La situation actuelle de l’école mérite beaucoup de réflexions et de questionnements sur le système. Il faut aussi chercher des solutions pour sa renaissance. Le Pr. Dianka Sanoh, après avoir pointé les problèmes cruciaux de l’école malienne, nous propose ses réflexions pour éradiquer le mal.
our le Pr Sanoh, «il est évidemment hors de question de se lancer dans de nouveaux congrès ou séminaires qui accoucheraient d’une énième réformette schizophrène. Il faut sortir des sentiers battus, prendre des décisions folles et poser les actes qui vont avec, sans faiblir».
Selon lui, il faut fermer définitivement l’école dans sa forme actuelle et entreprendre la mutation devenue indispensable, au risque de mettre en péril l’existence même de notre pays. Il est de notre devoir de donner quelques indications sur ce qui pourrait une voie de sortie de l’impasse où l’école se trouve. «A commencer par répondre à la question primordiale: que faire de l’existant, les élèves et étudiants, les maîtres, enseignants et professeurs, les infrastructures actuelles, etc?».
Pour le Pr Sanoh, il faut les réorienter, tout simplement en suivant une démarche simplissime: la planification des besoins de l’Etat. C’est-à-dire, en accord avec le ministère du Plan et au regard des besoins à court et moyen termes, faire le diagnostic des besoins en ressources humaines.
Pour ce faire, on pourrait dégager trois grands secteurs, l’agro-alimentaire: agriculture, pêche, élevage et métiers pouvant s’y rattacher; l’éducation: enseignement, apprentissage de base, secondaire et technique et, enfin, la médecine et para médecine et métiers se rattachant à l’hygiène et à la santé, pour les ouvriers, techniciens et ingénieurs.
Il faudra aussi «affecter à ces filières les infrastructures, selon leur localisation et leur spécificité. Pendant trois ans, toutes les ressources financières habituellement affectées à l’éducation dans le budget national seront orientées et gérées par la structure centrale qui s’occupera de cette entreprise de mutation», poursuit le Pr Sanoh.
Ce n’est pas tout. Il faudra prévoir les ressources humaines qui animeront les secteurs économiques modernes et qui s’attèleront aux rénovations des secteurs traditionnels, pour rester dans la mouvance de la mondialisation. «Mais la grande majorité de notre population n’a, même en ce 21ème siècle, que des besoins primaires à satisfaire, qui restent donc prioritaires. Il y aura beaucoup de frustrations. Tous les problèmes ne seront pas résolus » juge le Pr Sanoh.
Au stade actuel, il est seulement question de sortir l’école malienne de l’ornière qui lui sera fatale à brève échéance. Car, sous sa forme actuelle, elle est devenue un fardeau trop lourd pour l’Etat malien, qui y consacre déjà près de 35% de ses revenus, pour des résultats qui ne satisfont personne.
Constat du spécialiste: «les élèves et les étudiants sont en colère, refusent d’aller à l’école, sauf à être rémunérés pour cela et les enseignants en font de même, jugeant leurs revenus misérables. Les parents ne savent plus que faire. Ils sont impuissants à satisfaire les besoins de plus en plus grands de leurs enfants. L’Etat lui aussi ne sait plus à quel saint se vouer pour faire face aux besoins vitaux de tout ce monde».
«Tout a été essayé et tout s’est révélé impuissant à apaiser les courroux des uns et des autres». Il faudra donc, selon le Pr Sanoh, rechercher l’adhésion volontaire à cette démarche. «L’Etat devra tout faire pour la rendre fonctionnelle et affirmer résolument sa décision de se débarrasser du système actuel d’enseignement».
«La planification, le retour à la planification, c’est la voie royale pour nous en sortir. C’est elle qui permettra d’absorber tous les sortants de nos écoles. L’orientation libérale proposée aujourd’hui aux élèves et étudiants n’est pas jouable. Elle n’est possible que dans un espace économique fort et diversifié. Beaucoup de formations attrayantes aux yeux de nos enfants n’ont aucun débouché sur le marché du travail au Mali. Laisser nos enfants faire des études de pointe les oblige soit à rester en Occident, où il y a les laboratoires, soit à venir s’ennuyer au Mali. Alors, bonjour les frustrations! Je comprends qu’il soit difficile de me suivre dans ma démarche, mais pensons-y», conclue le Pr Sanoh.