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L’Indépendant N° 3441 du 18/2/2014

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L’ancien premier ministre se prononce sur la crise du nord Mali : Ahmed Mohamed Ag Hamani propose «cinq préalables au dialogue devant conduire à une paix durable et une réconciliation nationale»
Publié le mardi 18 fevrier 2014  |  L’Indépendant


© aBamako.com par A.S
Conference-débat: Coordination Malienne des Organisations Démocratiques (COMODE)
Bamako, le 21 décembre 2013 (Maison de la presse). sur le thème: "Les Rebellions Récurrentes dans l`Adora des Ifogas, Régions de Kidal", a eu lieu une conference débat organisée par la Coordination Malienne des Organisations Démocratiques (COMODE).


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La sécurité dans l’espace sahélo-saharien, l’implication effective des vrais acteurs, représentants légitimes de la population, le renforcement de l’autorité de l’Etat, une juste perception du cas de Kidal et la gestion du retour des déplacés et des refugiés. Tels sont les cinq préalables proposés par l’ancien ministre de Moussa Traoré et ancien premier ministre du président ATT.

Ahmed Mohamed Ag Hamani par ailleurs un ami de longue date de l’actuel président IBK. C’est donc un observateur averti et un fin connaisseur du problème du nord, qui développe ces propositions de sortie de crise dans cette contribution qu’il a intitulée » Problématique de la crise du nord du Mali à l’heure actuelle : Maintenir le cap « . Nous vous la proposons en intégralité.

I – LE NOUVEAU CONTEXTE
Les nouvelles dispositions du Gouvernement malien dans la recherche de résolution de la crise du septentrion national sont hautement salutaires.

En décidant de prendre ses responsabilités, assurer le leadership de l’indispensable dialogue politique inclusif entre toutes les communautés pour une paix et réconciliation véritables, et cela sur le territoire national, le Mali donne des gages de volonté politique encourageants.
Il ne s’agit nullement de récuser ceux de nos amis et frères de la CEDEAO, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, du Système des Nations Unies ou des Etats Unis d’Amérique qui, dans un élan rarement constaté jusque là, ont volé au secours d’un Mali dont l’existence était compromise et qui, de ce fait restera éternellement reconnaissant.

Bien au contraire, l’appropriation de la médiation par le Mali participe de sa volonté d’apporter cohérence et efficience dans des initiatives souvent cloisonnées, régies par des agendas parfois différents, quand elles ne contribueront à terme qu’à se neutraliser.
Enfin, elle est la résultante du contexte politique nouveau, avec un Président de la République élu à l’issue d’élections exemplaires et une Assemblée Nationale fraîche venant parachever le retour à la normalité constitutionnelle.

C’est donc un Mali nouveau, conscient des enjeux, respectueux de ses engagements qui veut prendre en main son destin et œuvrer pour son avenir en capitalisant les expériences du passé.Dans la recherche de paix dans le Nord de son pays et plus largement au Sahel, le Mali saura compter sur la coopération de facilitateurs que sont les pays du champ.

L’Algérie, la Mauritanie, le Tchad, le Niger et le Burkina Faso sont nécessaires pour juguler la crise et ses conséquences. Cette collaboration devrait être élargie à d’autres volontés comme le Maroc, et même la Lybie, partenaire effectif de certains mouvements armés, dont le MNLA.En plus des pays du Champ, la France, l’Union Européenne, les Etats Unis, l’Union Africaine et la CEDEAO doivent exercer une pression politique sur le MNLA et ses alliés pour parvenir à un désarmement total, préalable à des discussions crédibles et porteuses d’espoir.
La volonté malienne d’une paix durable est réelle, partagée par les plus hautes autorités et par l’ensemble du peuple malien. Au sortir du gouffre de 2012, il ne viendra plus jamais à l’esprit de qui que ce soit de promouvoir un quelconque saupoudrage.

La crise malienne ne sera pas un problème Onusien, mais une difficulté nationale prise au sérieux et qui sera résolue avec courage et détermination.
C’est dire que la feuille de route de la médiation en cours de finalisation par le Gouvernement fera l’objet de la plus vive attention et chaque citoyen se trouve interpellé et devra jouer sa partition.

II – LES CONDITIONS DE LA PAIX ET DE LA RECONCILIATION NATIONALE
Cinq points paraissent des préalables au dialogue devant conduire à une paix durable et une réconciliation nationale, étant entendu que la réconciliation n’a de sens qu’après la crise elle-même et la manifestation de la vérité et de la justice.
A- La sécurité dans l’espace Sahélo-Saharien

Le péril qui menace l’ensemble du Sahel est réel, permanent et dynamique. Il a été amplifié ou métamorphosé par la gestion contestable de la crise Libyenne.A l’évidence, aucun des pays du Sahel ne peut juguler toutes les épreuves de terrorisme et de criminalité transfrontalière. Devant des armées sahéliennes peu formées et sous-équipées, l’ennemi est surarmé, mobile et impitoyable.

Les programmes de forces d’intervention rapide de l’Union Africaine sont certainement dignes d’intérêt. Hélas, ils sont encore à l’état de projets, cependant que le péril est immédiat et s’étend inexorablement.

Ventre mou du système sahélien de défense, le Mali ne doit son salut qu’à l’intervention française dont la diligence a été opérationnelle grâce aux accords de défense liant la France à des pays frères comme la Côte d’Ivoire et le Tchad. Alors, pourquoi le Mali ne maximiserait pas sa sécurité et celle de l’ensemble du Sahel en s’inscrivant dans la stratégie internationale de défense contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière ?

Pourquoi croire que signer un accord de défense avec la France serait un signe de recolonisation ? Pourquoi ne pas s’engager dans un accord de défense avec la France garantissant la sécurité et l’intégrité territoriale, la formation et l’équipement d’une armée malienne qui, dans quelques années, serait alors à même d’assumer ses missions régaliennes ?

Aussi, conformément à la Constitution, le Gouvernement légitime du Mali peut et doit rapidement finaliser ces accords à présent urgents et qui, par la suite seront ratifiés par l’Assemblée Nationale, si nécessaire.
La sécurité ainsi assurée, le Mali se consacrera plus sereinement à l’essentiel, la paix, la réconciliation et le développement.

B- L’implication effective des vrais acteurs, représentants légitimes de la population
Il est fondamental de se départir de l’idée fausse et nuisible d’une rébellion de tous les Touaregs du Mali contre le pays ou d’autres Ethnies. En réalité, les groupes armés ne bénéficient d’aucune légitimité fondée sur le soutien de la population dont ils se réclament.
Pour des solutions pérennes, il est donc indispensable de revoir fondamentalement les acteurs du dialogue, en incluant les élus locaux, les chefs traditionnels et les religieux, les notables, les leaders d’opinion, seuls représentants légitimes des populations.
De même, l’implication de l’ensemble des collectivités décentralisées est indispensable, dans la gestion de la crise et l’après crise. Cela passe par un réel transfert de compétences et des ressources nécessaires à cet effet.
C- Le renforcement de l’autorité de l’Etat

L’Etat doit impérativement reprendre la main quant à sa mission régalienne de défense. Cela implique certes le désarmement des groupes rebelles, mais aussi le démantèlement de toutes les milices armées à caractère ethnique, racial et régionaliste.
Une administration renforcée et une justice de qualité seront les axes prioritaires pour assoir l’autorité de l’Etat dans ces régions si éprouvées, et réconcilier l’Etat avec le citoyen, premier pas vers la réconciliation nationale.

Une erreur à ne plus commettre serait l’intégration systématique de tout combattant issu des groupes armés, action présentée par le passé comme facteur de paix mais qui, jusque là s’est avérée une prime à la rébellion ou à la violence.
De même, il faudra poursuivre en justice toute personne ayant commis des fautes graves durant le conflit, et identifiée à la suite d’investigations impartiales et transparentes.
D- Une juste perception du cas de Kidal

La recrudescence des insurrections armées n’implique pas toute la communauté touarègue. En réalité, les rébellions ont toutes pris naissance dans l’Adrar des Ifoghas et ne mobilisant même pas toute la communauté Targui de Kidal qui représente à peine 52 000 personnes selon les statistique du RGPH de 2009.

L’opinion nationale et internationale doivent comprendre que ces rébellions sont le fait d’un petit groupe politico-militaire formé idéologiquement et militairement en Lybie sans légitimité et imposées à des populations qui cohabitent pacifiquement depuis très longtemps avec les autres groupes régionaux (Songhaï, Peuls, Maures Arabes, bambaras), pour ne citer que ceux-là.
Aussi, il urge d’intégrer dans la recherche de solution durable, la crise de leadership et de chefferie dans la région de Kidal qui a toujours constitué un des paramètres essentiels de ce conflit. En effet, le règlement du conflit armé serait inachevé si la mutation indispensable de la domination des Ifoghas dans la région n’aura pas été normalisée dans un pays démocratique et moderne.

E- La gestion du retour des déplacés et des refugiés
Une communication pertinente et permanente doit porter sur les questions relatives au retour des populations déplacées et réfugiées de manière à sauvegarder la cohésion sociale et la paix. Plusieurs initiatives peuvent être considérées, comme, entre autres, la mise en place de comités de veille au niveau des régions, préfectures, sous préfectures, communes, villages et fractions. Composés de leaders locaux, chefs coutumiers et religieux, des organisations faitières de la Société Civile, y compris les femmes, les jeunes, les communicateurs traditionnels, ces comités de veille auront pour objectif l’alerte précoce , la prise en charge de tout risque et faciliter le retour au vivre ensemble d’antan.
III – PROMOUVOIR LE DEVELOPPEMENT

Si la garantie d’une paix durable passe, au risque de nous répéter, par la restauration de l’autorité de l’Etat basée sur une administration compétente, efficace et responsable, une armée républicaine forte, une justice impartiale, soucieuse uniquement du droit, il est à présent temps d’accélérer un développement économique et social endogène et participatif du Nord du Mali.
Les Accords de défense avec la France faciliteront l’exploitation des ressources minières importantes du septentrion national (eau souterraine, phosphate, uranium, gaz, pétrole, …). Ces ressources nouvelles et consistantes conforteront la mise en œuvre effective du programme d’urgence des Collectivités Décentralisées et du Plan de Développement Accéléré des Régions du Nord (PDA-RN)

Le désenclavement par la réalisation des axes routiers déjà en cours, et ceux programmés, ainsi que la construction de l’aéroport de Kidal, l’aménagement de ceux de Tombouctou, Gao, Mopti et Tessalit d’une part , et d’autre part le démarrage des travaux du barrage de Taoussa et les aménagements hydro-agricoles qui en découlent constituent une solide base de nature à asseoir le développement.

En conclusion, la paix et la réconciliation sont possibles. Elles sont à notre portée. A condition que pour une fois, les vrais acteurs soient parties prenantes, que le spectre de la criminalité transfrontalière soit jugulé et qu’enfin les maliens se parlent vrai pour une réconciliation des cœurs. Le Mali mérite cela.
Bamako, le 17/02/2014

Mohamed AG Hamani, Ancien Premier Ministre
Commandeur de l’Ordre National

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