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L’Essor N° 17622 du 20/2/2014

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Impact de l’activité minière sur l’économie nationale : Les pistes du faire plus et mieux
Publié le jeudi 20 fevrier 2014  |  L’Essor




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L’apport des mines est incontestablement important. Le challenge consiste à identifier plus précisément les ressources et à en améliorer l’utilisation

L’exercice est complexe, mais ilsemble être la seule alternative possible pour maximaliser l’apport de l’industrie extractive à l’économie nationale. L’étude commanditée récemment par le ministère de l’Industrie et des mines sur la réconciliation des flux de paiements effectués par les entreprises extractives et des revenus perçus par l’Etat au cours l’année 2010 s’inscrit dans cette recherche de transparence qui a toujours sous-tendu les politiques de développement et de promotion du secteur minier dans notre pays. L’adhésion en 2007 de notre pays à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), la relecture du Code minier en 2012 et la création du Bureau d’évaluation, d’expertise et de certification de diamant brut constituent autant de mesures prises par le gouvernement pour une meilleure gestion des revenus générés par l’activité minière.

Certes, la mise en place de ces instruments législatifs et règlementaires est salutaire. Mais elle ne réduit en rien la méfiance de nos compatriotes qui peinent à percevoir l’impact des mines sur leur quotidien. Cette attitude réservée des Maliens est légitime, reconnait Abou-Bakar Traoré, économiste et ancien ministre des Mines, car il n’existe pour le moment dans notre pays aucun baromètre, aucun instrument, aucun cadre formel qui permettraient une lisibilité de l’impact de l’industrie minière sur l’économie nationale. En l’absence de ces données vérifiées et accessibles à tous, nos concitoyens ont toutes les raisons de croire que l’activité extractive ne profite qu’aux seuls investisseurs extérieurs et aux mnultinationales étrangères.

Combien ont apporté les industries minières à l’économie nationale ces dix dernières années ? La première réponse se trouve dans les déclarations faites par les entreprises minières elles-mêmes. L’impact de l’exploitation minière sur l’économie nationale revêt un caractère multidimensionnel, explique le ministre de l’Industrie et des mines, Dr Boubou Cissé. Les revenus générés par l’industrie minière proviennent essentiellement des obligations fiscales constituées par les taxes et impôts et des ressources non fiscales via les dividendes et les redevances légales. Sur la base des chiffres fournis, les revenus versés par les sociétés minières au Trésor public s’élèvent, de 2005 à nos jours, à plus de 1.122 milliards de Fcfa. Cette manne provient essentiellement de ce qu’on appelle les royalties et des recettes non fiscales. Les mines ont rapporté au Trésor public pour la seule année 2012 plus de 228 milliards de Fcfa sur les recettes budgétaires globales de 813,3 milliards de Fcfa, soit donc plus de 28% des recettes de l’Etat.

UNE ÉCONOMIE INFORMELLE TRÈS DYNAMIQUE. Au même moment, les mines ont contribué en termes de valeur ajoutée à plus de 1.579,7 milliards de Fcfa dans les caisses de l’Etat. Cet apport représentait environ 30% de la valeur ajoutée secrétée par le secteur secondaire. Dans la même dynamique, elles ont généré plus de 70% des valeurs d’exportations et d’importations, estime le ministre Cissé. La balance commerciale et les flux financiers se sont nettement améliorés. Ainsi les ressources créées via les valeurs des exportations et des importations s’élevaient à plus de 4.945 milliards de Fcfa.

Par ailleurs, l’économie locale bénéficie elle aussi des retombées de l’exploitation minière. Les collectivités riveraines des mines ont perçu d’importants revenus sous forme de taxes et autres contributions obligataires. AngloGold Ashanti et RandGold Resources, les deux grosses multinationales minières, ont versé rien que pour les trois dernières années plus de 6,06 milliards de Fcfa aux communes de Sadiola, Morila et Loulo où leurs mines sont implantées. Les sociétés minières investissent également dans le développement communautaire. Cet apport se fait certes dans le cadre des obligations fiscales vis-à-vis des communes, mais également à travers des initiatives de solidarité en direction des populations comme la réalisation d’infrastructures de base et d’équipements hydro-agricoles. Outre ces contributions, les mines favorisent le développement d’une économie informelle très dynamique. La demande des biens et services, la création d’emplois (5000 à 6000 environ), les infrastructures routières, hydrauliques et sanitaires, ont largement contribué à l’amélioration des conditions de vie des communautés riveraines. Au regard de ces investissements, les mines constituent le premier facteur de développement, note pour sa part Adama Koné, directeur général de la mine d’or de Morila. Selon lui, l’Etat malien bénéficie de l’activité minière encore plus que les compagnies elles-mêmes.

Les barèmes de répartition, soutient Adama Koné, accordent à l’Etat malien plus de 50% des revenus miniers. « Selon l’accord d’établissement des sociétés minières, l’Etat malien détient 20% des actions de la plupart des mines. Mais ce que les gens ne savent pas, l’Etat prélève 30% de la vente de l’or produit. A cela s’ajoutent les 20% à titre de dividendes perçues sur les bénéfices dégagés de la commercialisation de l’or. Ces revenus cumulés représentent déjà 50% des richesses produites par une mine. Sans compter les salaires versés aux employés (essentiellement des nationaux) et les investissements faits au profit des communautés. Donc faites une analyse de tout cela et vous verrez que le Mali est le plus grand gagnant de l’activité minière », assure notre interlocuteur.

Mais la société civile ne partage pas du tout cette analyse péremptoire. La contestation est conduite par la Coalition malienne « Publiez Ce Que Vous Payez » qui rejette l’angélisme qui imprègne le plaidoyer des miniers. Dans une étude récemment rendue publique, l’organisation relève des insuffisances fiscales et administratives qui font que les ressources générées par le secteur minier ne profitent pas réellement aux collectivités. Les dégâts relatifs au respect des droits de l’homme, l’accès à la terre, la destruction du couvert végétal, la déperdition et le déséquilibre social, la perte des valeurs culturelles, la cherté du coût de la vie créant une forte paupérisation des populations, la pollution sont autant de problèmes engendrés par l’activité extractive et qui ne reçoivent aucune compensation, selon le secrétaire administratif de la coalition, Abdoul Wahab Diakité. Le coordinateur de la Coalition, Samou Coulibaly, préfère, lui, évoquer l’impossibilité d’établir la traçabilité des fonds injectés par les mines dans l’économie nationale. Cette opacité existe aussi bien au niveau des financements formels qu’au niveau des contributions volontaires effectuées par les sociétés minières dans le cadre du développement communautaire, précise-t-il.

CINQ ENTREPRISES MALIENNES. La contribution des mines à l’économie nationale alimente donc des appréciations très divergentes. A la satisfaction exprimée par les politiques et les opérateurs s’oppose le fort sentiment de méfiance, voire la franche antipathie exprimés par nos concitoyens vis-à-vis de l’industrie minière. Si les premiers jurent la main sur le cœur que les mines sont quasiment le poumon de l’économie nationale, les seconds dénoncent l’absence de retombées tangibles sur leur quotidien. Le problème de fond qui se pose au secteur minier, c’est la perception négative qu’ont de lui les communautés, reconnaît le ministre Cissé. Cette perception se résume à la phrase bien connue qui affirme que l’or du Mali ne brille pas pour les Maliens. Pour dissiper ce préjugé tenace, deux actions sont nécessaires. Premièrement, les mines doivent répondre à l’interpellation de faire plus et mieux qui leur est lancée par les communautés. Ensuite, l’Etat doit prendre ses responsabilités pour veiller à une bonne utilisation des recettes versées aux communes par les mines, souligne Dr Boubou Cissé.

Selon le ministre, le seul moyen de rendre visible l’impact de l’exploitation minière sur la vie de nos compatriotes serait une intégration des mines dans l’économie nationale. « Vous savez, les mines ont toujours été gérées de façon isolée. Il n’y a pas de lien visible entre elles et les autres secteurs de l’économie. C’est à cela qu’il faut remédier. Malheureusement, on s’est plus préoccupé de maximiser les recettes fiscales de l’Etat que de promouvoir des projets de développement d’infrastructures qui fournissent une contribution directe à l’économie en terme de création d’emplois. Il faut donc renforcer l’interaction exploitation minière/développement économique. Mettre ensemble les ministères des Mines et de l’Industrie est une excellente idée que nous sommes en train d’exploiter autant que possible. Un autre volet de l’intégration dont nous parlons, c’est la promotion d’une industrie locale de sous-traitance. Il y a de la place pour cela. De nos jours toute la sous-traitance minière est internationale, multinationale et étrangère. Elle ne bénéficie donc pas à l’économie malienne. On est entrain de voir dans quelle mesure on peut inciter les mines à établir un partenariat avec une entreprise locale malienne pour réaliser leur activité de sous-traitance. Cela a déjà commencé avec RandGold qui utilise cinq entreprises maliennes », indique le ministre Cissé.

Selon lui, le fait de consommer local peut très vite changer le regard porté sur les mines. « Rien que dans la consommation du ciment qui est une matière première très utilisée, les mines investiraient plusieurs milliards de Fcfa au Mali. Certes, la production nationale n’est pas encore suffisante pour satisfaire les besoins des miniers. Mais un projet en cours aux environs de Diamou sera inauguré sous peu. En matière d’approvisionnement des sociétés en produits alimentaires, nous discutons avec certaines sociétés. RandGold en est une. Au lieu de tout importer, les mines peuvent se tourner vers des productions locales. Un exemple concret est celui du maire de Kéniéba qui fournit la mine de Loulo en riz produit localement. », plaide le ministre Cissé.

DES SOMMES CONSIDÉRABLES À MOBILISER. Mais cette optimisation des recettes minières pose également le défi de la bonne gouvernance. Et le ministre en est conscient. « Pour être honnête, il n’y a pas de structure de contrôle fiable pour déterminer réellement ce que nous produisons. La solution serait d’aller vers la mise en place d’une raffinerie. Un projet est déjà cours et on espère que d’ici 2015 que cette structure verra le jour. Par ailleurs, il y a un travail d’audit qui va commencer maintenant. Je l’avais déjà annoncé. Les Maliens sont pressés de le voir aboutir, mais il faut que les gens comprennent qu’un audit, tel que l’on veut le faire, n’est pas facile à réaliser. D’abord, il faut trouver des compétences au niveau international qui ne seraient pas en collusion avec les sociétés minières. Cela est très important, car il ne faut pas sous-estimer la ramification que ces sociétés peuvent avoir.

Secundo, il faut disposer des ressources financières nécessaires. On a neuf grandes mines en production. Pour les auditer, les sommes à mobiliser sont considérables et il faut les chercher. Aujourd’hui, un pas en avant a été déjà fait. Les termes de l’audit sont ficelés. Ce sera un audit qui va concerner un certain nombre d’axes principalement. Il y aura un audit de conformité, un audit technique, un audit financier et un audit social. Nous proposons aussi de revoir le choix de nos administrateurs au sein des conseils d’administration des sociétés. L’Etat est assis à la table des CA, mais, il faut le dire, la plupart de nos administrateurs ne sont que des touristes », regrette Dr Boubou Cissé.

Ces garde-fous suffiront-il réellement pour faire profiter notre économie des retombées minières ? Pas seulement, répond Abou-Bakar Traoré qui propose une amélioration de la cartographie et des bases de données. La gestion rationnelle des titres miniers, la transparence et la bonne gouvernance, la création d’un compte d’affectation spécial des ressources tirées de l’or pour financer le développement et d’un compte de domiciliation où sont comptabilisées les recettes d’exportations et enfin la mise en place d’une agence de gestion des participations de l’Etat (AGPE) sont autant d’instrument qui permettront d’optimiser les recettes minières, soutient l’ancien ministre.

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