Pour passer entre les mailles du filet de la répression de l’enrichissement illicite : Un haut cadre de la Douane met en vente une partie de ses 25 villas
La lutte contre la corruption et la délinquance financière vient de connaître une nouvelle tournure avec le dépôt devant la nouvelle Assemblée nationale d’un projet de loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. Compte tenu de l’ampleur donnée à cette lutte sous le régime d’IBK, des fonctionnaires ayant fait fortune et bâti des villas et immeubles par la fraude, la corruption et le vol sont en train de se débarrasser de leurs biens afin d’échapper aux mailles du filet des nouvelles dispositions de la loi portant répression de l’enrichissement illicite à l’examen devant la représentation nationale. Raison pour laquelle un haut fonctionnaire, en poste depuis plus de dix ans dans une structure des services de l’assiette (la douane), vient de proposer à la vente une bonne partie de ses 25 villas et immeubles.
L’ordre du jour de la présente session extraordinaire de l’Assemblée nationale, ouverte le 22 janvier 2014, figure en bonne place l’examen du projet de loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. L’article 2 du texte soumis aux députés définit, en effet, l’enrichissement illicite comme » l’augmentation substantielle du patrimoine » ou » un train de vie » que la personne concernée ne peut justifier par ses » revenus légitimes « .
Selon l’article 3, est susceptible d’être poursuivie pour enrichissement illicite » toute personne physique, civile ou militaire dépositaire de l’autorité publique, chargée de service public, même occasionnellement, ou investie d’un mandat électif; tout agent ou employé de l’Etat, des collectivités publiques, des sociétés et entreprises d’Etat, des établissements publics, des organismes coopératifs, unions, associations ou fédérations desdits organismes; des associations reconnues d’utilité publique; des ordres professionnels ; des organismes à caractère industriel ou commercial dont l’Etat ou une collectivité publique détient une fraction du capital social; de manière générale, toute personne agissant au nom ou pour le compte de la puissance publique ou avec les moyens ou ressources de celle-ci « .
De la déclaration de patrimoine.
L’article 9 du texte définit la liste des agents publics assujettis à déclarer au président de la Cour suprême leur patrimoine avant d’entrer en fonctions et après avoir cessé leur fonctions. Sont assujettis à la déclaration de biens : ministres ou personnes ayant rang de ministres, chefs d’institutions, vérificateur général, médiateur de la République, gouverneurs, ambassadeurs, consuls généraux, préfets, sous-préfets, élus nationaux et locaux, directeurs nationaux, directeurs de services ou d’entreprises publiques, directeurs des finances des ministères, chefs des autorités de régulation, chefs d’états-majors et directeurs des services centraux de l’armée, de la garde, de la gendarmerie et de la police; directeurs et régisseurs des domaines, des impôts, des douanes, du trésor et des services assimilés; comptables ou agents financiers des collectivités locales, agents chargés de la passation des marchés publics…tout agent de l’Etat, des collectivités locales ou des établissements administratifs publics chargés de la fonction d’ordonnateur ou de comptable public.
La déclaration se fait suivant un modèle fixé par décret présidentiel. Le refus de déclaration ou les déclarations fausses entraîneront la révocation et des poursuites pénales.
Étant dans une situation où il ne peut justifier la provenance des biens qui lui ont permis de construire pas moins de 25 villas et immeubles dans la seule ville de Bamako, un haut cadre douanier vient de proposer à la vente une partie de ses biens immobiliers dont l’un des fleurons, un immeuble de plusieurs niveaux, se trouve tout juste près du pont de l’amitié sino-malienne. Dans l’état où les choses évoluent, il est évident que ce dernier ne sera pas seul à chercher des clients pour liquider une bonne partie de ses réalisations afin d’éviter que le futur Office central de lutte contre la corruption, chargé de la prévention et la répression de la corruption et de l’enrichissement illicite, ne transmette son dossier au Pôle économique et financier, seul habilité à poursuivre conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et sous réserve d’autres dispositions particulières.
Rappelons qu’en cas de condamnation pour enrichissement illicite, le tribunal compétent « prononce une décision de confiscation des fonds et des biens qui forment le produit de l’activité criminelle... ».
Il est à souligner que la loi en vigueur » portant répression du crime d’enrichissement illicite » date de 1982 et il n’a jamais fonctionné depuis l’avènement de la démocratie qui a vu la floraison d’une race de fonctionnaires multimillionnaires voire milliardaires au Mali. Qu’en sera-t-il de la nouvelle loi à l’examen devant la représentation nationale?
Mamadou FOFANA