilatérales entre notre pays et le Royaume chérifien, connaissent un regain d’intérêts, après une période de brouille entre nos deux pays, liée à une divergence de vues sur ce qu’il convient d’appeler « l’Affaire du Polisario », dans laquelle, le Maroc était partie prenante. Ces périodes difficiles sont désormais rangées dans les tiroirs des oubliettes puisqu’il y a un tonitruant retour en grâce du Maroc dans les relations bilatérales avec le Mali. Déjà, le ton avait été donné par la présence si rarissime de sa majesté le Roi VI du Maroc à la cérémonie solennelle d’investiture du président de la République, IBKet sa prise de parole devant un parterre de chefs d’Etat africains, de la France et d’autres invités de marque.
Au cours de son séjour, le souverain marocain multipliera les apparitions publiques, signe évident d’un rapprochement politique qui sera magnifié par le renforcement spectaculaire de la coopération économique, sanitaire, humanitaire, culturelle et sociale.
L’hôpital de campagne, installé aux pavillons des sports du stade Omnisports à Médina Coura ; la formation des imams maliens au Maroc ; les facilités royales pour les déplacements internationaux d’IBK ; les déclarations d’intentions pour la réalisation d’infrastructures gigantesques au Mali ; les initiatives inédites en matière de renforcement des capacités sécuritaires (une quarantaine d’agents en formation sur la garde rapprochée)… sont autant de signaux forts d’une volonté profonde de coopération bilatérale requinquée qui sera au Zénith dans les prochaines heures à l’occasion de la venue de sa Majesté le Roi, au Mali, deuxième du genre, en quelques mois.
Entre temps, autre nouveauté et de poids, l’intrusion du Maroc dans la médiation pour une paix durable au nord du Mali, avec la réception d’éminents responsables du MNLA, de façon solennelle avec photos et communiqués émanant du palais chérifien.
Pour les observateurs avisés qui comprennent l’importance des symboles dans la gestion et la communication royales, il est à présent clair que dans ce domaine géopolitique et géostratégique si sensible de la paix dans le sahel, le Maroc affiche clairement ces ambitions de vouloir peser plus lourd, à défaut d’être incontournable.
A la bonne heure, nous Maliens et autres Nigériens, devront dire qu’avec ses moyens financiers, militaires et diplomatiques, le Maroc peut valablement être un bon partenaire pour la stabilisation d’un Sahara déchiré par le narcotrafic, la criminalité transfrontalière et un djihadisme de mauvais aloi.
Mieux, une coopération plus étroite entre les services de sécurité marocains et français, pourrait être la clé pour, progressivement et durablement, enrayer le terrorisme dans le sahel.
Mais, ce schéma idéal, risque de rencontrer une opposition majeure, à savoir une éventuelle déstabilisation coordonnée par le frère ennemi du Maroc, la république algérienne. A l’évidence, un renforcement diplomatique marocain dans une zone que l’Algérie a jusque- là considérée comme « son pré carré », ne peut être acceptable. Aussi, l’Algérie voit-elle particulièrement, d’un mauvais œil, le rapprochement spectaculaire entre Marocains et Maliens. Et cela dans tous les domaines, singulièrement dans la médiation sur la problématique Kidal. Quelle attitude le Mali doit-il alors adopter, pour éviter d’être le nouveau théâtre de l’antagonisme quasi irrépressible entre le Maroc et l’Algérie ? La question est d’importance et, de sa résolution, dépendront la paix et la stabilité au nord Mali, voire l’ensemble du Sahel.
C’est dire que les autorités maliennes, doivent faire preuve de vigilance mais aussi de fermeté sur la défense des intérêts exclusifs du pays. Force est de reconnaître que l’Algérie a, de tous les temps, été le médiateur leader dans les différentes crises dans le septentrion national. Mais, avec quels résultats ? Si ce n’est un échec patent. Le moins qu’on puisse dire, est que l’Algérie n’a jamais pu ou voulu d’une paix durable.
Des accords de Tamanrasset à ceux d’Alger, le résultat aura toujours été plus une accalmie qu’une véritable paix, toujours au détriment de l’état et la République malienne. « Peut-on retrouver une aiguille enfouie sous le pied de celui qui la cherche » ? Quelle est la nature véritable des relations entre les divers protagonistes de la crise malienne ? Compromis ou compromission ?
C’est dire que le Mali doit saisir la nouvelle perche tendue par le Maroc, en tirer tous les profits possibles pour enfin s’assumer et coordonner toutes actions idoines pour la sécurité et la réconciliation nationale. Mais, le Mali ne doit jamais perdre de vue quelques données majeures que sont les 1400 Kms de frontière avec l’Algérie, son antériorité dans la gestion de la crise malienne, et surtout sa capacité de nuisance qui la rendent quasi incontournables.
Le président IBK et le gouvernement doivent donc rechercher un équilibre délicat pour éviter à notre pays d’autres crises encore plus profondes. Sachant qu’en la matière, encore une fois, un pays ou, dans le cas d’espèce, un Royaume a certes des amis, mais surtout des intérêts. Alors quelle contrepartie malienne, le Maroc peut-il escompter ?